Commentaire de l'acte I, scène 1 de l'Illusion comique, de Pierre Corneille.
Publié le 15/09/2006
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Alors qu'à cette époque, Pierre Corneille est déjà reconnu pour ses talents de dramaturge grâce à la tragédie Médée (1635) il choisit de revenir, pour la dernière fois, à un genre considéré comme beaucoup moins noble par les doctes de l'époque : la comédie. C'est donc dans un contexte de mutations théâtrales caractérisé par la sédentarisation des troupes dans des théâtres parisiens, l'amélioration des conditions de représentation, la diversification du public, l'instauration de règles, que Corneille écrit, en 1636, L'Illusion comique, pièce dans laquelle il met en scène un père désespéré (Pridamant) qui cherche à retrouver son fils (Clindor) en fuite face à la sévérité paternel. Néanmoins, cette pièce recouvre un enjeu plus profond puisqu'il s'agit, également, d'une réflexion sur le théâtre, et plus particulièrement sur l'enjeu propre à celui-ci. Effectivement, la structure particulière du « théâtre dans le théâtre « poussée à son paroxysme puisque qu'elle est dédoublée du fait de la présence de deux pièces enchâssées (le premier enchâssement étant la vision de la vie de Clindor par l'intermédiaire des pouvoirs d'Alcandre et le second se révèle uniquement à l'acte V lorsque l'on comprend que cette vie est, en fait, une autre représentation théâtrale), nous conduit à nous interroger sur le caractère illusoire que l'on prête généralement au théâtre. Ainsi, nous étudierons la première scène de l'acte I, qui appartient exclusivement à la pièce cadre, en nous demandant plus précisément, si cette scène remplit les fonctions traditionnelles d'une scène d'exposition. Il convient donc, tout d'abord, de voir en quoi cette scène première revêt des caractères traditionnels, puis, nous étudierons, ensuite, les aspects atypiques de cette scène d'exposition. Comme pour toutes premières scènes d'une œuvre théâtral le lecteur, et plus encore le spectateur, s'attend à ce qu'on lui présente des éléments stratégiques qui vont lui permettre de comprendre l'histoire qui va se dérouler sous ses yeux de manière à ce qu'il puisse apprécier rapidement l'intrigue qui lui est présentée. C'est pourquoi, dans cette scène on retrouve des caractéristiques qui correspondent, effectivement, à l'horizon d'attente du lecteur. Celui-ci nécessite, entre autre, une présentation synoptique du contexte initial. Dès le deuxième vers, le contexte spatial est indiqué par Dorante : « cette grotte obscure «. La promptitude de ce renseignement répond à une nécessité pour le lecteur, et dans une moindre mesure pour le spectateur, qui consiste à imaginer le lieu dans lequel l'action se déroule. Cette précision a d'autant plus d'importance au XVII siècle puisque le lieu fait partie de ce que l'on appelle la règle des trois unités. Il doit donc, globalement, être le même tout au long de la pièce. Ainsi, la présentation de ce lieu est une constante des scènes d'exposition. Pour en revenir à la grotte décrite par Dorante, on notera qu'il lui attribut le qualificatif d'obscure ce qui lui confère, ainsi, une connotation inquiétante. De plus, cette caractéristique de l'absence de lumière se confirme au cours des vers qui suivent comme on peut le voir a travers des expressions telles que : « ces lieux sombres « (v.5), « la nuit « (v.3). D'ors et déjà on voit se dessiner un univers mystérieux et quelques peu angoissant comme le prouve l'association au champ lexical de la mort : « les funestes bords « (v.11), « mille morts « (v.12). Quand bien même le nom du magicien Alcandre n'est pas encore clairement énoncé, et celui-ci n'est pas encore venu sur scène, on sent la connotation magique qui lui est attribuée comme on le verra par la suite. Par ailleurs, la spatialisation d'une scène dans une grotte ne peut pas être analysée sans faire référence au mythe de la caverne de Platon. On peut, pour la bonne compréhension de l'analogie, rappeler l'origine de ce mythe. En effet, selon celui-ci, des hommes vivent dans