Barbara, de Jacques Prévert
Publié le 14/04/2011
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INTRODUCTION : Jacques Prévert (1900-1977) est aujourd'hui l'un des plus grands poètes français du XX ème siècle, cependant on lui reproche une poésie trop \"simple\" voire trop \"parlée\". Ses poèmes souvent mis en chanson évoquent, pour la plupart, les thèmes de la vie quotidienne, mais aussi la guerre (WW II). Par exemple, Barabara extrait de \"Paroles\" (premier recueil de J.P) -> édition définitive en 1947 mais certains poèmes dont Barbara sont parus avant et édités clandestinement en 1943. Barbara est un poème composé d'une seule et unique strophe de 58 vers libres (pas de structure particulière), ponctuée par le même refrain : \"Rappelle-toi Barbara\" qui fait alors référence à une chanson qui a d'ailleurs été mise en place par Serge Regiani. Ce poème est constitué de 2 parties : Souvenir et Guerre. Il est appelé poème de circonstances, inspiré par le désastre de BREST pendant la WW II (1943 : 70 000 hbts, 1944 : + 25 000 morts après 165 bombardements et 43 jours de siège) mais le thème dominant du texte reste le souvenir, l'évocation du souvenir d'une jeune fille heureuse entrevue à BREST avant les bombardements Allemands.
PROBLEMATIQUE : EN QUOI LA SIMPLICITE DE LA FORME EST-ELLE AU SERVICE DE LA DENONCIATION ?
I. UNE CHANSON POPULAIRE
1) La simplicité de la forme
-Une seule strophe -> structure non-indispensable pour J.P, vers courts et libres sans souci de régularité -> poésie moderne.
-Quelques rimes mais pas automatiques, une certaine souplesse dans la forme (rime pauvre : \"Barbara/là\", rime suffisante : \"ruisselante/souriante)
-Structure anaphorique -> aspect de chanson avec un jeu de reprise et de variation (\"Rappelle-toi Barbara\"x6 + variantes : \"Rappelle-toi\" ou \"Rappelle-toi cela Barbara\")
-Des effets d'alitération en \"B\" (\"Barbara/Brest\") accentue la mélodie
-Simplicité de la langue avec des répétitions comme \"heureux\", \"pluie\" + syntaxe simplifiée (\"sous cette pluie de fer de feu d'acier de sang\", \"connerie\", \"crèvent comme des chiens\".
2) La simplicité du thème
-Histoire d'une rencontre amoureuse dans la rue, comme une chanson d'amour réaliste (cF. \"La Foule\" d'Edith Piaf).
ATTENTION ! LE POETE N'EST PAS L'AMANT DE BARBARA !
-Rencontre concrète dans un cadre précis (\"à BREST\", \"rue de Siam\") -> paysage familier, évocation du \"bateau d'Ouessant\"
-Noms propres ancrés dans la vie quotidienne des Bretons; cadre réaliste
-Situation d'énonciation : \"Je\", le poète narrateur s'adresse à \"Tu\". Interpellation à l'impératif : \"Rappelle-toi\", \"N'oublie pas\" -> adresse directe de la part du narrateur.
-BARBARA : étymologie ambigüe -> \"barbare\" = étranger en grec qui diffère du sentiment de complicité du narrateur envers la jeune fille innocente.
-\"Il\" désigne l'amoureux de Barbara, il n'a pas de nom car on anticipe sa mort.
3) Le thème de l'amour heureux
-Un poète narrateur témoin de 2 amoureux. Verbes au passé composé : \"il a crié\", \"tu as couru\", \"tu t'es jetée\" pour évoquer cette situation amoureuse.
-Champ lexical de la joie + un chiasme (\"épanouie ravie ruisselante\" : \"ruisselante ravie épanouie\") au rythme ternaire pour souligner les 3 adjectifs
-La \"puie ruisselante\" a un coté romantique. De plus, le mot \"heureux\" est martelé ce qui met en valeur l'enthousiasme et entraîne alors un registre lyrique.
TRANSITION : Ce poème aux aspects de chanson populaire chantant l'amour évoque aussi les ravages de la guerre.
II. UN CRI DE REVOLTE CONTRE LA GUERRE
-Une structure significative : Avant/Après le guerre, Bonheur/Malheur, Passé/Présent.
1) La guerre destructrice
-V.37 : interjection du poète \"Oh Barbara\" montre l'impuissance de ce dernier.
-V.38 : \"quelle connerie la guerre\" marque la rupture, le poète émet un jugement sans appel.
-Thème commun de la pluie dans les deux parties Souvenir et Guerre; Souvenir : \"pluie ruisselante\" -> signe de bonheur + Guerre : \"pluie de fer de feu d'acier de sang\" -> signe de désastre.
-Champ lexical de la destruction et de la guerre (\"mort\", \"disparu\", \"pluie de deuil\", \"pluie de feu...\"_le dernier mot \"rien\" résonne à la fin du poème.
-On a donc ici un registre pathétique, le lecteur est ému et éprouve de la pitié car la guerre détruit l'amour et la ville.
2) Une chanson pour se souvenir
-Une chanson avec des anaphores comme des douleurs qui reviennent (\"Rappelle-toi\", \"Souviens-toi\" -> lexique de la mémoire)
-La mort n'est pas supérieur à l'amour puisque justement le poète l'immortalise et fait revivre sa beauté par le biais de la simplicité. On est en mesure de se demander si la guerre a réellement eu un impact sur l'amour.
-Le poète est témoin d'une image dont il est le garant comme le photographe Robert DOISNEAU avec sa photo du \"Baiser de l'Hotel de Ville\" prise en 1950.
-Maintenant nous sommes aussi les témoins d'une image à garder en mémoire.
CONCLUSION : Une complicité est créée entre la poète narrateur et cette femme inconnue, comme s'il était lui-même l'homme qu'il évoque. Il chante le bonheur et dit aussi la douleur de la séparation grâce à un poème simple et direct qui traduit, au-delà du temps le lyrisme des sentiments partagés et les chagrins nés d'une situation que l'individu ne peut lui-même maîtriser. A travers ce poème, le pouvoir de la poésie est d'immortaliser par le jeu du souvenir et du regard, les images d'une ville et d'un couple sous la pluie avant les orages de la guerre. La guerre est un thème fréquent chez Jacques Prévert et c'est toujours pour la dénoncer comme dans \"Le temps des noyaux\", paru en 1946 dans son premier recueil nommé \"Paroles\".
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