Composition Affaire Dreyfus et République Accusé d’espionnage au profit de l’Allemagne en 1894 par l’écriture d’un bordereau qui révélait des secrets militaires français, le Capitaine Alfred Dreyfus est radié du corps militaire et condamné au bagne dans une nation qui se réclame des droits de l’homme et des libertés. Ce n’est qu’en 1896 que l’on découvre la véritable identité du coupable, le commandant Esterhazy. Dreyfus est gracié en 1899 par le président de la République, Emile Loubet, et ne sera innocenté et réhabilité qu’en 1906. La République est un régime politique constitué de corps d’Etat indépendants (le Président exerce le pouvoir exécutif tout comme le gouvernement, et le Parlement exerce le pouvoir législatif) fondé sur des valeurs telles que : la liberté, l’égalité devant la loi, la souveraineté de la nation et le suffrage universel. La République est aussi une dynamique visant à abattre ou à limiter les entraves aux libertés (individuelles et publiques) et à la solidarité des citoyens les uns envers les autres. La IIIème République (1870-1940) est constitué de différentes lois telles que la liberté de la presse (libertés et responsabilités de la presse française votée le 29 juillet 1881), la liberté scolaire de Jules Ferry (école laïque, gratuite et obligatoire, votée en 1881-1882). Mais aussi des valeurs comme la lutte contre l’antisémitisme et la défense de la justice, de la vérité qui sont apparues fort bien lors de l’affaire Dreyfus. La République comprend aussi et principalement une devise : LIBERTE EGALITE FRATERNITE. Pourquoi l’affaire Dreyfus a-t-elle mise en péril les valeurs républicaines ? C’est par sa devise adoptée sous cette IIIe république et par ses trois valeurs : LIBERTE EGALITE FRATERNITE que le sujet sera observé. Définissons le premier terme de la devise de France : LIBERTE La LIBERTE se définit par le pouvoir d’agir, au sein d’une société organisée, selon sa propre détermination, dans la limite de règles définies. L'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 affirmait :« tout citoyen peut parler, écrire, imprimer librement.» Mais excepté la période 1789 à 1792, la presse n'a jamais été libre en France. N’oublions pas, la IIIème République a pour engagement des plus importants la liberté de la presse, qui se contredit des empires et restaurations monarchiques. Dès son premier paragraphe, le manifeste du 17 juin 1898 affirme l'ambition des ligueurs : « À partir de ce jour, toute personne dont la liberté serait menacée ou dont le droit serait violé est assurée de trouver auprès de nous aide et assistance ». La justice a en effet fait condamner un innocent et le nouveau procès en 1897 ne change pas la donne, Dreyfus reste coupable. Les médias, dont la liberté est quasi absolue depuis 1881, s’emparent de l’affaire. De plus, cette Affaire accentue la fragilité politique du régime deux camps d’idéologies opposées parmi lesquels deux philosophies politiques contradictoires sont en jeu : celle qui privilégie les droits de l’individu (liberté individuelles de Dreyfus) et celle qui préfère l’intérêt collectif de la société (parti pour la France et l’armée). C’est dans une France divisé que la presse joue un des rôles les plus importants puisqu’elles s’affirment comme un contre-pouvoir très fort à cause de la nouvelle dimension qu’elle prend pour les Français. De plus, le procureur général près de la cour de cassation ose délivrer un discours de compréhension pour l’œuvre des intellectuels et ose défendre le droit à la liberté d’expression. Cet acte est indésirable à cette époque et paradoxale dans son contexte, car le procureur est un homme politique et la majorité des politiciens sont antidreyfusards. Il devrait donc être antidreyfusard mais délivre son opinion et montre qu’il est tout à fait possible d’être procureur et dreyfusard à la fois, ce qui n’était pas une évidence pour la majorité d’entre-eux. Des milliers de publications ont littéralement « fait » l'opinion. Par le verbe faire, j’entends « influencer ». C’est-à-dire que la presse tenait pour rôle, en plus de son antidreyfusardise, l’influence