Commentaire Incipit Thérèse Raquin
Publié le 15/09/2006
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Emile Zola (1840-1902) est le principal représentant de l'école naturaliste. Il écrit son premier roman Thérèse Raquin en 1867 avant d'entreprendre les Rougon-Macquart. Homme de combat, il s'engage en faveur de Dreyfus en publiant à la une de L'Aurore une lettre ouverte au Président de la République : «J'accuse«. Cet extrait constitue l'incipit du roman qui s'ouvre sur la description du passage du Pont Neuf où Mme Raquin, son fils Camille et sa nièce Thérèse, épouse de Camille, possèdent une mercerie. Zola soucieux d'ancrer sa fiction dans le réel, propose une description minutieuse d'un quartier populaire de Paris qu'il dévalorise et déprécie; l'histoire s'installe d'emblée dans une atmosphère ténébreuse. Il est possible de rendre compte de ce texte en montrant en quoi cette description peut-revêtir différentes fonctions : réaliste, narrative et symbolique. Nous verrons donc dans une première partie la description minutieuse d'un quartier populaire pour ensuite nous intéresser à la fonction narrative de cette description, c'est à dire la mise en place d'une atmosphère ténébreuse. I La description minutieuse d'un quartier populaire Dans un premier temps l'auteur nous présente une topographie réelle à travers les indice toponymiques (ligne 1-3); ces trois rues existent en effet. Elles sont situées sur la rive gauche de la Seine; le passage du Pont-Neuf a disparu au moment des grands travaux d'Haussman; par le choix de la rue de Seine et de la référence au Pont-Neuf, Zola fait allusion à la ville de Paris dont le nom est absent du texte. Ensuite l'auteur nous décrit la ville comme si nous déambulions dans celle-ci, l'impression d'une visite est suggérée par l'emploi du verbe de déplacement «vient« (ligne 1). Le narrateur introduit son lecteur désigné dans le texte par l'emploi du pronom indéfini «on« (ligne 1). Le regard lui-même est guidé par le narrateur , ce que révèlent les indices spatiaux (ligne 1, 10, 14, 17, 23) et les verbes qui structurent l'espace (ligne 10, 17, 23). Il s'agit d'une promenade dans un quartier de Paris qui fait découvrir, grâce à une énumération, différents commerces (ligne 10, 11-12, 18). La description de ce lieu par l'auteur est très minustieuse, le lieu est en effet mesuré à travers le recours au notation chiffrées (ligne 3) ce qui permet au lecteur de s'en faire une représentation mentale; ce lieu est également exploré dans son horizontalité , dans sa verticalité et dans sa profondeur : le sol (ligne 3), le plafond (ligne 4-5, 23) et les parois (ligne 17 x2, 23). De plus cette description tient compte des saisons; le parallélisme de construction (ligne 6, 7-8) fait alterner un décor estival et hivernal. Enfin lors de cette description l'auteur dévalorise et déprécie ce lieu à travers l'emploi d'un vocabulaire évaluatif fortement péjoratif qui fait appel à différentes sensations visuelles et tactiles (ligne 4x3, 5, 7x2, 9x3, 12, 18-19, 23). Tous ces tremes évoquent la saleté, l'abandon, le laisser-aller, le dégout et la répulsion. De même le lexique des couleurs est fortement dépréciatif (ligne 4, 5, 6, 12, 14, 20, 23); on remarque la récurrence du suffixe «âtre« à valeur péjorative ainsi qu'une qualification dévalorisante des couleurs (ligne 12, 20) II La fonction narrative de cette description Le narrateur nous décrit une atmosphère ténébreuse et oppressante, l'obscurité qui règne ici renvoie symboliquement à la noirceur du roman; la récurrence du champs lexical des ténèbres (ligne 2, 6, 9, 10, 15x2, 23) rapproche ce texte de l'esthétique du roman noir; même le soleil habituellement symbole de clarté ne donne ici qu'une chaleur malfaisante à travers la métaphore (ligne6, 7). Dans cet extrait règne également une atmosphère morbide à travers la présence du champ lexical de la maladie et de la mort de manière sous-jacente par les personnifications et les comparaisons qui mettent en place un décor en décomposition (ligne 4, 10-11, 23, 24). En outre les armoires sont alignées comme des cercueils et même les bijoux sont présentés dans de petits cercueil (ligne 21-22). Le lexique polysémique est également annonciateur de la mort (ligne 11, 12-13); les boutiques sont métaphoriquement désignées par des tombes (ligne 15). Dans cet espace mortuaire tout évoque le cadavre et la décomposition à travers, en particulier, le choix de l'adjectif chromatique (ligne 14). Ce lieu ne semble être peuplé que d'objets fantomatiques à travers l'expression appartenant au registre fantastique (ligne 13-15). Enfin l'espace décrit par l'auteur ressemble à un huit-clos tragique, une sorte de lieu d'emprisonnement, en effet l'étroitesse du lieu préfigure la dimension tragique du destin des personnages; les indices spatiaux (ligne1-2, 4-5, 10x2, 17) et les verbes qui structurent l'espace (ligne 10, 17, 23) mettent en place symboliquement un univers carcéral et fermé d'où il est impossible de s'échapper. Cet incipit s'attache à la description minutieuse d'un quartier de Paris; à cette fonction réaliste se superpose d'autres fonction symbolique et narrative: la mise en place d'une atmosphère délétère et morbide. De même ce passage anticipe sur le déroulement du roman, il préfigure en particulier le destin de Camille dont la figure du spectre se trouve suggérée dans «les formes bizarres« qui s'agitent dans les boutique pleines de ténèbres.
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