une grotte, coupés de tous contacts avec le monde extérieur. De fait, ils considèrent les ombres qu'ils voient sur les parois de la grotte comme la stricte réalité du monde qui les entoure. Or, un jour un de ces hommes est forcé de se libérer et sort de la grotte après une période d'adaptation il parvient peu à peu à distinguer les formes qu'il connaissait par les ombres et parvient à reconnaitre, par exemple, un lion grâce à sa forme mais par ailleurs il distingue sa couleur, la forme aiguisée de ses dents, et peut même sentir par le toucher la douceur de sa crinière… Il retourne dans la grotte et raconte cette expérience à ses amis qui refusent de le croire et le considèrent comme fou, certains se proposent même de le tuer. Ainsi, ce mythe donne à réfléchir sur la perception, que l'on peut avoir, du monde extérieur dans le contexte de notre étude on peut étendre la réflexion au domaine de l'illusion telle qu'en témoigne clairement le titre de l'œuvre. En effet, de part la double utilisation du processus du « théâtre dans le théâtre « poussé à son extrême puisque la deuxième pièce enchâssée est en fait une représentation théâtrale, Corneille nous invite à une réflexion plus ample sur ce qu'est l'illusion au théâtre de façon à ce qu'on se demande qu'elle est la part de vrai dans ce qui nous est présenté sous les yeux. Par ailleurs, dans une scène d'exposition, le lecteur s'attend, tout naturellement, à ce que l'auteur lui présente les protagonistes dont il va suivre les péripéties. La première scène de l'Illusion comique ne fait pas exception. Elle est, en effet, structurée autour des relations qui unissent les différents personnages qu'ils soient présents ou non dans cette première scène. Dès les premiers vers, on se rend compte que le duo du père et du fils structure la pièce puisque leur relation est au centre de l'intrigue de l'œuvre. En effet, lorsque Pridamant prend la parole pour la première fois, il ne se présente pas au lecteur mais, on peut dire, plus justement, qu'indirectement il présente son fils qui n'est pas présent dans cette scène. Ainsi, par défaut, Clindor est dès lors caractérisé par son absence. Par ailleurs, cette première réplique de Dorante nous permet de distinguer plusieurs traits de sa personnalité. En effet, on comprend qu'il s'est montré intransigeant avec son fils comme en témoigne la forte présence du champ lexical de l'autorité, voire de l'autoritarisme : «des traitements trop rudes « (v.22), « je roidis ma puissance « (v.26) ou encore « ma sévérité « (v.27). Cependant, on est en même temps confronté à un personnage totalement désespéré qui assume la responsabilité de la fuite de son fils. On sent chez lui un profond désir de repentir comme le montre les deux vers suivants : « Et l'amour paternel me fit bientôt sentir/ D'une juste injuste rigueur un juste repentir «. On notera dans cette citation la présence de rime plate qui rythme l'ensemble de l'œuvre, par ailleurs dans le deuxième vers on peut souligner le jeu de sur les sonorités (injuste et juste) qui permet d'accentuer, par la mise en relief des antonymes, l'état d'esprit dans lequel se trouve Pridamant. Enfin, tout au long de cette scène, on comprend qu'il considère cette rencontre avec Alcandre comme sa dernière chance de retrouver son fils. Il a, en effet, fait de nombreuses tentatives infructueuses comme il le dit, lui-même, à la fin de la scène : « le sort m'est trop cruel pour devenir si doux «. La construction parallèle de ce vers permet à « cruel « de faire écho à « doux « donnant, ainsi, plus de force à la situation de désespoir qui caractérise Pridamant dans cette première scène. Le premier personnage à prendre la parole est Dorante, dans la didascalie initiale il nous est indiqué que c'est un ami de Pridamant. Au fil de ses prises de parole on en apprend un peu plus sur le personnage. Ainsi, le vers 69 : « depuis que j'ai quitté le séjour de Bretagne « nous permet par exemple de connaître l'origine de ce personnage. De plus, on peut dire que dans cette scène Dorante se présente comme le personnage