complète sur les français. Il y a donc là une atteinte grave à la liberté de penser et à pouvoir forger soi-même son opinion. Enfin, elle pèse très directement sur le déroulement de l'affaire Dreyfus au travers de campagnes parfois violentes et d'articles souvent très critiques notamment dans les journaux pro-gouvernementaux, tel que La Libre Parole ou encore Le Petit Journal. Définissons le second terme de la devise de France : EGALITE. L’EGALITE se définit par le fait que les humains soient égaux devant la loi, qu’ils puissent jouir des mêmes droits. Malgré l'égalité conférée par cette loi et l'intégration croissante des juifs dans les sociétés occidentales à la fin du XIXème siècle, l'antisémitisme reste une menace pour eux. En ce qui concerne les antidreyfusards, ils deÌnoncent le « traiÌ‚tre Dreyfus » et justifient leur position par un discours militariste, nationaliste et souvent antiseÌmite qui traduit le rejet de la ReÌpublique et montre la graviteÌ de la crise. Quant aux dreyfusards (intellectuels, reÌpublicains, socialistes), ils agissent au nom de la justice, des droits de l’homme et de la raison. Parmi ces droits fondamentaux universels et imprescriptibles, il y a l’égalité devant la Loi. Or Dreyfus, en tant que juif, est traité avec iniquité, les droits de la Défense ne sont pas respectés puisque des « pièces secrètes » sont fournies à son désavantage en cachette au Tribunal. Les procédures normales ne sont donc pas suivies. Cet ex-officier n’est pas (et ne se sent pas) égal aux autres devant les droits de l’homme pour la simple raison d’être de confession juive. Il y a aussi le principe de Justice. C'est-à-dire que les droits accordés pour un procès équitable ne sont pas non plus respectés. Les traîtres sont acquittés, l’innocent est condamné. La justice se montre partiale. De lien avec les politiques, que ce soit le gouvernement ou le parlement, elle ne juge qu’en fonction de l’idéologie majoritaire du peuple (antidreyfusarde) et non pas en fonction de ce qui est juste. Le premier effet remarqué est le développement important de l'antisémitisme, mais d'autres aspects sont saisis par l'événement tel que l’anticléricalisme, l’antimilitarisme ainsi que le mouvement intellectuel et cela détermine un nouveau clivage pro-gouvernement (antidreyfusard) et anti-gouvernement (dreyfusard) dans la politique française de l’époque. De plus, Dreyfus est juif. Le seul juif de l'état-major général français. Et les juifs sont considérés comme des apatrides, incapables de montrer une loyauté suffisante vis-à vis de la France. Lors de sa dégradation publique, la foule, influencée par la presse antisémite, hurle des slogans anti-juifs. Néanmoins un journaliste prend la défense de Dreyfus, mais le véritable coupable, le commandant Esterhazy, continue de bénéficier de la protection du gouvernement. Ici, le gouvernement se lie à la justice et protège le coupable de cette Affaire, car il ne porte pas le chapeau de traître. Il s’agit donc, encore une fois, non seulement de ralliement de pouvoir et justice mais aussi d’injustice. Dreyfus subit un malaise certain par un jugement « non légitime ». Il réveille en le peuple français, notamment les dreyfusards, un sentiment d’injustice, synthétisé par Zola dans « J’accuse », fameuse lettre ouverte au Président publiée dans L’Aurore (journal anti-gouvernement). Selon les dreyfusard : Dreyfus jugé non pas comme citoyen français mais comme Juif : "Que Dreyfus est capable de trahir, je le conclus de sa race», BARRES Maurice. Cette phrase est une attaque à la fraternité par son sous-entendu que les juifs ne sont pas de la grande famille humaine. Mais surtout une atteinte à l’égalité qui doit être identique pour chaque citoyen devant les droits, devant la justice et devant la politique. Il est certain que l’antisémitisme à joué un rôle dans le domaine politique. Dreyfus est pour de nombreux antidreyfusards jugé de traître en grande partie à cause de sa religion : parce qu’il est juif : "HAUTE TRAHISON ! ARRESTATION DE L’OFFICIER JUIF DREYFUS. L’AFFAIRE SERA ETOUFFEE PARCE QUE CET OFFICIER EST JUIF". Gros