Bergson : Homme et Animal
Publié le 04/02/2011
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Introduction S'il est un être qui intrigue le philosophe, c'est bien l'animal ; on serait bien tenté comme le fit Descartes de ne voir en lui qu'un être sans âme, duquel l'esprit est totalement absent, mais n'est-ce pas oublié que, comme son nom l'indique, nous avons affaire à un être animé, c'est-à-dire un être en mouvement et dont les mouvements sont imprévisibles, qu'aucun calcul ne peut déterminer à l'avance. Je puis en effet calculer la trajectoire que suivra la chute d'un corps purement matériel, une pierre ou un bloc de métal, il m'est impossible, avec la même certitude de prédire que tel animal, même le plus rudimentaire, s'orientera dans telle ou telle direction s'il se trouve dans telle ou telle condition. Il y a donc une part de liberté chez l'animal qu'on ne rencontre pas dans la chose inanimée, une part d'indétermination qui semble être le propre de la vie et du vivant. C'est cet aspect du vivant qu'analyse ici Bergson en réfléchissant sur ce qui différencie la conscience de l'animal et la conscience humaine. Car en effet s'il ne nie pas que l'animal ait une conscience, il ne tombe pas non plus dans l'écueil de l'anthropomorphisme1 et insiste sur la différence de nature et non simplement de degré qui différencie la conscience animale de celle de l'homme. Première partie Bergson parle en effet, dès les premières lignes de ce texte, d'une différence radicale entre ces deux formes de conscience. Par cet adjectif il laisse entendre que cette différence se situe véritablement à la racine même de la conscience et qu'elle ne relève pas du plus ou du moins puisque même l'animal le plus intelligent, c'est-à-dire possédant la capacité de résoudre les problèmes qu'il peut rencontrer dans son existence quotidienne, ne manifeste rien dans son comportement pouvant laisser supposer la présence d'une conscience comparable à celle de l'homme. Deuxième partie Pour confirmer cette affirmation, Bergson va dans la partie suivante définir plus précisément ce qu'il faut entendre par conscience : la conscience correspond exactement à la puissance de choix dont l'être vivant dispose, conscience pour Bergson veut dire choix. Et en effet, à partir du moment où un être a une certaine intuition de soi et de la réalité qui l'entoure, il peut prendre par rapport à lui-même et au monde une certaine distance et un certain recul qui lui permettra au moins d'envisager plusieurs solutions possibles à une même difficulté et de choisir celle qui lui semblera la meilleure. Ainsi la conscience ne se manifeste que chez les êtres pour qui l'action est possible, pour qui plusieurs possibilités d'action sont envisageables sans qu'aucune ne l'emporte a priori sur les autres : « la conscience correspond exactement à la puissance de choix dont l'être vivant dispose, c'est pourquoi conscience est synonyme d'invention et de liberté. ». Troisième partie Mais s'il en est ainsi en quoi la conscience humaine diffère-t-elle radicalement de la conscience animale ? En quoi la conscience animale est-elle par nature en deçà de ce dont est capable la conscience humaine ? Cela s'explique, selon Bergson, par le fait que l'animal ne sort jamais des rails que la nature a tracé pour lui, « Or, chez l'animal, l'invention n'est jamais qu'une variation sur le thème de la routine. » Certes il dispose d'une marge de manœuvre supérieure à celle dont disposent les choses, mais le but poursuivi est toujours celui fixé par la nature. Il pourra ainsi inventer plusieurs solutions afin de trouver sa nourriture, de se protéger des prédateurs, mais jamais il ne cherchera les moyens de réaliser quelque chose dépassant la satisfaction de ses besoins naturels, allant au-delà de la réponse à ce que lui ordonne l'instinct de son espèce « Enfermé dans les habitudes de l'espèce, il arrivera sans doute à les élargir par son initiative individuelle ; mais il n'échappe à l'automatisme que pour un instant, juste le temps de créer un automatisme nouveau. » Il n'y a donc pas de véritable liberté chez l'animal dans la mesure où les choix qu'il fait ne concernent que les moyens qu'il met en œuvre pour obéir à la nature « Les portes de sa prison se referment aussitôt ouvertes ; en tirant sur sa chaîne il ne réussit qu'à l'allonger. » Tandis que l'homme parvient à s'affranchir des impératifs que lui impose la nature, à créer ce qui n'est pas nécessaire à sa survie animale mais qui lui permet de se réaliser en tant qu'esprit. La technique, l'art, la science, la religion sont les manifestations d'une conscience qui a rompu les liens par lesquels elle était totalement immergée dans la nature, chez l'homme la conscience ne fait plus corps avec la nature. « Avec l'homme, la conscience brise la chaîne. Chez l'homme, et chez l'homme seulement, elle se libère. » Conclusion L'intérêt de ce texte vient donc de la manière dont Bergson règle la question de la différence entre l'homme et l'animal, en trouvant une voie originale permettant d'éviter les écueils du mécanisme et de l'anthropomorphisme, Bergson parvient à analyser la spécificité de l'animal dans la nature tout en insistant sur le caractère exceptionnel de l'homme qui est le seul être vivant capable de dépasser la nature.
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