adjuvent qui sera au côté de son ami tout au long de la pièce pour l'encourager dans sa quête et le raisonner à la fin face à la découverte de la condition réelle de son fils. Cet aspect de son caractère est, d'ors et déjà, visible. Ainsi, il tente de convaincre Pridamant des pouvoirs du Magicien Alcandre, qui selon lui, sera en mesure de répondre à ses attentes, comme on le voit dans le vers suivant : « Ne traitez pas Alcandre en homme du commun, Ce qu'il sait en son art n'est connu de pas un. « encore une fois on peut constater que les rimes plate constitue une unité de sens. De plus, il paraît important de présenter, malgré son absence, le personnage d'Alcandre, qui va pourtant jouer un rôle fondamental dans la suite de l'œuvre. En effet, à travers le discours de Dorante on a une caractérisation précise du personnage d'Alcandre. On peut, tout d'abord, constater qu'il lui attribut toujours des caractères mélioratifs qui traduisent le profond respect qu'il a envers lui. Par ailleurs, il met en exergue, au cours de ses différentes répliques, les qualités que l'on prête à Alcandre comme en témoigne, par exemple, les vers suivants : « Ce qu'il sait en son art n'est connu de pas un. « (v.48) ou encore : « De pas un, que je sache, il n'a déçu l'attente. « (v.73). On remarquera, d'ailleurs, la récurrence de construction « de pas un « qui illustre particulièrement bien le caractère exceptionnel des pouvoirs d'Alcandre. Cependant, on peut préciser que la description physique qu'il fait de lui à la fin de la scène contraste avec cette image de toute puissance, il le définit comme : « un peu d'os et de nerfs « (v.85). Cette apparence lui confère une certaine fragilité qui vient, étonnement, renforcer les pouvoirs surnaturels qui lui sont attribués. Ainsi en témoigne les paroles de Dorante qui closent cette première scène : « Des ressorts inconnus agitent le vieillard, Et font de tous ses pas des miracles de l'art «. En conséquence, et cela malgré son absence lors de la scène d'ouverture, le lecteur sait, grâce au discours de Dorante, que ce personnage va jouer un rôle essentiel dans la suite de l'œuvre. Enfin, grâce à cette première scène le lecteur entre, peu à peu, dans l'univers de la pièce. Il commence à comprendre les enjeux qui structurent l'intrigue. Ainsi, le premier élément qui doit attirer l'attention du lecteur est sans doute la forte propension au repentir qui caractérise le personnage de Pridamant. En effet, grâce à ses répliques on est tenu informé sur le passé de nos personnages. On est donc, de cette façon, plus apte à comprendre la situation initiale de cette pièce. Le lecteur, ou le spectateur, se rend, ainsi, très vite compte que la quête désespéré de ce père va être le moteur de l'intrigue tel que l'illustre la citation suivante : « ce fils […] que depuis dix ans je cherche en tant de lieu «, ces vers montrent bien l'obstination de Pridamant en soulignant d'une part la durée de la quête infructueuse, et d'autre part son importance géographique. Plus encore, la volonté qui pousse Pridamant à rencontrer Alcandre, semble être la justification de la pièce puisqu'elle permet la mise en place de la double structure du « théâtre dans le théâtre «. Dans cette perspective, il est clair que cette scène revêt pleinement son caractère d'exposition, étant donné qu'elle introduit, certes de manière très subtile, la structure complexe de la pièce mais surtout elle la justifie et donc de fait elle la rend crédible et vraisemblable aux yeux du lecteur. Par ailleurs, le rôle joué par Alcandre est celui qui rend véritablement possible la mise en abyme des deux pièces enchâssées. Ce sont, en effet, ces capacités surnaturelles qui permettent à Alcandre de « voir «, dans un premier temps, la vie que son fils a mené pendant ces 10 années, puis, par la suite, à l'acte V de se rendre compte qu'il est en fait devenu comédien et que, de fait, ce qu'il a « vu « par l'intermédiaire de Pridamant n'était, ni plus ni moins, qu'une représentation théâtrale. Alcandre peut donc être considéré comme un chef d'orchestre