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chique des animaux, nous voyons que l'intellect y devient de plus en plus faible et imparfait ; mais nous ne remarquons nullement une dégradation correspondante de la volonté.

Publié le 23/10/2012

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chique des animaux, nous voyons que l'intellect y devient de plus en plus faible et imparfait ; mais nous ne remarquons nullement une dégradation correspondante de la volonté. Celle-ci au contraire s'affirme partout identique à elle-même, et se produit toujours avec les mêmes caractères : attachement extrême à la vie, souci de l'individu et de l'espèce, égoïsme absolu à l'égard de tous les autres êtres, inclinations fondamentales, auxquels se rattachent des penchants secondaires. Chez le moindre insecte même la volonté existe dans toute sa perfection et son intégrité ; il veut ce qu'il veut aussi résolument et aussi parfaitement que l'homme. Il n'y a de différence que dans ce qui est voulu, c'est-à-dire dans les motifs, mais ceux-ci ressortent de l'intellect. Ce dernier élément secondaire attaché à des organes corporels, a des degrés de perfection innombrables et est essentiellement limité et imparfait. La volonté, au contraire, comme chose en soi, comme élément primaire, ne peut jamais être imparfaite ; chaque acte de volonté est tout ce qu'il peut être. En vertu de la simplicité dont la volonté est douée en tant que chose en soi, en tant que phénomène immédiat de l'être métaphysique, son essence ne comporte pas de degrés, mais est toujours égale à elle-même : elle ne présente de degrés que dans sa manière d'être affectée, qui va du penchant le plus faible jusqu'à la passion, ainsi que dans sa facilité à être affectée, qui suit une gradation ascendante, depuis le tempérament phlegmatique jusqu'au tempérament colérique. L'intellect, au contraire, ne présente pas seulement des degrés dans la manière d'être affecté, qui va de la torpeur à la verve et à l'enthousiasme ; son essence même en comporte : cette essence varie en perfection, elle suit un développement croissant depuis l'animal placé au plus bas de l'échelle, qui ne perçoit que sourdement, jusqu'à l'homme, et dans l'espèce humaine depuis l'imbécile jusqu'à l'homme de génie. La volonté seule est partout elle-même, dans toute son intégrité. (Monde, III, 15-19.) A l'appui de notre affirmation, suivant laquelle la volonté est l'élément réel et essentiel de l'homme, et l'intellect l'élément secondaire, dérivé et déterminé, je montrerai encore comment ce dernier ne peut accomplir intégralement et exactement sa fonction qu'autant que la volonté se tait et demeure suspendue. Toute excitation sensible de la volonté le trouble, et quand elle intervient dans ses opérations, elle en fausse le résultat... Souvent une grande frayeur nous fait tellement perdre connaissance que nous demeurons comme pétrifiés, ou que du moins nous agissons d'une manière absurde : ainsi, environnés d'un incendie, nous allons nous jeter au milieu même des flammes. Dans la colère, nous ne savons plus ce que nous faisons, encore moins ce que nous disons. La passion, justement nommée aveugle, nous rend incapables de prendre en considération les arguments d'autrui, de rassembler même les nôtres et de les coordonner. La joie nous ôte toute réflexion, tout scrupule, toute hésitation timide : le désir agit presque dans le même sens. La crainte nous empêche de voir et de saisir les moyens de salut qui se présentent encore et qui souvent sont à portée de notre main. Aussi, lorsqu'il s'agit d'affronter des dangers subits ou de lutter contre des adversaires et des ennemis, les armes les plus solides sont-elles le sang-froid et la présence d'esprit. Le sang-froid c'est la volonté se taisant, afin que l'intellect puisse agir ; la présence d'esprit, c'est l'activité paisible et libre de l'intellect, sous la pression des événements agissant sur la volonté ; la première de ces deux qualités est donc la condition de la seconde, elles sont très voisines, très rares aussi et n'existent guère chez les divers individus que d'une manière toute relative. Mais elles sont d'une valeur inestimable, parce qu'elles permettent de faire usage de l'intellect, au moment où l'intervention en est nécessaire, et par là elles confèrent à ceux qui en sont doués une supériorité marquée. Celui qui ne les possède pas reconnaît trop tard ce qu'il aurait dû faire ou dire dans une circonstance donnée. On dit très justement d'une personne qui s'emporte, c'est-à-dire dont la volonté est tellement surexcitée qu'elle supprime le fonctionnement de l'intellect, que cette personne est désarmée. (Monde, III, 27-28.) J'ai fait voir jusqu'à présent les obstacles que la volonté oppose à l'intelligence, les cessations d'activité qu'elle lui impose. Je vais passer à la contre-partie et montrer par quelques exemples comment, inversement, les fonctions de l'intellect sont parfois activées et développées sous l'impulsion et comme sous l'aiguillon de la volonté. De la sorte encore nous reconnaîtrons la nature primaire de l'une et la nature secondaire de l'autre, et nous verrons clairement que l'intellect n'est par rapport à la volonté qu'un instrument. Sous l'influence d'un motif puissant, tel qu'un désir intense, une nécessité pressante, l'intellect s'élève parfois à un degré de vigueur dont nous ne le supposions pas capable. Des circonstances difficiles qui réclament de nous une activité particulière, développent en nous des talents tout à fait nouveaux, dont les germes nous étaient restés cachés et pour lesquels nous ne sentions aucune prédisposition. L'entendement le plus émoussé devient perspicace dès qu'il s'agit d'objets qui ont pour la volonté une grande importance ; en ce cas il observe, fixe et distingue avec une finesse extrême les moindres circonstances ayant trait à notre désir ou à notre crainte. C'est ce qui explique en grande partie ce phénomène souvent remarqué, et toujours avec surprise, de l'astuce des sots. Et c'est pourquoi le prophète Isaïe a raison de dire : Vexatio dat intellectum, parole qui est de venue proverbiale et dont se rapproche le proverbe allemand : « Nécessité est mère des arts «, proverbe très juste, si l'on en excepte les beaux-arts ; car le noyau de toute oeuvre d'art proprement dite, c'est-à-dire la conception qui y préside, doit, pour être authentique, émaner d'une intuition qui ne doit absolument rien à la volonté et qui par là seulement atteint à l'objectivité pure... De même la mémoire est accrue sous l'impulsion de la volonté. Une mémoire, même faible à l'ordinaire, retient toujours parfaitement ce qui a de la valeur pour la passion actuellement dominante. L'amoureux n'oublie aucune occasion favorable, l'ambitieux rien qui s'accorde avec ses projets, l'avare n'oublie jamais la perte subie, ni l'homme fier la blessure faite à son honneur ; le vaniteux retient chaque mot d'éloge et la moindre distinction dont il a été l'objet... L'observation personnelle donnera lieu à des remarques plus fines sur ce sujet. Quelquefois un trouble subit me fait oublier ce à quoi je réfléchissais à l'instant, ou la nouvelle qui vient de m'arriver aux oreilles. Eh bien ! si la chose avait pour moi un intérêt quelconque, même éloigné, l'influence que par là elle a exercée sur la volonté aura laissé comme un écho ; en effet, je me rappelle encore exactement à quel point cette chose m'a agréablement ou désagréable-

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