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Ce dernier pas étant fait, la question n'en demeure donc pas moins de savoir ce que cette volonté, qui se représente dans le monde et comme monde, est en dernier lieu, absolument, en soi.

Publié le 23/10/2012

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question
Ce dernier pas étant fait, la question n'en demeure donc pas moins de savoir ce que cette volonté, qui se représente dans le monde et comme monde, est en dernier lieu, absolument, en soi. En d'autres termes, qu'est-elle, abstraction faite de sa représentation comme volonté, de son phénomène ? Qu'est-elle, en dehors de la connaissance ? — Cette question ne recevra jamais de réponse, parce que, comme nous l'avons dit, le seul fait d'être connu est contradictoire de l'existence en soi et constitue un caractère phénoménal. Mais la seule possibilité de cette question démontre que la chose en soi, que nous connaissons le plus immédiatement dans la volonté, peut avoir en dehors de tout phénomène possible des conditions, des qualités et des manières d'être qui nous sont absolument inconnaissables, et qui demeurent précisément comme l'essence de la chose en soi, quand celle-ci s'est posée comme volonté libre, c'est-à-dire complètement sortie du domaine phénoménal, quand elle est rentrée dans le néant au regard de notre connaissance, c'est-à-dire au regard du monde des phénomènes. Si la volonté était la chose en soi d'une manière absolue, ce néant serait lui aussi absolu ; au lieu que dans le IVe Livre il se présente expressément comme un néant purement relatif. (Monde, III, 7-Io.) 2. « FORCE « ET « VOLONTÉ « Jusqu'ici on a fait rentrer le concept de volonté sous le concept de force ; c'est tout le contraire que je vais faire, et je considère toute force de la nature comme une volonté. Que l'on ne croie pas que ce n'est là qu'une discussion de mots, une discussion oiseuse : elle est, au contraire, de la plus haute signification et de la plus grande importance. Car, en dernière analyse, c'est la connaissance intuitive du monde objectif, c'est-à-dire le phénomène, la représentation, qui est à la base du concept de force ; c'est de là qu'il est tiré. Il vient de ce domaine où règnent la cause et l'effet, c'est-à-dire de la représentation intuitive, et signifie l'essence du motif, au point où l'explication étiologique n'est plus possible, mais où se trouve la donnée préalable à toute explication étiologique. Au contraire, le concept de volonté est le seul, parmi tous les concepts possibles, qui n'ait pas son origine dans le phénomène, dans une simple représentation intuitive, mais vienne du fond même, de la conscience immédiate de l'individu, dans laquelle il se reconnaisse lui-même, dans son essence, immédiatement, sans aucune forme, même celle du sujet et de l'objet, attendu qu'ici le connaissant et le connu coïncident. Ramenons maintenant le concept de force au concept de volonté : c'est en réalité ramener un inconnu à quelque chose d'infiniment plus connu, que dis-je ? à la seule chose que nous connaissions immédiatement et absolument ; c'est élargir considérablement notre connaissance. Si nous faisons rentrer, au contraire, — comme on l'a fait jusqu'ici, — le concept de volonté sous le concept de force, nous nous dépouillons de l'unique connaissance immédiate que nous ayons de l'essence même du monde, en la noyant dans un concept abstrait tiré de l'expérience, et qui, par conséquent, ne nous permettra jamais de la dépasser. (Monde, I, 116.) B) VOULOIR-VIVRE ET INTELLECT I. PRIMAT DU VOULOIR-VIVRE Désirant compléter par quelques considérations la démonstration de cette doctrine suivant laquelle les phénomènes de ce monde ne sont que l'objectivation à des degrés divers de ce qui dans la connaissance la plus immédiate se manifeste à nous comme volonté, je vais commencer par produire une série de faits psychologiques d'où il résulte que dans notre propre conscience la volonté se présente toujours comme l'élément primaire et fondamental, que sa prédominance sur l'intellect est incontestable, que celui-ci est absolument secondaire, subordonné, conditionné. Cette démonstration est d'autant plus nécessaire, que tous les philosophes antérieurs à moi, du premier jusqu'au dernier, placent l'être véritable de l'homme dans la connaissance consciente ; le moi, ou chez quelques-uns l'hypostase transcendante de ce moi appelée âme, est représenté avant tout et essentiellement comme connaissant, ou même comme pensant ; ce n'est que d'une manière secondaire et dérivée qu'il est conçu et représenté comme un être voulant. Cette vieille erreur fondamentale que tous ont partagée doit être bannie avant tout du domaine philosophique, et c'est pourquoi je m'efforce d'établir nettement la nature véritable de la chose. Comme cette entreprise se produit ici pour la première fois, après des milliers d'années de pensée philosophique, il ne sera pas inutile d'entrer dans le détail. Le phénomène surprenant de cette erreur professée sur un point fondamental par tous les philosophes, de cette inversion absolue des termes, peut s'expliquer en partie, surtout pour les philosophes de l'ère chrétienne, par ce fait que tous avaient l'intention de représenter l'homme comme profondément distinct de l'animal, et qu'ils sentaient vaguement que cette distinction gît dans l'intellect et non dans la volonté ; de là une tendance inconsciente à faire de l'intellect la chose essentielle, bien plus, à représenter la volonté comme une simple fonction de l'intellect... La conséquence la plus proche et la plus incommode pour tous ces philosophes de leur erreur commune, est la suivante : comme la connaissance consciente s'évanouit manifestement à la mort, ils sont obligés ou de considérer la mort comme l'anéantissement de l'homme, et tout notre être se révolte contre cette idée ; ou d'admettre une persistance de la connaissance consciente, dogme philosophique qui exige une foi à toute épreuve, car chacun a pu se convaincre par expérience que sa connaissance est dans une dépendance absolue du cerveau, et il est aussi facile de croire à une connaissance sans cerveau qu'à une digestion sans estomac. Ma philosophie permet seule de sortir de ce dilemme, en plaçant l'essence de l'homme non pas dans la conscience, mais dans la volonté. Celle-ci, en effet, n'est pas essentiellement liée à la conscience, mais est à cette dernière, c'est-à-dire à la connaissance, ce que la substance est à l'accident, l'objet éclairé à la lumière, la corde à la table d'harmonie, et elle entre dans la conscience, du dedans, comme le monde physique y pénètre du dehors. Dès lors nous pouvons concevoir cette indestructibilité du noyau essentiel de nous-mêmes, de notre être véritable, bien que la mort anéantisse manifestement notre intellect, bien que cet intellect n'ait pas existé avant la naissance. Car l'intellect est aussi transitoire que le cerveau dont il est le produit ou plutôt l'activité. Le cerveau, comme l'organisme

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