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Baudelaire, "Parfum exotique", Les Fleurs du Mal

Publié le 17/01/2011

Extrait du document

baudelaire

Situation
 
Baudelaire
 
Il est l’exemple type du génie méconnu* parce que ses œuvres ont eu très peu de succès de son vivant alors qu’il est considéré aujourd’hui comme le fondateur de la poésie moderne.
 
Les Fleurs du Mal
 
Ce sont l’œuvre majeure de Baudelaire, à laquelle il a travaillé jusqu’à sa mort.
L’architecture du recueil est très travaillée parce qu’elle retrace l’itinéraire spirituel du poète.
 
Spleen et Idéal
 
Dans la 1ère partie, Baudelaire évoque les 2 tendances (postulations) de son être qui s’affrontent en lui et le déchirent.
 
Spleen = le mal sous toutes ses formes : la souffrance physique, la maladie, l’ennui, la routine, la vie quotidienne qui donne l’impression de sombrer, les sentiments mauvais (colère, haine, méchanceté).
 
Idéal = le bien (les bons sentiments) et le bonheur (la joie intérieure) + l’élévation et l’épanouissement de son être.
 
Cette double postulation, ces 2 tendances, Baudelaire les perçoit dans tous les aspects de son existence et surtout dans son métier d’artiste.
dans le poème l’Albatros, Baudelaire établit un parallèle entre le poète et cet animal : de même que l’albatros est d’une aisance prodigieuse dans les airs (son monde), de même le poète est un être prodigieux quand il crée, quand il compose (voilà pour l’idéal) ; de même que l’albatros est ridicule sur le sol, le poète est inadapté à l’existence sociale, la vie quotidienne ordinaire.
 
Dans ses relations avec les femmes, Baudelaire montre à la fois le bonheur et l’épanouissement que montrent le sentiment amoureux et les ravages de la jalousie, de la méchanceté, de la cruauté et de la souffrance que ce sentiment peut provoquer.
 
5 tentatives pour faire oublier ce déchirement.
 
Tableaux parisiens
 
Ils regroupent des scènes évoquant mes misères et les déshérités de la grande ville. Baudelaire cherche une sorte de solidarité et de réconfort auprès de ceux qui souffrent comme lui (attention, il ne s’agit pas de la même souffrance).
 
Le vin
 
Les Fleurs du Mal
 
Les poèmes de cette partie évoquent plusieurs perversions qui peuvent noyer l’esprit et lui faire oublier nos souffrances.
« Toi, Paris, tu m’as donné de la boue et j’en ai fait de l’or. «
 
Les Fleurs du Mal désigne les poèmes, les œuvres d’art inspirés à Baudelaire, par le mal qu’il a fait et qu’il a subi.
 
La révolte
 
Baudelaire se dresse contre Dieu dans une révolte religieuse et métaphysique pour y puiser la force de lutter contre son mal.
 
La mort
 
Baudelaire pense que la mort peut guérir son mal (le déchirement) non pas en lui apportant un repos éternel, mais en le faisant entrer dans un autre monde, l’inconnu et le nouveau qui lui permettront d’échapper à la routine => voyage.
 
"Parfum exotique" est le 1er poème qui, dans la partie Spleen et Idéal, est consacré à l’ambivalence de l’amour. Il a été inspiré par sa liaison avec Jeanne Duval, qui venait des Antilles.
 
Construction
 
Versification
 
Le poème se présente comme un sonnet parfaitement régulier. C’est l’un des rares dans les Fleurs du Mal qui respecte les contraintes très fortes du sonnet régulier :
 
dans les quatrains, des rimes embrassées et semblables dans les 2 strophes (abba)
dans les tercets, des rimes plates (cc) et des croisées (dede).
 
Les dernières rimes du poème sont exceptionnellement riches car elles présentent 4 ou 6 phonèmes (sonorités) communs, alors qu’une rime suffisante n’en demande que 2 et une rime riche que 3.
 
Ex :                                m        a                      
v. 3     je vois                         v. 10      je vois                  
v. 3-8    une île (description)                 v. 10-14     un port (description)          
 
Quatrains et tercets commencent par l’évocation du parfum de la femme aimée qui apporte au poète une sorte de vision d’un paysage exotique. Entre les quatrains et les tercets se produit une sorte de rétrécissement du champ (effet de zoom).
 
Les quatrains décrivent une île dans son ensemble et les tercets se focalisent sur un port, une partie de l’île.
 
