Commentaire Composé La Confession D'Un Enfant Du Siècle de MUSSET

Publié en 1836, La Confession d'un enfant du siècle est l'unique roman de l'écrivain français Alfred de Musset. Au fil des analyses qui ont été réalisées, force fut de constater que ce roman, écrit en prose, s'adresse à l'écrivain George Sand, avec qui Musset eut une liaison de 1833 à 1835. En effet, dans son œuvre, l'auteur se met en scène, tente, entre autres, d'analyser le "mal du siècle" qui s'est emparé de toute une génération, et bien évidemment s'inscrit comme l'un des plus grands auteurs romantiques de cette époque. Le passage qu'il faut étudier relate une scène dans laquelle Brigitte joue un air de piano pour Octave. Celle-ci prétend, tout d'abord, que ce morceau est l'œuvre de Stradella, grand compositeur italien. Elle finit par lui avouer que le morceau est d'elle, Octave se sent alors trahi et tout bascule. A partir de là, on peut se demander en quoi cet extrait introduit-il le fait que la relation d'Octave, un héros romantique, et Brigitte est vouée à l'échec ?

En premier lieu, on s'intéressera à la torture d'un homme infligée par le doute, et en deuxième et dernier lieu, on verra les caractéristiques d'un amour typiquement romantique évoquées dans ce passage.

            Dans cet extrait, Brigitte confesse un mensonge, Stradella n'est pas l'auteur du morceau qu'elle vient de jouer au piano, c'est elle. Octave réagit alors violemment et se sent trahi. D'abord en proie au doute, le héros de Musset sombre très vite dans la tourmente, voire même la paranoïa.

Le champ lexical du mensonge, avec des termes comme "trompé", "je vous en ai fait accroire", "la dupe", "vous mentez si bien", "vous savez donc mentir", est nettement présent au milieu du passage. Octave va même lui aussi jusqu'à mentir à Brigitte en lui affirmant qu'il n'y a rien lorsqu'elle remarque qu'il change "de visage". Dans cet extrait, ce mensonge, qui semble insignifiant pour Brigitte, bouscule complètement l'esprit d'Octave et devient alors l'élément perturbateur. Musset présente Octave comme surpris, choqué même et dégoûté. On peut voir ce sentiment à travers la première phrase du court monologue intérieur que réalise Octave ("Monstrueuse machine que l'homme!").

Musset présente ainsi un héros perturbé qui peu à peu se laisse entraîner par la folie.

Octave devient paranoïaque, sa confiance en Brigitte s'effrite et il se laisse gagner par la folie, le rythme des phrases en est d'ailleurs la principale preuve. En effet, au début du passage, alors que Brigitte entame le morceau de piano, la ponctuation est peu présente et donne au texte un rythme lent et paisible. Octave se laisse bercer par la musique et l'amour qu'il porte à la jeune femme. Au contraire, lorsqu'elle lui dévoile la vérité, la présence de virgules, de point-virgules, et donc de signes de ponctuation est plus abondante. Le rythme du texte devient plus rapide, saccadé, à l'image d'un cœur qui bat de plus en plus fort. Musset a sans doute voulu rappeler les battements du cœur lorsque nous sommes face à une situation angoissante. De plus, dans son mensonge, Brigitte prétendait que le morceau qu'elle jouait était l'œuvre de Stradella. Or Stradella était un coureur de jupons qui en a cocufié plus d'un - ce qui lui a, soit dit en passant, coûté la vie. On peut alors imaginer que cette allusion à Stradella n'est pas anodine et que Musset a tenté de montrer qu'Octave, après le mensonge de Brigitte, assimile la jeune femme au compositeur italien, Octave se persuade alors peut-être que Brigitte est une "croqueuse d'homme". Un second élément peut également conduire à cette idée. Vers la fin du passage, Musset peint Brigitte figée comme une statut près d'Octave. On peut relier ce moment à la statue du Commandeur qui conduit à la mort de Dom Juan, Brigitte, à cause de son mensonge, entamerait le début de la mort de leur amour et d'Octave. Ce dernier commence à délirer et tente de justifier sa folie auprès du lecteur : "Tu souris peut-être, lecteur, en lisant cette page; moi qui l'écris, j'en frémis encore".

            Musset démontre dans cet extrait qu'Octave est encore fragile émotionnellement et déséquilibré au point de douter de Brigitte. Ainsi, l'auteur prouve une nouvelle fois qu'il appartient au Romantisme, Octave est définitivement et absolument un héros romantique qui ne peut être heureux éternellement.

            Au début du passage, Brigitte s'apprête à jouer son morceau et ment à Octave en lui disant qu'il s'agit d'un air de Stradella. Octave apparaît heureux et serein. Son héros passionné de musique, Musset laisse des traces de cette musique à travers l'extrait, le champ lexical de la musique est en effet très présent ("piano", "jouer un air", "Stradella", "musique sacrée", "morceau", "chanté", "air", "composer"...). Musset glisse également dans le texte une comparaison. "J'étais comme un arbre plein de sève, qui secoue au vent ses feuilles sèches pour se revêtir d'une verdure nouvelle". Le héros de Musset semble ainsi soulagé et calme, il représente également le parfait héros romantique puisque Musset le compare avec la nature, l'un des thèmes de prédilection des Romantiques. Il fait également une seconde référence avec la nature à la fin de l'extrait. "Il n'y a rien de si redoutable en mer qu'un petit point noir à l'horizon". Le rythme des phrases est aussi lent, et le narrateur utilise l'imparfait pour décrire une action. Tout indique donc la lenteur et le calme.

Si le début du passage reflète la sereinité et l'amour, la suite n'est malheureusement pas si joyeuse. Conformément aux héros romantiques, Octave ne peut être heureux et se prédestine immanquablement à un destin tragique.

Après la révélation de Brigitte, Octave se lance dans un pseudo monologue intérieur dans lequel il dénigre l'homme et le mensonge. La ponctuation se fait plus présente et accélère le rythme du texte, traduisant un changement d'humeur du narrateur. Il n'est plus calme et serein, mais angoissé et paniqué. Il est également énervé ("je frappais du pied"). L'auteur s'empresse finalement de rappeler au lecteur qu'un héros romantique ne peut connaître que le malheur en comparant ce dernier aux maladies ("Les malheurs ont leurs symptômes comme les maladies"). Même en faisant référence à la nature, Musset montre que le futur de Brigitte et Octave est voué à l'échec.

            Tout au long de cet extrait, on voit le changement d'humeur d'Octave, lui si calme et amoureux au début, se retrouve submergé par la folie, le doute et le malheur, lui rappelant la douleur infligée par sa maîtresse au début du roman. A travers de nombreuses figures de style, champs lexicaux et autres procédés, Musset démontre dans cet extrait qu'il est un authentique écrivain romantique, il mêle nature, émotion, malheur, amour et ainsi rappelle le "mal du siècle". Cependant, il annonce également le futur échec de la relation d'Octave et Brigitte.

Si c'est un mensonge de Brigitte qui va entamer la fin de leur relation, il n'en demeure pas moins que c'est Octave qui sera responsable de la chute de Brigitte.