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commentaire composé - texte de Fénelon

Publié le 09/01/2011

Extrait du document

Comme dans bien des œuvres littéraires de la fin du XVII et du XVIII siècle, l'histoire n'est qu'un prétexte à la leçon. C'est au tournant de cette fin de XVII siècle que Fénelon publie Les Aventures de Télémaque, un roman où Mentor, précepteur du fils d'Ulysse, a pour mission d'éduquer Télémaque. Au travers de ces aventures, le personnage principal est confronté à l'ensemble des dangers qui peuvent détourner un roi de son objectif. A cette époque Fénelon était lui même le précepteur du Duc de Bourgogne, petit fils du roi Louis XIV.

Dans cet extrait Télémaque entend le personnage Adoam vanter le bonheur des habitants d'un certain pays, la Bétique. La description de ce pays va servir à révéler l'art de vivre heureux.

Dans un premier temps, nous étudierons ce pays extraordinaire où la nature généreuse rend son peuple heureux. Dans un second temps, nous montrerons que cette épopée sert à dénoncer les mœurs de la société et les inégalités au temps de Louis XIV.

 

Ce texte de type descriptif nous permet de visiter un pays merveilleux, utopique, d'une nature exotique et clémente où les habitants vivent en paix et en harmonie avec leur environnement. Il relève du registre du merveilleux, même si certains éléments réalistes permettent d'imaginer facilement l'histoire.

En effet Fénelon décrit un lieu « assez près des colonnes d'Hercule » et de « la terre de Tharsis » qui est l'ancienne dénomination de la péninsule ibérique. Nous pouvons alors aisément associer la Bétique au sud de l'Espagne ». Mais très rapidement Fénelon oriente son récit vers un aspect mythique. Il précise que ce pays semblait « avoir conservé les délices de l'age d'or ». Ainsi les zéphyrs soufflent une brise rafraichissante, la pluie et le soleil permettent « une double moisson » et la nature est prolifique et luxuriante, en témoigne le champs lexical de l'abondance, « les chemins y sont bordés de lauriers, de grenadiers, de jasmin et d 'autres arbres toujours verts et toujours fleuris ». C'est donc un climat particulièrement clément où « l'ardeur de l'été y est toujours tempéré » et « les hivers y sont tièdes » et ainsi « toute l'année n'est qu'un heureux hymen du printemps et de l'automne ». La Bétique est non seulement un pays extraordinaire, mais surtout un lieu légendaire où la nature est personnifié, « le ciel doux » se montre « serein » et jadis « la mer » était « furieuse ». La Bétique est bien un monde féérique où les habitants sont « simples et heureux ».

Dans cet extrait tout suggère que ce peuple est paisible et pacifiste et agit d'une manière totalement désintéressée. Les habitants trouvent le bonheur dans le travail. Fénelon vante les bienfaits de cette vie consacrée aux travaux agricoles, « ils sont presque tous bergers ou laboureurs ». Cette observation est reprise d'une manière redondante : « étant adonnés à l'agriculture ou à conduire des troupeaux ». Et le travail ne manque pas pour tous ces « bergers » puisque « les montagnes sont couvertes de troupeaux » (Fénelon recours ici à une hyperbole). L'auteur souligne l'état d'esprit des habitants de la Bétique « simple et heureux dans leur simplicité ». La répétition des mots d'une même famille marque l'insistance de l'auteur sur ce qui pour lui est sans doute essentiel, « une vie simple et frugale » faite « des plaisirs purs et simples ».

 

A travers la peinture idéale de ce peuple vertueux, respectueux du prochain, attaché à leur fabuleux pays, qui ne connait pas la violence, ni la guerre, ni la cupidité, Fénelon va dénoncer les défauts du monde actuel.

 

Afin de mieux dénoncer son époque et en particulier le règne de Louis XIV, l'auteur s'intéresse aux richesses de ce peuple de la Bétique, et à travers leur parole, leur questionnement, il va pouvoir attaquer, critiquer la vie fastueuse de la Cour.

Alors qu' « il y a plusieurs mines d'or et d'argent », le peuple de ce pays n'y accorde pas plus d'intérêt qu'au fer et de donner pour exemple l'utilisation de ces métaux précieux « pour des  socs de charrues ».Fénelon utilise l'exagération afin de mieux interpeler le lecteur. D'ailleurs pourquoi ce peuple s'intéresserait-il à « l'or et l'argent » puisqu'il n'utilise pas de « monnaie » et ne fait «  aucun commerce au-dehors ».Sans doute ce peuple privilégie-t-il le troc. La richesse n'est pas non plus dans les objets fabriqués par les artisans puisqu'on en voit peu en ce pays. Et d'ailleurs les arts superflus produisent autant de « fausses nécessités » et « ce superflu amollit,enivre,tourmente ceux qui le possèdent » par opposition aux « véritables nécessités des hommes ». La richesse de ce peuple est uniquement dans ses qualités morales et dans la recherche d'une vie simple.

La critique des pays voisins commencent alors. Les interrogations servent de point de départ à un réquisitoire polémique. Les questions « Les hommes de ces pays sont-ils plus sain et plus robuste que nous ? », « Vivent-ils plus longtemps ? », « Sont-ils plus unis entre eux ? » sont en fait des affirmations et les réponses ne peuvent être qu'évidentes. Ce procédé constitue l'une des caractéristiques du registre didactique L'auteur fait aussi l'énumération des prétendues richesses du Roi et de sa Cour : « des bâtiments superbes, des meubles d'or et d'argent, des étoffes ornées de broderies et de pierres précieuses, des parfums exquis, des mets délicieux » qui en fait rendent « ces peuples [,,,] bien malheureux d'avoir employé tant de travail et d'industrie à se corrompre eux-même ». « Le superflu » évoqué précédemment correspond à un excès de luxe, de faste qui sont autant d'illusion de bonheur. Et pour décrire les sentiments des ces peuples, ,l'auteur a recours à des mots appartenant au vocabulaire du vice et de l'immoralité, la jalousie, « l'avarice », « l'envie », « l'ambition »

 

La description d'un pays imaginaire, avec un peuple aux qualités morales irréprochables permet à Fénelon de dresser une critique sur le système économique et politique de son époque et sur les injustices sociales.

Le texte semble toujours d'actualité : l'opposition entre le superflu de notre société de consommation et les « plaisirs purs et simples », l'idée que le travail doit être la source de toute création de richesse, alors que les spéculations boursières engendrent des crises.

Fénelon donne à son élève un programme politique « vertueux » qui tend vers plus de liberté, de justice,de vertu et de respect de la nature. Dans ce contexte , Fénelon est un précurseur du mouvement des Lumières.

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