Cette structure des quatrains et des tercets développe les 2 mots du titre : le parfum de la femme aimée offre au poète une vision exotique.
 
   quand je respire                  je vois                                  
(subordonnée temporelle)          X     (principale)                                 
   guidé, je vois                   pendant que … se mêle                           
(principale)                      (subordonnée temporelle)                           
 
La 1ère temporelle évoque les perceptions olfactives réelles du poète, le parfum de la femme aimée, alors que la temporelle de la fin évoque des sensations olfactives ("parfum des verts tamariniers") apportées par le monde "imaginaire" dans lequel le poète est entré.
 
Le mécanisme des "correspondances" baudelairiennes
 
Le passage d’une sensation olfactive réelle (parfum de la femme aimée) à une vision exotique (celle de l’île, du port) illustre parfaitement la théorie des correspondances qui est la conception que Baudelaire se fait du poète voyant.
 
Correspondances verticales entre le monde réel et le monde "supranaturel"
 
B. s’est inspiré de Svedenborg.
Pour Svedenborg, le monde réel n’est pas le seul à exister ; derrière ce monde, il existe une sorte de monde supranaturel.
 
Pour Baudelaire, ce sont les artistes qui ont le pouvoir de discerner cet autre monde parallèle.
 
Tout le poème est construit sur ce mécanisme : à partir d’un élément du monde réel (ici, le parfum de la femme aimée), le poète accède à un monde supranaturel (une île tropicale avec son port et ses habitants) d’où l’explication de la contradiction contenue dans le 1er quatrain. Le poète le perçoit par son don de voyance.
 
Les 2 yeux fermés le sont sur le monde réel. Ce mécanisme des correspondances permet d’expliquer les contradictions de la strophe 1.
 
Correspondances "horizontales" entre des sensations de registres différents
 
Les hommes ordinaires ne perçoivent le monde extérieur que par les canaux séparés et étanche de leur 5 sens. Ils ne peuvent comprendre ce que sont "les cris rouges de la foule" (Aragon).                                               (ouïe) (vue)
 
en effet, ils perçoivent les cris par l’ouïe, la couleur rouge par la vue et ces 2 sens ne peuvent fonctionner ensemble.
 
Pour Baudelaire, l’artiste peut atteindre l’unité profonde des choses parce qu’il peut jeter des ponts, des équivalences entre des sensations de registres différents.
Il est des parfums frais comme des chairs d’enfants
        (odorat)     →      (toucher)
 
Doux comme les hautbois, verts comme les prairies
                (ouïe)  (vue)
 
Au début du 1er quatrain et du 1er tercet, Baudelaire évoque la sensation olfactive et la transforme en sensation visuelle → quand je respire … je vois.
 
      parfum des tamariniers          →         chant des mariniers
          (odorat)               se mêle            (ouïe)
 
      m’enfle la narine                          dans mon âme
(perception physique, corporelle)             (perception "mystique", propre au poète)
 
= synesthésie (en psychiatrie = confusion des sens) ; passage d’une situation à une autre.
On appelle synesthésie ces images étranges créées par certains écrivains depuis les années 1850 et qui associent des sensations de registres différents.
 
Le poème de Rimbaud, Voyelles, associe au son de chacune des voyelles une couleur.
→ voir aussi, p. 364-365, La Chevelure, Baudelaire.
 
v. 22 :     je plongerai ma tête …
           dans ce noir océan où l’autre est enfermé.
  = image de la chevelure de     = l’océan du monde supranaturel
  Jeanne Duval (monde réel)
 
Les caractéristiques du bonheur baudelairien
 
Dans "Parfum exotique", Baudelaire n’évoque que l’aspect positif de l’amour : le bonheur qu’il peut apporter.
Ex : rivages heureux, charmants climats.
 
Dans ce texte se retrouvent les composantes qui dans l’ensemble de l’œuvre de Baudelaire sont associées au bonheur.
 
La multiplicité des sensations
 
Le bonheur pour Baudelaire implique une présence intense au monde, un contact avec l’extérieur que permet la multiplicité des sensations.
 
Au contraire, le spleen se caractérise par un repli sur soi, une fermeture au monde extérieur.
 
Les 5 sens sont présents dans ce poème :
 
odorat → 2 sensations olfactives (parfum de la femme aimée = monde réel ; odeur des tamariniers = monde supranaturel).
goût →
vue →
toucher → monde réel = ton sein chaleureux
ouïe → monde supranaturel = le chant des mariniers
 
La chaleur
 
Baudelaire associe constamment le bonheur à la chaleur et le spleen à l’humidité.
 
