Calderón de la Barca, La vie est un songe (extrait).
Publié le 07/05/2013
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Calderón de la Barca, La vie est un songe (extrait). Alerté par de funestes prédictions, le roi Basile a fait emprisonner son fils Sigismond pour préserver son trône. Alors que Rosaura vient délivrer le jeune prince, celui-ci déplore d'être né prince, naissance responsable de son sort infortuné. Dans un acte de renoncement suprême, il se tourne vers Dieu. Le désespoir si absolu qu'exprime Sigismond fait de ce monologue un des textes les plus caractéristiques du doute existentiel. La vie est un songe de Pedro Calderón de la Barca (acte III) SIGISMOND (À part.) Ô ciel ! S'il est vrai que je rêve, suspendez ma mémoire ! Il n'est pas possible que tant de choses soient comprises dans un songe. Dieu me secoure ! Saurai-je toutes les élucider ou n'y plus penser ? Vit-on jamais peines plus incertaines ? Si j'ai rêvé cette grandeur où je me suis vu, comment cette femme peut-elle m'en apporter des témoignages si notoires ? C'était donc vérité, non point songe... Mais si c'était vérité -- ô confusion plus grande encore ! --, comment puis-je l'appeler songe ? Les gloires de ce monde sont-elles si semblables aux songes qu'on doive tenir les véritables pour mensongères, les illusoires pour certaines ? Si peu les sépare, qu'on doute de savoir si ce qu'on voit, ce dont on jouit, est mensonge ou vérité ! La copie est-elle si semblable à l'original que l'on doute de le connaître ? Mais s'il en est ainsi, si l'on doit voir, dissipés parmi les ombres, la grandeur et le pouvoir, la pompe et la majesté, sachons profiter du moment qui nous est accordé, puisque, réalité ou rêve, la jouissance est la même. Rosaura est en mon pouvoir, mon âme adore sa beauté, jouissons donc de l'occasion ! Que l'amour brise les lois de la vertu et de la confiance qui la prosternent à mes pieds ! Ce n'est qu'un songe : rêvons donc à présent les joies puisqu'elles vont devenir chagrins... Mais quoi ! Mes propres arguments se retournent contre moi ! Si c'est songe, si c'est vaine gloire, qui perdrait pour cette vaine gloire humaine la gloire divine ? Quel bien passé n'est pas un songe ? Qui, ayant joui de bonheurs d'exception, ne se dit, quand sa mémoire les rassemble : « Tout ce que j'ai vu, je l'ai évidemment rêvé « ? Donc, si cela doit me conduire au désenchantement, si je sais que le désir est une belle flamme que le premier vent qui souffle réduit en cendres, tournons-nous vers l'éternel, vers la gloire durable où ni les bonheurs, ni les grandeurs ne sommeillent. Rosaura reste sans honneur, il est du devoir d'un prince de le lui rendre, non de le lui ôter. Par Dieu ! Je dois restaurer son honneur avant ma couronne. Fuyons l'occasion si dangereuse. (À un soldat.) Appelez aux armes, je livrerai aujourd'hui bataille, avant que l'ombre obscure n'ensevelisse dans les ondes noirâtres les rayons d'or du soleil. [...] Source : Calderón de la Barca (Pedro), La vie est un songe, trad. par Michel Truffet, Libris, 1996. Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation. Tous droits réservés.
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