Charles Maurras au Jeux Olympiques de 1896

Problématique : Pourquoi et de quelle manière s'exprime le nationalisme dans ces premiers Jeux Olympiques ? Introduction : Maurras écrira dans son livre Au signe de Flore que dès son arrivée à Paris pour faire ses études alors âgé de 17 ans, il fut interpellé par la présence trop nombreuse de magasins étranger, notamment d'échoppes juives et il écrit "Les Français étaient-ils encore chez eux en France ?". C'est donc déjà très jeune que Maurras adopte une vision, sinon antisémite, au moins xénophobe. Mais il n'est à cet époque qu'un jeune étudiant vivant une vie de bohème et n'est pas engagé politiquement. Il étudie les humanités gréco-latines qui le passionnent. C'est un homme de lettre et rapidement, il rédige de nombreux articles dans les journaux en tant que critique littéraire réputé dans le milieu parisien. Il a de suite une vision classique et s'oppose au romantisme perçu comme décadent. Maurras est un amoureux de la Grèce antique et c'est dans ce contexte qu'il est envoyé à Athènes pour le journal La Gazette de France pour couvrir les premiers Jeux Olympiques de l'ère moderne en 1896. Ce seront 10 jours de fête pour les athéniens et on a l'impression de retrouver l'Athènes grandiose d'il y a 2500 ans. Maurras va rédiger 6 lettres lors de ce voyage, celle qui nous intéressera sera la 4ème. Dans celle-ci, Maurras décrit le spectacle dans le stade panathénien en faisant une analyse politique et idéologique de cet évènement. Au travers de Maurras, on se rend compte que ces JO sont bien plus qu'une compétition sportive, mais ils sont un nouvelle forme d'affirmation des nationalismes. C'est pourquoi nous nous demanderons pourquoi et de quelle manière s'exprime le nationalisme dans ces premiers Jeux Olympiques. I) Les rivalités entre pays réveillant le nationalisme II) Les JO : un évènement qui empêche l'effusion des tensions que pourrait engendrer le mélange des ces nations I) Les rivalités entre pays réveillant le nationalisme A) Les JO : la continuation des rivalités historiques perçues au travers de Maurras Ces JO regroupent seulement 13 pays et ce sont surtout les européens qui sont présents. Angleterre, France, Allemagne notamment : 3 pays qui ont toujours fait la guerre. autant dire que ces JO sont le moyen pour ces pays de s'affronter dans un nouveau domaine, autre que celui de la guerre. Et Maurras ne manque pas de souligner l'importance de ces rivalités. Dans sa 2ème lettre : allemands ont gagné 3 fois, Maurras ne peut pas l'accepter. il explique ceci par le fait qu'allemands auraient triché, que français n'étaient pas engagés dans les disciplines concernées. Il faut savoir que Maurras est un enfant de la revanche qui suit la défaite de 1870, cela explique le rapport qu'il a envers les allemands, on peut dire qu'il les hait. Il parle des "barbares germains" Maurras s'attaque aussi aux anglo-saxons. Il regroupe en effet anglais et américains sous le même terme et en fait aussi ses adversaires. Il estime que ces deux pays ont une puissance importante, et qui s'est construite lentement, en 1 siècle, il écrit ainsi : "l'anglais et l'américain se sont partagés l'univers dans un grand silence". Maurras s'intéresse aux anglo-saxons en général mais c'est la vision qu'il porte sur les Etats-Unis qui est nouvelle. Ils sont très présents aux JO et qui remportent beaucoup de médailles, Maurras y voit l'entrée d'une nouvelle grande puissance dans le rang mondial. Il les craint et il développera un profond antiaméricanisme par la suite mais que l'on perçoit déjà lorsqu'il est aux JO. Le rejet est esthétique, il oppose à la beauté grecque la laideur des américains, qui passe par leur langue et leurs manières, il écrit : " Quel large rire sur la face des Athéniens, à toutes les fautes de goût de ces pauvres Américains". B) La défense du nationalisme par Maurras On voit dans ce texte apparaître l'idéologie défendue par Maurras : elle se caractérise par le monarchisme et le nationalisme, c'est ce que l'on appellera plus tard le nationalisme intégral. Maurras se fait le défenseur du nationalisme dans ce texte. Lorsque les organisateurs ont planifié un combat de lutte entre 2 grecs, tout le stade s'y oppose et proteste a vive voix, Maurras emploie alors le terme de "tumulte magnifique" pour caractériser cette protestation, il est admiratif du sentiment national venant des tribunes. Maurras explique aussi qu'il était d'abord fortement opposé à l'idée des Jeux Olympiques, il y voyait la profanation d'un beau nom. Pour lui ce genre d'évènement n'a aucun sens puisque les JO se disent comme étant des olympiades ouvertes au monde mais l'Europe est à ce moment fragmentée. Cette Europe qui n'existe "presque plus" comme il dit est pour lui le résultat de l'ensemble des révolutions qui la touchent depuis 1789. Cet esprit antirévolutionnaire est aussi une caractéristique du nationalisme intégral de Maurras. Son idée est que les monarchies de l'Ancien Régime permettaient d'avoir une stabilité, la monarchie