titre paru dans La Libre parole. On peut voir dans ce titre comme dans d’autres nombreux journaux le critère « Juif » qui apparaît très vite comme principal argument et argument simple de sa condamnation. La LDH (Ligue des Droits de l’Homme) proclame : « Le condamné de 1894 n'est pas plus juif à nos yeux que tout autre, à sa place, ne serait catholique, protestant ou philosophe. Nous ne voyons en lui qu'un citoyen dont les droits sont les nôtres et nous repoussons, comme un recul inattendu des idées de liberté, les distinctions de secte qu'on prétendrait établir en sa personne ». Ils souhaitent délivrer le message que l’antisémitisme est à son apogée et qu’il est temps de se manifester afin de faire réagir les français sur le fait qu’un juif est égal à tout autres personnes, qu’elles soient catholiques, protestantes, philosophes,…,etc. Définissons le dernier terme de la devise de France : FRATERNITE La FRATERNITE se définit par le lien existant entre les hommes considérés comme membre de la famille humaine. Et celui sous-entendu mais très important : LAICITE (elle se définit en plusieurs points, nous excluons la séparation de l’Eglise et de l’Etat.) La LAICITE est une éthique basée sur la liberté de conscience visant à l'épanouissement de l'homme en tant qu'individu et citoyen. -La garantie apportée par l'Etat de la liberté de conscience et du droit d'exprimer ses convictions (droit de croire ou de ne pas croire en une religion, de se convertir, d'assister ou non aux cérémonies religieuses). -La neutralité de l'État en matière religieuse. Aucune religion n'est privilégiée, il n'y a pas de hiérarchie entre les croyances ou entre croyance et non-croyance. L’affaire Dreyfus divise dans sa totalité le peuple français, il y a donc des conflits intrafamiliaux et intranationaux. Elle met aÌ€ l’eÌpreuve les valeurs reÌpublicaines. Sur fond d’antisémitisme et de xénophobie, la presse et l’opinion se divisent aussi en deux : les antidreyfusards prônant la Raison d’État et convaincus de la culpabilité de Dreyfus et les dreyfusards prétextant le bafouement des libertés individuelles et des droits fondamentaux. Cette France coupée en deux oppose les républicains porteurs de valeurs de la République aux tenant d’une France conservatrice dirigée par des monarchistes, opposée aux droits de l'homme, s'appuyant sur les diktats d'une Eglise rétrograde, voulant imposer le catholicisme à tous alors qu'une bonne partie des républicains s'en sont détachés. Or, l’Etat et l’Eglise ne doivent plus aller de pair. En conséquence, il y a des divisions institutionnelles à la fois dans l’Armée qui est plutôt conservatrice et dans l’Eglise qui est très influente dans l’opinion des français. L'affaire divise la France en deux camps. D'un côté, c’est le gouvernement, les partis conservateurs, l'Église et l'armée qui s’allient et considèrent que l'honneur de la nation ne doit pas être sacrifié pour un juif, coupable ou innocent. De l'autre côté, sous l'impulsion de l'écrivain Émile Zola et de l'homme politique Jean Jaurès, se rassemblent les partisans des droits de l'homme. C’est l’antisémitisme, créant des tensions nationales fortes, qui va peu à peu amener à la division d’une nation en deux : dreyfusards et anti-dreyfusards. La grande famille humaine qu’est le peuple français, se retrouvera désormais séparé par les opinions, par les points de vue que chacun ont adopté. Ce caractère de religion qui inspire aux antidreyfusards et antisémites tant de haine est un réel motif de condamnation et est dénoncé par beaucoup comme le futur maréchal Lyautey : « La pression de la rue, de la tourbe [qui] hurle à la mort sans savoir contre ce juif, parce qu’il est juif. » Ces accusations à tort pour une fausse raison, celle que Dreyfus juif, nous font comprendre qu’il ne peut ni penser, ni agir, ni se sentir citoyen de la République comme il le souhaite. Ou encore comme cet article de journal nous le confirme : « D'autres mêleront à cette ignoble Affaire des questions de race et de religion. Ceux-là mettront la politique, la plus détestable des politiques, au-dessus du