puisque d'une part, il détient les clés de l'intrigue mais, par ailleurs, c'est lui qui accompagne Pridamant dans sa quête en lui prodiguant conseils et avertissements. Cette première scène se termine, donc, sur l'arrivée de ce personnage fondamental, dont le rôle dépasse celui strictement prévu par la pièce, celui du mage aux pouvoirs surnaturels, pour devenir en quelque sorte le guide de Pridamant, mais aussi du lecteur et du spectateur. Dans cette optique, on peut considérer que cette première scène ouvre une porte symbolique sur l'œuvre qui va suivre. On a donc pu voir dans cette première partie que certes cette première scène revêt des caractères traditionnels d'une scène d'exposition, mais un certain nombre d'interrogations n'est pas résolu. De plus, la structure particulière « du théâtre dans le théâtre «, qui caractérise par essence cette pièce, est à peine entrevue. C'est pourquoi il est nécessaire d'étudier, par ailleurs, les éléments atypiques qui la caractérisent. Nous allons, donc maintenant, nous attarder plus précisément sur les caractères inhabituels de cette scène d'exposition. Tout, d'abord, il parait intéressant d'analyser cet extrait en relation avec le mélange des genres qui globalement caractérise cette œuvre de Corneille. En effet, une des constantes de l'analyse de l'Illusion comique est celle du mélange des genres. Cela confère, donc, à la pièce un aspect extravagant, alors que les doctes de l'époque prônent la régularité, et le respect des règles. Corneille, justifie ce mélange sous couvert d'une volonté innovante. Comme nous allons le voir cette caractéristique est d'ors et déjà présente dans la première scène. Cette première scène est-elle, comme voudrait la décrire Corneille dans l'épitre dédicatoire, une introduction à un prologue ? Il faut, afin de répondre à cette interrogation, rappeler les caractéristiques qui sont propres au prologue. En effet, le prologue était utilisé par les Classiques, puis au Moyen âge. Il prenait la forme, le plus souvent, d'un discours prononcé par un personnage, appartenant ou non à la pièce, qui avait pour but d'attirer l'attention du spectateur sur les éléments de l'œuvre qui pouvaient prêtaient à confusion ou qui nécessitaient des précisions. On pourrait donc, dans une certaine mesure, considérait cette première scène comme l'ouverture d'un prologue puisqu'elle prépare le spectateur aux événements qui vont suivre, étant donné qu'elle plante le décor des événements à venir. Néanmoins, et contrairement au prologue, cette scène fonde le point de départ de l'œuvre. Elle n'est pas indépendante du reste de la pièce, mais comme on l'a déjà vu, elle est nécessaire à la mise en place de la pièce intérieure. Dans ces conditions, il serait donc erroné de considérer cette première scène comme une introduction à un prologue. Qui plus est, il serait plus juste de considérer le premier acte, et donc par conséquent, également, la première scène, comme appartenant au genre de la pastorale. Ce genre remonte à l'Antiquité et à l'origine elle mettait en exergue la nostalgie des citadins pour la nature ce qui explique, par opposition, que la pastorale se déroule, généralement dans un environnement naturel. Ainsi, par exemple, l'univers de la grotte est caractéristique de la pastorale comme en témoigne l'exemple de l'Astrée d'Honoré d'Urfé. De même, le personnage du magicien, incarné par Alcandre, est aussi typique du genre de la pastorale. Néanmoins, on ne peut pas considérer cet acte comme une véritable pastorale, du fait, entre autre, des conditions des personnages de l'Illusion comique puisque normalement les personnages de la pastorale sont des bergers. Il paraît, en effet, plus juste, de parler de l'influence de l'univers de celle-ci. Enfin, le XVII siècle est marqué par l'apogée du baroque. Il n'est donc pas étonnant qu'on retrouve dans l'Illusion comique des éléments caractéristiques de cette esthétique. J.Rousset a étudié la littérature baroque et a repéré les constances qui font qu'une œuvre peut être considérée baroque. On peut, tout d'abord, noter