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Commentaire De Texte - L'Esprit Des Lois De Montesquieu Chapitre XV

Publié le 20/01/2011

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esprit

L’extrait étudié ici est tiré du roman L’Esprit des Lois, écrit par l’écrivain et philosophe des Lumières, Montesquieu. Grand auteur du XVIIIe siècle, il écrit tout d’abord de manière anonyme et publie à l’étranger, afin d’échapper à la censure, Les Lettres Persanes, un roman épistolaire qui fait la satyre de la société française à travers la vision de deux Persans. Puis il séjourne en Angleterre où il découvre et étudie la monarchie constitutionnelle et parlementaire. Enfin, de retour en France, il pense à une nouvelle organisation politique et sociale à l’origine du libéralisme et de la séparation des pouvoirs. Il en résulte plusieurs romans tel que L’Esprit des Lois. Dans ce livre, élaboré en 1748, Montesquieu prône l’établissement d’un système aristocratique très libéral et analyse les mœurs sociales et politiques à la fois passées et contemporaines afin d’en tirer une certaine logique. Dans l’extrait étudié ici, Montesquieu dénonce l’esclavage des noirs mais en donnant la parole aux esclavagistes. On peut donc se demander comment il s’y prend pour convaincre le lecteur, alors qu’en apparence il est favorable à l’esclavage. Pour répondre à cette problématique, il sera montré dans un premier temps que Montesquieu donne une vision en faveur de l’esclavage, puis dans un deuxième temps qu’il masque derrière son argumentation la défense des esclaves et qu’il invite le lecteur vers cette idée subjective grâce à différents indices. Pour terminer, il sera mis en évidence que Montesquieu, en plus de réprimer l’esclavage, pointe du doigt la brutalité des Européens avec les Indiens, l’impiété de ceux qui se disent chrétiens et qui pratiquent l’esclavage, et enfin, les inégalités sociales qui règnent entre le peuple et la noblesse.

 

A première vue, Montesquieu défend totalement le droit à l’esclavage par différents procédés. Pour commencer, il ne considère pas les esclaves comme des hommes. En effet, il installe une certaine distance entre les européens et les noirs en utilisant des périphrases dépréciatives comme « ces gens-là « et « Ceux dont il s’agit «. De plus, il marque la différence principalement en insistant sur la couleur comme par exemple dans l’expression « un corps tout noir «. Il est possible d’en déduire que l’auteur utilise dans l’extrait une forme de racisme.

Pour continuer, il est simple de remarquer que l’auteur se montre de plus en plus insistant à chacun de ses arguments qui semblent imparables telles des évidences. Cela est dû premièrement à la forme des arguments. Effectivement, la disposition en courts paragraphes peu développés et les expressions « il est presque impossible «, « On ne peut «, « Il est si naturel de penser que « et « Une preuve que « présentent les arguments de plus en plus comme des certitudes. Par ailleurs l’auteur insiste sur le caractère imparable d’arguments grâce aux relations causales « Les peuples d’Europe ayant exterminé ceux de l’Amérique « et « ils ont le nez si écrasé qu’il est presque impossible de les plaindre «. Ces différents éléments montrent bien que Montesquieu a eu l’intention de donner à son argumentation un caractère infaillible.

Enfin, le dernier élément, qui pousse le lecteur à croire que Montesquieu est favorable à l’esclavage au premier degré de lecture, est l’emploi du « nous «. En effet, ce « nous « semble inclure bien sûr l’auteur mais aussi les Européens qui sont responsables, plus ou moins involontairement, de l’esclavage des noirs. Le lecteur contemporain étant lui-même européen, il est possible d’en déduire que l’auteur a voulu, en plus de soutenir de manière artificielle l’esclavage, inclure le lecteur à ce « nous « et ainsi lui imposer son point de vue. Mais cela a-t-il eu pour but de mieux convaincre le lecteur de soutenir le droit à l’esclavage ou bien de suivre l’auteur vers une vérité cachée dans le récit ?

 

Après avoir pris conscience de l’existence d’un second degré de lecture, il est évident que la réponse est que l’auteur invite le lecteur vers l’idée de répression de l’esclavage et cela grâce à des indices, à commencer par la première phrase de l’extrait. Certes, une prétérition au sujet du fait de soutenir le droit à l’esclavage interpelle dès le début le lecteur. Ce dernier peut sans doute se demander si oui ou non l’auteur est réellement favorable à l’esclavagisme et s’il dirait les arguments qui vont suivre dans le cas où cette pratique serait remise en cause.

Par ailleurs, certaines amplifications peuvent de nouveau interpeler le lecteur. C’est le cas des hyperboles « noirs depuis les pieds jusqu’à la tête « et « le nez si écrasé « qui mettent en avant des différences de caractères physiques entre les Européens et les Africains par des insistances au sens ridicule. En plus de surprendre le lecteur, cette description grotesque invite celui-ci à une remise en question au sujet du racisme dont sont victimes les noirs.