Dans le monde réel apparaît parfois la chaleur physique, le contact de la peau chaude de la femme aimée et la chaleur humaine (le réconfort, l’accueil, l’amour qu’éprouve le poète).
 
ton sein chaleureux (2 sens) : chaleur (sens physique) + accueillant (sens moral)
 
Dans le monde supranaturel, la chaleur est évoquée par "charmants climats" et "qu’éblouissent les feux d’un soleil monotone".
 
L’adjectif "monotone" est surprenant à cause de ses connotations péjoratives. Il signifie que sur cette île, le soleil brille tous les jours comme une sorte de routine. Pour Baudelaire, l’émotion esthétique passe nécessairement par l’effet de surprise, par un choc que l’on ressent : « le beau est toujours bizarre «.
 
La contradiction "les 2 yeux fermés … je vois" fonctionne exactement de la même façon et crée un effet de surprise.
 
La chaleur du cadre est évoquée : "un soir chaud d’automne".
 
Calme, repos, paresse et nonchalance
 
Baudelaire déteste le travail forcé, obligatoire (la production d’articles pour gagner de l’argent). Il associe donc au bonheur l’indolence, la nonchalance et même la paresse.
 
La personnification de "une île paresseuse" pour évoquer l’indolence de ses habitants et personnification des bateaux "encore fatigués".
Le port apparaît comme un lieu de repos.
 
L’impression de calme est renforcée par l’allitération en [a] (ou assonance) : x 5 au vers 11.
Le [a] est la voyelle du Français la plus grave et qui évoque la lenteur, la lourdeur, le calme, la paix.
 
Au vers 14, allitération en [m] x 4 = consonne nasale ; produit des sons étouffés parce que l’air résonne dans les fosses nasales. Dans ce vers, d’autres sonorités nasales viennent renforcer cet effet :
[ã] x 2  ;  [n] x 1  ;  [õ] x 1
(en, an)                (on)
 
Beauté, pureté, harmonie
 
Le monde décrit par Baudelaire évoque une harmonie entre l’environnement et les êtres qui y vivent.
 
le cadre est idyllique → rivages heureux, charmant climat, fruits savoureux.
 
Le parallélisme des vers 7 et 8 (des hommes, des femmes + relatives) montre que les êtres humains sont à l’unisson de ce cadre : physiquement pour les hommes qui réunissent 2 qualités en apparence contradictoires (la force avec "vigoureux" et la csouplesse, la légèreté avec "mine" et moralement pour les femmes ; Baudelaire reprend le mythe du bon sauvage qui présente les primitifs comme bons, spontanés, francs, purs par opposition à la perversion, au vice, à l’hypocrisie des hommes qui vivent au cœur de la civilisation. Les femmes de cette île révèlent par transparence la pureté de leur âme dans leurs yeux.
 
L’évasion, l’exotisme
 
Le spleen pour Baudelaire est associé à la routine, à l’ennui, au quotidien dans lequel rien ne change.
Par contraste, le bonheur est lié à l’évasion, à l’exotisme, au dépaysement, à la rupture avec le quotidien.
 
Le monde décrit dans le poème est typiquement exotique et s’inspire du long voyage et du court séjour que B. a fait à l’île de la Réunion (canal de Suez pas percé, il faut passer par le cap de Bonne Espérance).
les tamariniers, l’île tropicale, les "sauvages" constituent cet exotisme.
les mots "singuliers" et "étonné" insistent sur le dépaysement que le poète trouve sur cette île.
 
Le spleen baudelairien est associé à l’enfermement, à l’étouffement (spleen → couvercle, cachot, cercle, murs, plafonds) ; par contraste, le monde du bonheur doit être un espace ouvert où l’évasion, le départ sont toujours possibles.
 
D’où l’importance du port, de la mer, des bateaux qui offrent au poète une porte ouverte sur le large en cas de lassitude.
 
La multiplication des sensations
 
Le bonheur pour B., implique une présence accrue au monde, un contact étroit avec tout ce qui l’entoure par l’intermédiaire de ses perceptions sensorielles.
 
l’odorat → à la x dans le monde réel (parfum de la femme aimée) et dans le monde supranaturel (parfum des verts tamariniers).
 
sensations tactiles → sein chaleureux = contact entre les 2 peaux.
 
vue → pour les couleurs, la lumière, les formes => multiplicité des sensations visuelles.
 
ouïe → chant des mariniers, dans monde supranaturel.
 
goût → fruits savoureux.
 
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