Commentaire de texte sur La Charogne de Baudelaire

Ce poème de Charles Baudelaire est extrait des Fleurs du Mal, publié en 1857. Il se trouve dans la partie intitulée \"Spleen et idéal\", nom sans doute précurseur du paradoxe des poèmes qu'elle contient. Ici, Baudelaire explore la mort et en particulier la décomposition du corps après cette dernière. En effet, il passe outre les conventions poétique au XIXème siècle, révolutionnant ainsi la déclaration d'amour. Dans ce commentaire, nous allons tout d'abord aborder les vanités particulièrement violentes, puis nous pencher sur le paradoxe de cette déclaration d'amour, dans le but d'analyser en quoi Baudelaire créé avec ce poème une révolution \"esthétique\" pour le XIXème siècle.

Dans ce poème, l'objectif délibéré de Baudelaire est de choquer. Pour cela, il met en confrontation le lyrisme et la description objective du corps en décomposition. Ainsi, il emploie des termes relativement \"crus\" et use de champs lexicaux dont l'utilisation était alors tabou en poésie : ceux de la mort et du repoussant. En effet, Baudelaire fait planer sur son poème une atmosphère morbide, comme nous le confirment des mots tels que \"squelette\" ou \"ossements\" et désire ouvertemenbt dégoûter le lecteur? Il l'immerge complètement dans ce qu'il décrit en utilisant des expressions faisant référence aux cinq sens ayant pour but de l'entraîner totalement dans la scène, comme par exemple avec \"exhalaisons\", \"puanteur\" et \"putride\" pour l'odorat ; \"suant\", \"noirs\" et \"épais liquide\" pour la vue ; \"bourdonnaient\" et \"musique\" pour l'ouïe ; \"cuire à point\" pour le goût et enfin \"doux\" pour le toucher. Ces termes sont d'autant plus choquants qu'ils sont incorporés au lyrisme sans disctinction particulière, comme par exemple lorsque l'on passe de \"Ce beau matin d'été si doux\" à \"Au détour d'un sentier une charogne infâme\" au vers suivant. Baudelaire traite ce contraste avec tant de nonchalance et de désinvolture que son but de choquer en devient flagrant.

\"Une Charogne\" est avant tout un poème d'amour adressé à l'être aimé de Baudelaire, Jeanne Duval. Le poète déclare ainsi son amour de manière tout à fait commune aux poèmes, allant ainsi jusqu'aux clichés du lyrisme en usant d'appellatifs convenus tels que \"mon âme\", \"mon ange et ma passion\" ou encore \"ma beauté\". Cependant la notion que veut ici faire ressortir le poète est celle de Carpe Diem. On peut ainsi faire la comparaison avec le poème de Ronsard \"Mignonne, allons voir si la rose\" et supposer que Baudelaire a en fait voulu dire à son aimée de profiter de la vie tant qu'elle était encore jeune et belle, puisque la mort n'épargne pas la beauté et la fait devenir laideur.

Cette déclaration amoureuse est d'autant plus paradoxale qu'un des thèmes récurrents dans cette oeuvre est sans doute la mise en relation de la mort et de l'amour. En effet, bien que déclamant ses sentiments à Jeanne Duval, Baudelaire ne peut s'empêcher de lui rappeler que la mort la rattrapera elle, et plus particulièrement sa beauté. Peut être est-ce une façon pour le poète de faire l'éloge de son art ou bien un moyen d'exorciser lui-même ses doutes et ses peurs quant à la mort, en transposant son devenir sur celui de l'objet de son affectionet de son désir.