cette influence de part le décor de la scène, en effet, le lieu de la grotte nous encourage à penser à une décoration ostentatoire caractéristique du baroque. De plus, un autre aspect du baroque est l'instabilité. Or, le caractère de Pridamant, tel qu'il nous apparaît dans cette scène, reflète cette instabilité. En effet, il passe d'une extrême sévérité envers son fils, à un profond sentiment de repentance qui lui-même le conduit à traverse de nombreux pays pour retrouver ce fils perdu. Ainsi, à l'instabilité de l'œuvre, s'ajoute une autre caractéristique assez proche qui est celle de la mobilité. Enfin, tout au long de la pièce on trouve des thèmes chers à l'esthétique baroque comme par exemple le sentiment de la fragilité de l'être, le theatrum mundi… En fait, on peut parler pour caractériser justement cette première scène, à l'image de l'œuvre intégrale, d'un « étrange monstre « tel que le précisait Corneille dans l'épitre dédicatoire. Enfin, de façon à parfaire l'étude de cette scène, il paraît important de la replacer dans le contexte de la globalité de l'œuvre, ainsi, cette scène d'exposition joue, bel et bien dans une certaine mesure, un rôle d'exposition mais face à une pièce que l'on peut elle d'ors et déjà qualifier d'atypique. Il est clair qu'en écrivant cette première scène Corneille a voulu maintenir un certains degré de suspense de façon à captiver le lecteur pour l'encourager à poursuivre. En effet, en choisissant de ne pas faire intervenir Alcandre dans la première scène tout en le plaçant au centre de la conversation entre Pridamant et Dorante, il attire la curiosité. Le lecteur a donc une perception de ce personnage important à travers du discours mélioratif de Dorant, et de celui de Pridamant qui se montre plus dubitatif, il a donc de fait envie de se faire sa propre opinion sur ce personnage. De plus, on a compris que Pridamant avait eu des discordes avec son fils. Mais sur ce sujet aussi on voudrait en savoir plus d'une part sur les raisons de celles-ci, mais aussi on se projette dans la résolution de l'intrigue afin de savoir si Pridamant va retrouver son fils grâce à Alcandre, et comment cela va se passer… A la fin de cette première scène on est donc tourné vers la suite de la pièce, mais on sait d'ors et déjà que l'on va assister à une représentation originale. Qui plus est, comme nous l'avons déjà signalé, Clindor, le protagoniste de la pièce est absent de cette première scène. Cet aspect se place en contradiction avec ceux généralement attribués à une scène d'exposition classique. En effet, là encore, le premier contact avec le personnage principal de l'intrigue, est indirect puisqu'il passe à travers les quelques références faites par Pridamant. Or, les renseignements fournis pas celui-ci sont très faibles. Le personnage est donc, en quelques sortes, entouré de mystère, si bien qu'il participe, également, à ménager le suspense. Enfin, cette scène d'exposition est, avant tout, atypique car elle permet au lecteur, et au spectateur, de débuter une réflexion plus profonde sur la nature du théâtre. Car on l'a vu elle laisse entrevoir une composition originale et complexe. Il est clair que Corneille n'a pas choisi innocemment la structure du théâtre dans le théâtre. En effet, au XVII siècle le théâtre est en pleine mutation ce qui suppose des réflexions abondantes à ce sujet. Ainsi, deux courants de pensée s'opposent. Les premiers veulent avant tout privilégier les règles (trois unités, vraisemblance, bienséance…) qui selon eux parviennent, ainsi, à créer l'illusion car le spectateur doit pouvoir croire ce qui lui est représenté sous les yeux or si sur la scène plusieurs lieux se succèdent, si plusieurs intrigues s'entre mêlent, ou si l'action dépasse la durée traditionnelle d'une journée, ils estiment que le spectateur n'acceptera pas le caractère invraisemblable de la pièce. En fait, ils cherchent, avant tout, à faire illusion de la réalité. En revanche, d'autres théoriciens du théâtre préfèrent laisser plus de liberté au dramaturge de façon à ce qu'il puisse créer une illusion