Chômage et natalité
Publié le 15/05/2020
Extrait du document
On traite en général du chômage en termes économiques, politiques, financiers. L'aspect démographique de ce fléau social n'est pourtant pas mineur, et l'opinion courante le sent bien, quoique de façon simpliste : le chômage résulterait d'un << excès d'hommes », donc d'une natalité antérieure surabondante; inversement, la dénatalité serait largement liée à la montée du chômage : « Pourquoi mettre au monde de futurs chômeurs? »
Que les crises économiques les plus graves, marquées par un chômage massif, retentissent sur la natalité n'est pas douteux : dans les trois pays où la grande crise, dite de 1929, détermina le plus fort chômage (la Grande-Bretagne, l'Allemagne de Weimar, les Etats-Unis), les brèches correspondantes de la pyramide des âges sont globalement plus importantes que celles dont sera ensuite responsable la seconde guerre mondiale t1). Et cette coïncidence apparaît toute naturelle : l'espèce de démoralisation collective que crée un chômage étendu s'oppose à ces manifestations de foi en l'avenir que sont la constitution d'un foyer ou l'agrandissement d'une famille.
Quand on y regarde de plus près cependant, la liaison n'apparaît pas automatique. la superposition des courbes de chômage d'une part, de natalité ou de fécondité d'autre part ne fait pas apparaître de simultanéité systématique entre la montée du premier et la baisse des secondes. C'est ainsi que les phases successives d'expansion et de récession économiques, et donc de contraction et d'augmentation du chômage, qui ont marqué depuis la guerre les économies occidentales, n'ont pas de lien simple avec les évolutions de la natalité ou de la fécondité dans les différents pays. En particulier, fait-on remarquer, l'année 1965, où s'amorce dans la plupart des pays d'Europe occidentale la baisse de fécondité contemporaine, se situe dans une phase de plein emploi.
«
Exercices
d'application 135
Inversement, une trop forte natalité crée+elle du chômage? La
situation de nombreux pays du tiers monde le suggère, où l'exubé
rance démographique des années 50 contribue évidemment, maigre
l'émigr�tion, à alimenter aujourd'hui le chômage, réel ou larvé.
Mais
les contre-exemples sont nombreux, dans les pays industriels.
En
France, par exemple, dès qu'il apparut que le saut du nombre annuel
des naissances, d'environ 600 000 entre 1 930 et 1 945, à plus de
800 000 à partir de 1 946, se prolongeait bien au-delà du « rattra
page » des naissances différées tant par la crise que par la guerre,
l'occupation et la captivité, des inquiétudes s'étaient manifestées :
cette « montée des jeunes », après avoir posé de difficiles mais positifs
problèmes aux ordres successifs d'enseignement n'allait-elle pas en
poser également en termes d'emploi? L'INED, étudiant en 1 955 la
brusque augmentation du nombre des entrées dans la vie active qui se
produirait vers le début des années 60, assurait que« l'économie peut
s'adapter à un nombre croissant de personnes en quête d'emploi » tout
en convenant que « cette adaptation peut être plus difficile si la crois
sance est trop rapide ».
Il se trouve que celle-ci fut plus rapide encore qu'il n'était prévi
sible, puisque 1962, l'année où la première « classe » pleine, née en
1 946, atteignait 1 6 ans, fut également celle du retour des Français
d'Algérie {tableau 1 ).
Or, après une phase passagère de gonflement,
qui nous paraît rétrospectivement presque dérisoire, le chômage se
résorba rapidement.
La main-d'œuvre était loin d'être surabondante
puisque l'économie,française continua, au cours des années suivan
tes, à puiser dans le monde agricole, à faire venir de nombreux travail-
.
leurs immigrés, et surtout à attirer de nombreuses femmes.
Deux évo
lutions freinaient certes ce gonflement de la population active, à savoir
le prolongement de la scolarité et l'abaissement de fait de l'âge à la
retraite, mais globalement le nombre d'actifs s'accrut de 1962 à
1975 d'un peu plus de 2 millions {tableau 2), contraste fondamental
Tableau 1.
Population
de 16 à 64 ans (millions) 1962-1995
1 u
janvier 1962 ...
.......
''.
Période 1962-1974
Accroissement naturel
Rapatriés et immigrés (solde) ....
1 °' janvier 1 97 5
1 •• janvier 1978
Projections 1er janvier 1985
.
' .....
.......
' .
.
.
.
.
.
.
.
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.
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.
' ..
1er janvier 1995 ................
Hommes
13,89
+ 1,09
+ 1, 14
1 6, 12
16,48
17,68
18, 16 Femmes
Total
14,02 27,91
+ 0,93 +
2,02
+ 0,97
+ 2, 11
15,92 32,04
16,24 32,72
17,47 35, 15
17,90 36,06.
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