De plus, il est important de signifier que la majeure partie de l’extrait est dominée par l’ironie. Des expressions montrent, par des contradictions ou par leur sens étonnant, que l’auteur n’est pas sérieux et qu’il se moque des esclavagistes. C’est le cas par exemple du septième paragraphe, dans lequel l’auteur justifie l’esclavage des noirs par les Européens en le comparant au violent traitement des roux par les Egyptiens en présentant ces derniers, par une apposition, comme « les meilleurs philosophes du monde «. Sachant que L’Egypte n’a pas connu de nombreux et fameux philosophes, le lecteur se doute bien que Montesquieu utilise dans ce paragraphe un argument absurde et qu’il présente l’esclavage comme une pratique semblable à celle des Egyptiens avec les personnes aux cheveux roux, c’est-à-dire, comme une pratique barbare. Dans une même idée, l’auteur utilise aussi l’ironie pour masquer son opinion clairement en tant que philosophe. Dans l’expression « De petits esprits exagèrent trop l’injustice que l’on fait aux Africains «, le sujet « De petits esprits « désigne les philosophes. Sachant que le livre fut écrit par Montesquieu, qui était lui-même un philosophe, le lecteur comprend que l’auteur a voulu insinuer dans cette phrase tout le contraire de ce qu’il a écrit, c’est-à-dire qu’il est contre l’esclavage.

 

Mais d’autres éléments à caractère ironique mènent aussi à autre chose que la défense des esclaves. Certes, dans son premier argument, l’auteur fait aussi remarquer de manière discrète au lecteur le comportement violent des Européens envers les Indiens. En voulant expliquer pourquoi les Européens ont dû mettre en esclavage les Africains, l’auteur ajoute la relation causale « les peuples d’Europe ayant exterminé ceux de l’Amérique «. Par cette expression, Montesquieu sensibilise le lecteur à la barbarie de la part des Européens lors de leur installation en Amérique.

Puis, au lieu d’avoir, comme dans une argumentation normale, des arguments de plus en plus « intéressants «, les arguments sont de plus en plus absurdes. Effectivement, le développement commence avec deux arguments économiques, puis un à caractère raciste, un religieux, deux où l’esclavage est comparé à des pratiques barbares, un où le droit à rendre des noirs esclaves est justifié par le simple fait qu’ils n’ont pas les mêmes cultures que les européens, un second religieux qui contredit l’argument religieux précédent, et enfin un argument qui fait entendre que si l’esclavage était une mauvaise pratique, les gouvernants auraient déjà fait quelque chose pour l’abolir. Il est aisé de remarquer que les deux derniers arguments visent d’autres responsables de l’esclavagisme que les esclavagistes eux-mêmes.

Certes, Montesquieu fait aussi, encore une fois de manière subjective, une critique de la religion. Pour cela, il décrit tout d’abord Dieu de manière ironique par l’apposition « qui est un être très sage «. Puis il évoque dans l’avant dernier argument que si les Européens supposent que les noirs sont des hommes, ils ne seraient pas eux-mêmes chrétiens étant donné que la chrétienté est fondée par exemple sur la « miséricorde « et la « pitié «, qui sont deux termes utilisés par Montesquieu dans son dernier paragraphe. L’impiété des Européens qui se disent chrétiens est ainsi pointée du doigt par l’auteur. Il est possible de penser que ce raisonnement mène à une mise en évidence du côté factice de la religion.

Enfin, Montesquieu critique l’inactivité et la richesse des plus grands nobles, tels que les rois et les princes d’Europe, dans la dernière phrase de l’extrait qui est une question oratoire. Cette dernière invite le lecteur à réfléchir, principalement par l’apposition concernant les « princes d’Europe « « qui font entre eux tant de conventions inutiles «, au sujet de la facilité de la vie de ces puissants devant la misère du peuple.

 

Ainsi, après avoir montré les différentes évidences qui donnaient à Montesquieu une image de défenseur du droit à l’esclavage, il a été mis en avant des indices, essentiellement liés à l’ironie, qui ont mené le lecteur vers l’idée, néanmoins subjective, principale du récit : la répression de l’esclavage des noirs. Enfin il a été étudié comment le philosophe a subtilement dénoncé, au travers de cette répression, à la fois la barbarie des Européens avec les Indiens d’Amérique, mais aussi l’impiété de ceux qui se disent chrétiens et qui pratiquent l’esclavage, mettant par conséquent en avant le côté factice de la religion, et enfin l’injustice sociale qui régna entre le peuple et les hauts ordres comme la Noblesse. Pour terminer, il est important d’ajouter que la mise en évidence de ces inégalités sociales par Montesquieu et les autres philosophes des Lumières tels que Voltaire et Diderot, sera un des facteurs qui vont mener la population française à se soulever contre la monarchie autocratique lors de la Révolution Française de 1789, et ainsi à installer un régime proche de celui pensé par Montesquieu et même de notre régime actuel.

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