qui soit différente des représentations du réel. Ainsi, Corneille, utilise stratégiquement le théâtre dans le théâtre puisque en ce qui concerne la pièce cadre il respecte scrupuleusement la règle des trois unités. Cependant, pour ce qui est des deux pièces enchâssées il ne les respecte plus. Le spectateur a donc le choix puisque les deux courants de pensée opposés sont rassemblés sur scène pour créer ensemble une « illusion comique. « Ainsi, on a pu voir, tout d'abord, que cette première scène de l'acte I de l'Illusion comique écrite par Pierre Corneille, revêt des caractères que l'on prête traditionnellement à une scène d'ouverture : présentation du lieu, des différents personnages et surtout, elle permet d'entrer progressivement dans le mécanisme de la pièce puisqu'elle nous prépare à la mise en place de la structure complexe qui la caractérise. Néanmoins, nous avons également, constaté que cette scène n'est pas uniquement une scène d'ouverture classique. Elle est, en effet, par certains aspects atypiques puisque par exemple elle se singularise du fait du mélange de différents genres (baroque, pastorale, prologue…). De plus, elle propose une première approche face à une pièce qui elle présente clairement des aspects atypiques qui sont essentiellement propre à sa structure. Cette dernière nous invitant, en fait, à une réflexion plus ample sur le thème du théâtre, de la représentation théâtral et du caractère illusoire qui lui est propre afin d'ouvrir sur une problématique intemporelle qui consiste à se demander si le théâtre doit ou non représenter le réel.
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caractérisé par son absence.
Par ailleurs, cette première réplique de Dorante nous permet de distinguer plusieurs traits de sapersonnalité.
En effet, on comprend qu'il s'est montré intransigeant avec son fils comme en témoigne la forte présence du champlexical de l'autorité, voire de l'autoritarisme : «des traitements trop rudes » (v.22), « je roidis ma puissance » (v.26) ou encore« ma sévérité » (v.27).
Cependant, on est en même temps confronté à un personnage totalement désespéré qui assume laresponsabilité de la fuite de son fils.
On sent chez lui un profond désir de repentir comme le montre les deux vers suivants : « Etl'amour paternel me fit bientôt sentir/ D'une juste injuste rigueur un juste repentir ».
On notera dans cette citation la présence derime plate qui rythme l'ensemble de l'œuvre, par ailleurs dans le deuxième vers on peut souligner le jeu de sur les sonorités (injusteet juste) qui permet d'accentuer, par la mise en relief des antonymes, l'état d'esprit dans lequel se trouve Pridamant.
Enfin, tout aulong de cette scène, on comprend qu'il considère cette rencontre avec Alcandre comme sa dernière chance de retrouver son fils.Il a, en effet, fait de nombreuses tentatives infructueuses comme il le dit, lui-même, à la fin de la scène : « le sort m'est trop cruelpour devenir si doux ».
La construction parallèle de ce vers permet à « cruel » de faire écho à « doux » donnant, ainsi, plus deforce à la situation de désespoir qui caractérise Pridamant dans cette première scène.
Le premier personnage à prendre la parole est Dorante, dans la didascalie initiale il nous est indiqué que c'est un ami dePridamant.
Au fil de ses prises de parole on en apprend un peu plus sur le personnage.
Ainsi, le vers 69 : « depuis que j'ai quittéle séjour de Bretagne » nous permet par exemple de connaître l'origine de ce personnage.
De plus, on peut dire que dans cettescène Dorante se présente comme le personnage adjuvent qui sera au côté de son ami tout au long de la pièce pour l'encouragerdans sa quête et le raisonner à la fin face à la découverte de la condition réelle de son fils.
Cet aspect de son caractère est, d'orset déjà, visible.
Ainsi, il tente de convaincre Pridamant des pouvoirs du Magicien Alcandre, qui selon lui, sera en mesure derépondre à ses attentes, comme on le voit dans le vers suivant : « Ne traitez pas Alcandre en homme du commun, Ce qu'il sait enson art n'est connu de pas un.