a fait la grandeur de la France alors que les révolutions ont entraîné la perte de l'Europe, et la République est pour Maurras un système inefficace. Il est antiparlementariste : les chambres sont des lieux de bavardage inutiles. critique du suffrage universel. "la démocratie c'est la mal, la démocratie c'est la mort". Transition : Les JO de 1896 sont donc un moment d'affirmation des rivalités historiques mais on y voit aussi l'apparition d'une nouvelle grande puissance : les USA. Tout cela ne fait que nourrir le rejet de Maurras envers les JO et lui permet de développer son idéal nationaliste et monarchiste. Or, cela constitue en quelque sorte les à-priori qu'avait Maurras avant de se rendre aux JO et ce texte comporte une autre face où les JO apparaissent plus apaisés. II) Les JO : un évènement qui empêche l'effusion des tensions que pourrait engendrer le mélange des ces nations A) Les valeurs des JO défendues par Coubertin Les Jeux Olympiques sont par principe un évènement qui ont pour but d'apaiser les tensions entre les pays, c'est en tout cas ce que souhaitait Coubertin qui eut le génie de transposer des caractéristiques des Jeux antiques à ses JO modernes. Une notion commune à l’olympisme antique et au néo-olympisme est celle de rassemblement. L’échelle en est pourtant différente, puisque dans l’Antiquité, il ne s’agit que de réunir les Grecs, alors qu’à l’époque contemporaine il s’agit de concours à vocation internationale. Un des aspects de l’olympisme qui a intrigué Coubertin, c’est la trêve, principe qui a pour but d'empêcher les guerres durant la période des Jeux Olympiques. Il était très attaché à l’idéal de paix et de fraternisation entre les peuples. Il écrivit par exemple : "je demeure convaincu que le sport est un des plus puissants éléments de paix". Contrairement à Maurras, Coubertin appartient aussi à la génération traumatisée par la défaite de la France face à la Prusse en 1870, mais il a toujours dénoncé l’esprit de revanche de ses contemporains comme une « conception fausse et mesquine du patriotisme ». C'est dans ce contexte qu'il réussit à convaincre que le sport était un vecteur possible pour la paix. B) Les JO deviennent acceptables pour Maurras On a vu qu'initialement Maurras était opposé à l'idée de Jeux Olympiques. Mais ce texte montre une autre face où Maurras reconnait qu'il a pu se tromper sur ses à-priori, employant même le terme de "conversion". En effet, Maurras se rend compte que le cosmopolitisme des JO n'est pas à craindre car il estime que lorsque différentes races se côtoient, elles ne se mélangent pas mais au contraire se repoussent. Ainsi, ce sont des rivalités positives selon Maurras car elles permettent d'éloigner les dangers du métissage. Rejeté pour son cosmopolitisme, le sport en devient ainsi acceptable comme vecteur du nationalisme. Ensuite, nous avons vu auparavant que Maurras craignait la puissance anglo-saxonne car elle était mystérieuse, les autres pays n'en connaissaient pas l'étendue exacte. Or, ces JO sont justement d'après Maurras, l'opportunité de constater sa puissance et surtout d'en trouver les failles. Maurras critiquait aussi le fait que ces JO se tenaient en Grèce, pays qu'il affectionne particulièrement pour son histoire et sa culture, il y voyait une perversion des JO antiques. Or, ce voyage en Grèce a été pour lui une véritable redécouverte de la Grèce Antique. Au cours des trois dernières décennies du xixe s., c’est un véritable bond en avant qu’accomplit l’archéologie grecque. C’est l’ère des grandes fouilles et des trouvailles spectaculaires qui suscitent la curiosité et l’enthousiasme d’un large public, nourri de culture classique. C'est dans cet enthousiasme que Maurras fait dès sa 1è lettre un éloge des côtes grecques qu'il longe. Dans les autres lettres, il découvre Athènes et ses vestiges antiques (l'Acropole) mais c'est aussi le stade panathénien qui l'impressionne, celui-ci a été reproduit à l'identique. Athènes était donc une ville rêvée mais aussi bien réelle lorsque Maurras s'y est rendu. Conclusion Pour conclure, cette 4ème lettre de Charles Maurras montre comment son voyage en Grèce lui a fait changer d'avis sur les Jeux Olympiques. Son séjour lui a permis d'adhérer à l'organisation de cet évènement, dans le sens où les JO permettent l'exaltation du sentiment national et n'ont pas de risque concernant le métissage des "races". Cela lui permit en fait de tirer des leçons politiques (défense du nationalisme et monarchisme), mais aussi des leçons spirituelles et esthétiques (redécouverte de l'Athènes antique). C'est donc un voyage fondateur dans la pensée maurrassienne, il appliquera notamment ses idées lors de l'affaire Dreyfus où il fait véritablement son entrée politique en rédigeant un article au côté des antidreyfusards. Antisémite, royaliste, nationaliste, voilà ce qui caractérisera son cheminement politique au sein de l'Action Française, revue et mouvement politique d'extrême-droite dont il est à la tête dans la première moitié du 20ème siècle.