Claudel, Partage de midi (extrait).
Publié le 07/05/2013
Extrait du document
«
MESA :
Je sais que je ne vous plais point.
YSÉ :
Ce n’est point cela, mais je ne vous comprends pas,
Qui vous êtes, qui ce que vous voulez, qui
Ce qu’il faut être, comment il faut que je me fasse avec vous.
Vous êtes singulier.
Ne faites point de grimace ! Oui, je crois que vous avez raison, vous n’êtes pas
Un homme qui serait fait pour une femme,
Et en qui elle se sente bien et sûre.
MESA :
Cela est vrai.
Il me faut rester seul.
YSÉ :
Il vaut mieux que nous arrivions et que nous ne restions pas ensemble davantage.
MESA :
Pourquoi ?
Pourquoi est-ce que cela arrive ? Et pourquoi faut-il que je vous rencontre.
Sur ce bateau, à cet instant que ma force a décru, à cause de mon sang qui a coulé ?
— Est-ce que vous croyez en Dieu ?
YSÉ :
Je ne sais.
Je n’y ai jamais pensé.
MESA :
Mais vous croyez en vous-même et que vous êtes belle,
Avec une conviction profonde.
YSÉ :
Si je suis belle, ce n’est pas ma faute.
MESA :
Du moins, vous, l’on sait qui vous êtes et à qui l’on a affaire.
Mais supposez quelqu’un avec vous
Pour toujours ; en soi-même et qu’il faille tolérer en soi-même un autre.
Il vit, je vis ; il pense et je pèse en mon cœur sa pensée.
Lui qui fait mes yeux, est-ce que je ne puis point le voir ? lui-même qui a fait mon cœur.
Je ne puis m’en débarrasser.
Vous ne me comprenez pas ! Mais il ne s’agit pas de comprendre !
Est-ce qu’une parole, elle peut se comprendre soi-même ? mais afin qu’elle soit,
Il faut un autre qui la lise.
Ô la joie d’être pleinement aimé ! ô le désir de s’ouvrir par le milieu comme un livre !
Et soi-même, ceci seulement, eh quoi,
Que l’on est totalement clair, lisible, mais que l’on se sente actuellement
Prononcé
Comme un mot supporté par la voix et par l’intonation de son verbe !
Ô le tourment de se sentir épelé comme de quelqu’un qui n’en vient pas à bout ! Il ne me laisse pas de repos !
J’ai fui à cette extrémité de la terre !
Me voici à cette autre position sur le diamètre, comme quelqu’un qui mesure une base pour prendre une distance astronomique,
Loin de la vieille maison dans la paille, pareille à un œuf cassé.
Moi qui aimais tellement ces choses visibles, ô j’aurais voulu tout voir, avoir avec appropriation,
Non point avec les yeux seulement, ou les sens seulement, mais avec l’intelligence de l’esprit,
Et tout connaître afin d’être tout connu.
Mais il ne me laisse point de temps.
Me voici au milieu de ces peuples païens et il m’y a retrouvé,
Et je suis comme un débiteur que l’on presse et qui ne sait point même ce qu’il doit..
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