BRISE MARINE, MALLARME
Publié le 03/04/2011
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BRISE MARINE Commentaire composé La chair est triste, hélas! et j'ai lu tous les livres. Fuir! là-bas fuir! Je sens que des oiseaux sont ivres D'être parmi l'écume inconnue et les cieux! Rien, ni les vieux jardins reflétés par les yeux Ne retiendra ce coeur qui dans la mer se trempe O nuits! ni la clarté déserte de ma lampe Sur le vide papier que la blancheur défend Et ni la jeune femme allaitant son enfant. Je partirai! Steamer balançant ta mâture, Lève l'ancre pour une exotique nature! Un Ennui, désolé par les cruels espoirs, Croit encore à l'adieu suprême des mouchoirs! Et, peut-être, les mâts, invitant les orages Sont-ils de ceux qu'un vent penche sur les naufrages Perdus, sans mâts, sans mâts, ni fertiles îlots... Mais, ô mon coeur, entends le chant des matelots! Mallarmé I.] Le mal de vivre a) Un constat désabusé« La chair est triste, hélas ! et j’ai lu tous les livres » : la culture a épuisé ses ressources et n’a pas apporté de réponses (aspect de l’accompli du passé composé) > l’amour satisfait est amer.Le mal de vivre à un niveau métaphysique : « Un Ennui, désolé par les cruels espoirs ». « Ennui » = appel du vide. « cruels espoirs » = oxymore qui traduit l’espoir renaissant et toujours déçu. b) Le refus des liens- La famille : « Ni la jeune femme allaitant son enfant » : la crise de la naissance de l’enfant s’accompagne chez le poète d’un sentiment d’exclusion. > la famille d’aval « les vieux jardins reflétés par les yeux » : les racines familiales, le passé, la civilisation. > la famille d’amont. - le travail solitaire du poète : « ni la clarté déserte de ma lampe » : angoisse de la page blanche, le poète est inhibé par le vide de cette page. « O nuits ! » : la douleur dans l’invocation ; le pluriel mesure le temps écoulé stérilement dans l’élaboration poétique. Cet appel au large est avant tout un besoin de rupture d’où l’indéfinition de la destination, la ligne brisée de l’élan et la suggestion d’un retour au projet poétique. II.] Quel « Ailleurs » ? a) Le caractère impérieux de cet appel1 / 3 / 2 / 6 /« Fuir! là-bas fuir! Je sens que des oiseaux sont ivres » (vers 2)Le caractère impérieux de cet appel est traduit par les points d’exclamation, le rythme lentement marqué par les coups et l’irrégularité des mesures. Le rythme croissant montre l’emportement du poète.« Je partirai! » (vers 9) : le futur exprime le passage à l’acte via la certitude, la conviction. b) Indignation de « l’ailleurs »« Fuir! » (vers 2) : l’accent est mis sur le lieu que l’on quitte et non sur la destination.Les éléments retenus sont frappés eux-aussi d’une dématérialisation. Au vers 2, les oiseaux sont ivres mais d’une ivresse immatérielle (celle de l’écume, poussière d’eau, eau vaporisée). Ils évoluent dans les cieux : ce voyage est davantage vertical. Enfin le navire désigné par le mot anglais steamer met l’accent sur la vapeur : c’est une métonymie expressive c) La tentation du suicide2 / 2 / 2 / 3 / 3 / « Perdus, sans mâts, sans mâts, ni fertiles îlots... » (vers 15)La scansion de ce vers révèle cinq mesures et donc un ralentissement spectaculaire du rythme. L’appel du néant est suggéré par les points de suspension qui interrompent l’évocation du naufrage. Le dernier vers ferme la boucle : le chant des matelots se propose comme métaphore de la poésie et de ses harmonies ce qui retient le poète au bord du gouffre, c’est aussi ce qui l’y avait amené (la solution poétique).Le voyage à la manière de Mallarmé n’est ni le voyage sensuel et l’idéal de Baudelaire ni le voyage métaphysique de Rimbaud mais c’est un frôlement du néant à travers une dématérialisation du réel. Ce voyage non réalisé devient une nouvelle source d’inspiration poétique.
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