» encore une fois on peut constater que les rimes plate constitue une unité de sens.
De plus, il paraîtimportant de présenter, malgré son absence, le personnage d'Alcandre, qui va pourtant jouer un rôle fondamental dans la suite del'œuvre.
En effet, à travers le discours de Dorante on a une caractérisation précise du personnage d'Alcandre.
On peut, tout d'abord,constater qu'il lui attribut toujours des caractères mélioratifs qui traduisent le profond respect qu'il a envers lui.
Par ailleurs, il meten exergue, au cours de ses différentes répliques, les qualités que l'on prête à Alcandre comme en témoigne, par exemple, lesvers suivants : « Ce qu'il sait en son art n'est connu de pas un.
» (v.48) ou encore : « De pas un, que je sache, il n'a déçul'attente.
» (v.73).
On remarquera, d'ailleurs, la récurrence de construction « de pas un » qui illustre particulièrement bien lecaractère exceptionnel des pouvoirs d'Alcandre.
Cependant, on peut préciser que la description physique qu'il fait de lui à la finde la scène contraste avec cette image de toute puissance, il le définit comme : « un peu d'os et de nerfs » (v.85).
Cetteapparence lui confère une certaine fragilité qui vient, étonnement, renforcer les pouvoirs surnaturels qui lui sont attribués.
Ainsi entémoigne les paroles de Dorante qui closent cette première scène : « Des ressorts inconnus agitent le vieillard, Et font de tous sespas des miracles de l'art ».
En conséquence, et cela malgré son absence lors de la scène d'ouverture, le lecteur sait, grâce audiscours de Dorante, que ce personnage va jouer un rôle essentiel dans la suite de l'œuvre.
Enfin, grâce à cette première scène le lecteur entre, peu à peu, dans l'univers de la pièce.
Il commence à comprendre les enjeuxqui structurent l'intrigue.
Ainsi, le premier élément qui doit attirer l'attention du lecteur est sans doute la forte propension aurepentir qui caractérise le personnage de Pridamant.
En effet, grâce à ses répliques on est tenu informé sur le passé de nospersonnages.
On est donc, de cette façon, plus apte à comprendre la situation initiale de cette pièce.
Le lecteur, ou le spectateur,se rend, ainsi, très vite compte que la quête désespéré de ce père va être le moteur de l'intrigue tel que l'illustre la citationsuivante : « ce fils […] que depuis dix ans je cherche en tant de lieu », ces vers montrent bien l'obstination de Pridamant ensoulignant d'une part la durée de la quête infructueuse, et d'autre part son importance géographique.
Plus encore, la volonté quipousse Pridamant à rencontrer Alcandre, semble être la justification de la pièce puisqu'elle permet la mise en place de la doublestructure du « théâtre dans le théâtre ».
Dans cette perspective, il est clair que cette scène revêt pleinement son caractèred'exposition, étant donné qu'elle introduit, certes de manière très subtile, la structure complexe de la pièce mais surtout elle lajustifie et donc de fait elle la rend crédible et vraisemblable aux yeux du lecteur.
Par ailleurs, le rôle joué par Alcandre est celui qui rend véritablement possible la mise en abyme des deux pièces enchâssées.
Cesont, en effet, ces capacités surnaturelles qui permettent à Alcandre de « voir », dans un premier temps, la vie que son fils a menépendant ces 10 années, puis, par la suite, à l'acte V de se rendre compte qu'il est en fait devenu comédien et que, de fait, ce qu'ila « vu » par l'intermédiaire de Pridamant n'était, ni plus ni moins, qu'une représentation théâtrale.
Alcandre peut donc êtreconsidéré comme un chef d'orchestre puisque d'une part, il détient les clés de l'intrigue mais, par ailleurs, c'est lui qui accompagnePridamant dans sa quête en lui prodiguant conseils et avertissements.
Cette première scène se termine, donc, sur l'arrivée de cepersonnage fondamental, dont le rôle dépasse celui strictement prévu par la pièce, celui du mage aux pouvoirs surnaturels, pour.
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