commentaire composé les lettre persanne
Publié le 17/11/2013
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Au XVIIe et XVIIIe siècle, se développe un genre de roman inédit, uniquement constitué de lettres : le roman épistolaire. Montesquieu était un écrivain et philosophe du siècle des lumières (XVIIIe siècle). Son roman épistolaire, les Lettres persanes, est parut en 1721 sous anonymat afin de contourner la censure. Il est constitué de 161 lettres fictives, d'expéditeur et de correspondants divers, relatant les aventures de deux voyageurs persans qui écrivent à leurs amis respectifs en Perse. L'extrait étudié est la dernière lettre du recueil des Lettres persanes, la numéro CLXI (161), dans laquelle Roxane, du sérail d'Ispahan annonce son suicide et ses raisons à Usbek, celui-ci étant alors à Paris. Comment se traduit la violence dans cet extrait et quelles en sont ses origines ? Tout d'abord nous évoquerons les raisons du suicide de Roxane. Puis nous intéresserons à la violence dans cet extrait avant de conclure sur la domination de Roxane sur son mari Usbek. Roxane se suicide, nous allons donc nous intéresser aux raisons qui l'ont poussée à un tel acte. Le décès de l'eunuque dont Roxane s'était éprise est la raison principale de son suicide. « J'ai séduit tes eunuques », ici Roxane nargue Usbek. « Que ferais-je ici, puisque le seul homme qui me retenait à la vie n'est plus ? » Cette question rhétorique rend d'autant plus tragique la mort de son amant. L'eunuque que Roxane mentionne ici était devenu son unique raison de vivre. Maintenant qu'il est mort, elle n'a plus rien à quoi se rattacher. De plus l'hyperbole « le plus beau sang du monde », faisant référence au sang de l'eunuque, accroit l'attachement que Roxane lui portait. «J'ai su, de ton affreux sérail, faire un lieu de réconfort et de délice ». Etant continuellement enfermée dans le sérail, son amant était son seul réconfort. Maintenant qu'il n'est plus, elle désire donc mourir plutôt que de vivre dans le désespoir, enfermée dans le sérail, le reste de ses jours. La mort est une libération pour Roxane. Elle se défait de l'emprise que croit avoir Usbek sur elle. Celui-ci l'a enfermée dans le sérail pour pouvoir la contrôler «de ton affreux sérail ». En mourant, Roxane se libérera de cette prison dorée. De plus durant toute sa lettre, Roxane s'exprime au passé « j'ai pu vivre dans la servitude », « tu étais étonné », «nous étions tous deux heureux ». Elle considère sa vie et ses expériences comme achevées, elle sait qu'elle va mourir, elle revient donc sur les événements qu'elle a vécus mais elle s'en détache et crée une distance entre elle et sa vie. Roxane meurt sereine « Je meurs ; mais mon ombre s'envole bien accompagnée ». Elle ne craint pas la mort, elle l'attend telle une libération de sa condition d'esclave, après s'être confessées sur ses véritables pensées dans la lettre à son mari. La mort sert également de vengeance à Roxane, telle une arme ultime contre son mari. « Je vais mourir : le poison va couler dans mes veines ». Au tout début de la lettre, elle l'informe qu'elle va mourir et qu'il n'y peut rien. Elle lui donne même les détails de sa mort, le poison qui coule dans ses veines. Cela crée une image poignante dans l'esprit du lecteur de la lettre qui imagine alors le poison s'écoulant lentement dans les veines de Roxane, la tuant peu à peu. Dès les premières lignes de la lettre, Usbek se trouve impuissant face à la mort de sa femme, en position d'infériorité. La mort de Roxane est la principale forme de violence du texte, toutefois, en parallèle, d'autres formes de violences sont développées. La mort est omniprésente dans cette lettre. Tout d'abord analysons en détail la mort de Roxane. Celle-ci est lente : « le poison me consume », Roxane a le temps d'écrire sa lettre pendant qu'elle meurt. On a ici un antagonisme, la mort violente est causée en douceur par le poison. Cela confère une dimension dramatique supplémentaire à la lettre, Roxane l'écrit en agonisant. La gradation, qui constitue la dernière phrase de la lettre, est poignante «Mais c'en est fait : le poison me consume, ma force m'abandonne ; la plume me tombe des mains ; je sens affaiblir jusqu'à ma haine ; je me meurs. » De plus cette phrase est au présent. On assiste en direct à la mort de Roxane. La mort de l'eunuque que Roxane aimait a également une dimension violente, « puisque le seul homme qui me retenait à la vie n'est plus ? Je meurs ». On a ici la conséquence directe de la mort de l'eunuque : la mort de Roxane. Relevons également la mort des soldats « je viens d'envoyer devant moi ces gardiens sacrilèges », Roxane fait référence aux gardiens qui ont tué son amant. Toutes ces morts sont liées et se rapportent à Roxane. La vengeance de Roxane est d'une violence extrême dans cette lettre. En premier lieu, elle joue avec les eunuques « j'ai séduit tes eunuques » afin de rendre jaloux Usbek. Mais Roxane va jusqu'au meurtre lorsqu'il s'agit de venger l'eunuque pour lequel elle avait des sentiments « je viens d'envoyer devant moi ces gardiens sacrilèges qui ont rependus le plus beau sang du monde ». On comprend ici que Roxane a tué les gardiens, et qu'elle va bientôt les rejoindre car elle s'apprête à mourir à son tour. Or les gardiens n'auraient pas tué l'eunuque sans raison, ils ont donc tué l'amant de Roxane sur ordre d'une tierce personne. Cette personne ne pourrait être nul autre qu'Usbek. On peut imaginer que Roxane l'a bien compris, mais plutôt que d'assassiner son mari, elle préfère le faire souffrir en tuant ses gardes et en se suicidant après lui avoir laissé une lettre cruelle et poignante. Cette lettre cruelle et poignante a pour but de blesser Usbek au plus profond de son être, tel un coup fatal « Serait-il possible qu'après t'avoir accablé de douleur, je te forçasse encore d'admirer mon courage ? ». Roxane révèle a son mari qu'elle ne l'a jamais aimé «Mais tu as eu longtemps l'avantage de croire qu'un coeur comme le mien t'était soumis » et qu'elle n'a fait que le manipuler dans le but d'améliorer ses conditions de vie « je me suis abaissée jusqu'à te paraître fidèle ». Elle va jusqu'à décrire très lentement son agonie de façon à l'impliquer encore plus émotionnellement dans son suicide « le poison va couler dans mes veines », « le poison me consume, ma force m'abandonne ; la plume me tombe des mains ; je sens affaiblir jusqu'à ma haine ; je me meurs. ». La construction de la lettre est représentative de son contenu. Il n'y a pas d'introduction ni de formule de politesse. La lettre commence par une « phrase -choc » qui fait office d'aveu « Oui, je t'ai trompé » et s'achève de la même manière «Je me meurs ». Les premières phrases des deux premiers paragraphes révèlent l'essentiel de la lettre dès le départ « je t'ai trompé » et « Je vais mourir ». Après ces révélation, Usbek devrait se sentir trahit, humilié et bafoué par cette femme qu'il croyait lui être totalement dévouée. La violence a un effet libératoire car elle permet à Roxane de révéler ses véritables sentiments à Usbek ainsi que la domination voilée qu'elle exerce sur lui. L'adultère est une forme de domination de Roxane sur son mari car elle ne lui est pas fidèle « Oui, je t'ai trompée », « je me suis abaissée jusqu'à te paraître fidèle ». Elle jouait un double jeu auprès d'Usbek et lui demande reconnaissant pour cela « tu devrais me rendre grâce encore du sacrifice que je t'ai fait ». Roxane estime que par ce principe, elle a rendu son mari heureux «Nous