patriotisme. [Les israélites répudient ce Dreyfus, comme notre armée, comme l'Ecole polytechnique, d'où il est sorti, répudient le traître qui portait un uniforme sacré. »] Ceux qui lui donnèrent naissance dans ce monde (militariste et clérical) le répudie, alors qu’il fit la « gloire »de son armée, étant un des meilleurs. La confiance en chacun se perd. Seulement quelques un restent fidèles (intellectuels, famille de Dreyfus). Cependant la division de la nation est telle que des grands journaux comme Le Temps s’indignent : « qu'il est inouï qu'on en vienne à soulever dans la presse des questions de race ou de religion, à diviser les membres de la famille française en deux camps ennemis ». Ici encore, nous avons le témoignage d’un rejet complet d’un membre de la famille française (humaine) car Dreyfus est juif. La laïcité n’est pas respecter car pour pouvoir l’être, il faut être de confession chrétienne (catholiques ou protestants), surtout pas de confession musulmanes ou juive. Il s’agit donc d’une France basé sur l’antisémitisme et construite de conflits familiaux (de la famille française). L'enjeu a été considérable des années 1871 à 1905. Les conséquences de cette affaire sont innombrables et concernent tous les aspects de la vie publique française : politique, militaire, religieux, social, juridique, médiatique, diplomatique et culturel. Plusieurs crises politiques ont eu lieu sous cette IIIème République. En 1871, il y eu l’insurrection de la Commune de Paris. En 1889, il y eu la crise boulangiste (du Général Boulanger). En 1892, il y eu le scandale de Panama. En 1893, il y eu une explosion à la Chambre de la part des anarchistes. De 1896 à 1899, il y eu l’accusation à tort de Dreyfus (pour trahison), dû à sa confession juive il est dégradé, condamné et déporté à l’île du Diable, en Guyane. En 1905, il y eu la séparation des Eglises et de l’État, conséquence de cette Affaire. Le régime républicain a donc subit d’importantes instabilités et une installation difficile, en plus des atteintes aux valeurs républicaines (liberté, égalité, fraternité et laïcité). Il n’y a là aucun respect du droit, de plus, le pouvoir exécutif intervient dans les affaires judiciaires. C'est-à-dire que la séparation des pouvoirs, qui est le fondement du système républicain, n’est plus respecté. Ne pas mettre en pratique la séparation des pouvoirs, c’est donc fragilisé une république déjà instable, éprouvée par la guerre civile franco-allemande et la Commune de Paris. L’Affaire Dreyfus est la référence même des troubles et divisions de la République à cette époque et reste encore une référence pour signifier tout vacillement, en quelconques domaines (droit, politique, judiciaire,…,etc.). C’est cette affaire qui va révéler le trouble d’une nation divisée : l’idéal républicain, tant défendu durant ces années. L’Affaire Dreyfus divise la société française et est l’occasion d’un affrontement pour affirmer, pour essayer de garder les valeurs qui doivent fondées la République. Toute république française trouve d’ailleurs son fondement dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. L’affaire Dreyfus fut un véritable bouleversement de la République car elle a divisé une nation en deux, dont les bases de ce régime n’étaient pas encore assez solides. Nous pouvons noter que l'Affaire a un retentissement mondial. Theodor Herzl, journaliste juif viennois qui assure la couverture du procès, conclut que l'assimilation n'offre aucune protection contre l'antisémitisme, si un juif intégré au point d'être officier français n'est pas en sécurité. Si les juifs restent étrangers dans leurs pays de résidence, ils doivent fonder leurs Etats. Un désaccord commun est donc visible. Celui entre antidreyfusards et dreyfusards. Il y a par conséquent une atteinte grave à l’égalité devant les droits qui engendre une atteinte aux libertés individuelles qui engendrent une tension forte et division totale de la famille française, notamment avec l’atteinte à la liberté de religions. N’oublions pas que les Intellectuels et hommes de lettres s’emparent de l’affaire, dont Zola et Clemenceau.