étions tous deux heureux : tu me croyais trompée, et je te trompais. ». La phrase « je me suis abaissée jusqu'à te paraître fidèle » est un paradoxe dans la mesure où l'infidélité rabaisse un individu. Ainsi paraître fidèle n'a aucune connotation méliorative car on part du principe que la personne est infidèle, ce qui représente en soi-même un pêcher. Toutefois cela permet de sauvegarder les convenances sociales. C'est en cela que Roxane estime qu'Usbek doit lui être reconnaissant. Elle trouve même le moyen, lorsqu'elle est en tord, de retourner la situation contre son mari. Roxane est une femme insoumise. « Comment as-tu pensé que je fusse assez crédule pour m'imaginer que je ne fusse dans le monde que pour adorer tes caprices ? Que, pendant que tu te permets tout, tu eusses le droit d'affliger tous mes désirs ? » Ici, par l'intermédiaire de ses questions rhétoriques, Roxane se révolte contre la domination de son mari et le rabaisse en le méprisant. « Si tu m'avais bien connue, tu y aurais trouvé toute la violence de la haine. » Roxane avoue à Usbek qu'elle ressent de la haine envers lui mais qu'il était tellement indifférent et égoïste qu'il ne s'en est même pas rendu compte. « Mais tu as eu longtemps l'avantage de croire qu'un coeur comme le mien t'était soumis » Ici, elle lui démontre que la posséder physiquement ne suffit pas à posséder son coeur. « J'ai pu vivre dans la servitude, mais j'ai toujours été libre : j'ai reformé tes lois sur celles de la nature, et mon esprit s'est toujours tenu dans l'indépendance. » Roxane affirme clairement son indépendance vis-à-vis d'Usbek. « de ce que j'ai lâchement gardé dans mon coeur ce que j'aurais dû faire paraître à toute la terre ; enfin, de ce que j'ai profané la vertu, en souffrant qu'on appelât de ce nom ma soumission à tes fantaisie. » Finalement Roxane regrette de ne pas avoir dévoilé ses réels sentiments bien avant. Elle n'a fait que jouer le rôle de femme modèle, soumise et fidèle à son mari alors qu'elle souffrait réellement de cette situation. Le suicide de Roxane est comme une dernière victoire qu'elle aurait sur Usbek. Celui-ci perd totalement le contrôle sur elle. Usbek se trouve à paris lorsque Roxane écrit la lettre, de ce fait, lorsqu'il rentrera à Ispahan pour la retrouver, elle se ra déjà morte. Cela le rend d'autant plus impuissant face à cette mort. Dès le début de la lettre, Roxane affirme cette mort tel un fait inéluctable « Je vais mourir ». L'utilisation du futur renforce la conviction de sa mort et confère un aspect encore plus tragique à la phrase. L'utilisation du présent à la fin du texte « je me meurs » et l'image de la plume qui tombe « la plume me tombe des mains » rend l'image d'autant plus frappante dans les esprits. Roxane s'est suicidée en s'empoisonnant, ne laissant pas à Usbek le soin de la tuer lui-même du fait de son adultère. Elle veut lui ôter le plaisir de laver son honneur. En conclusion, Roxane est une femme bafouée qui demande reconnaissance, elle veut être élevée au même rang que son mari, obtenir son indépendance et le respect d'elle-même. Cela étant impossible, et son amant étant mort, elle n'a plus de raison de vivre. Roxane s'empoisonne alors, se laissant juste le temps d'écrire une lettre à son mari Usbek, pour se venger du malheur qu'il lui a infligé. Roxane apparaît en même temps extrêmement réfléchie et manipulatrice. Mais pas suffisamment car son amant est mort et elle se suicide. On peut relier ce dénouement tragique à la dernière lettre du roman Lettres de la religieuse portugaise, de Guilleragues, roman épistolaire dans lequel la jeune religieuse attend le retour de son amant jusqu'à ce qu'elle comprenne qu'il ne reviendra jamais.
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