Badinter, Discours à l'Assemblée nationale pour l'abolition de la peine de mort (extrait).
Publié le 14/04/2013
Extrait du document
«
expiatoire.
Et justice, pour les partisans de la peine de mort, ne serait pas faite si à la mort de la victime ne répondait pas, en écho, la mort du coupable.
[…].
Soyons clairs.
Cela signifie simplement que la loi du talion demeurerait, à travers les millénaires, la loi nécessaire, unique de la justice humaine […].
Du malheur et de la souffrance des victimes, j’ai, beaucoup plus que ceux qui s’en réclament, souvent mesuré dans ma vie l’étendue.
Que le crime soit le point derencontre, le lieu géométrique du malheur humain, je le sais mieux que personne.
Malheur de la victime elle-même et, au-delà, malheur de ses parents et de sesproches.
Malheur aussi des parents du criminel.
Malheur enfin, bien souvent, de l’assassin.
Oui, le crime est malheur, et il n’y a pas un homme, pas une femme decœur, de raison, de responsabilité, qui ne souhaite d’abord le combattre.
Mais ressentir, au profond de soi-même le malheur et la douleur des victimes, mais lutter de toutes les manières pour que la violence et le crime reculent dans notresociété, cette sensibilité et ce combat ne sauraient impliquer la nécessaire mise à mort du coupable […].
La vérité est que, au plus profond des motivations de l’attachement à la peine de mort, on trouve, inavouée le plus souvent, la tentation de l’élimination.
Cette justice d’élimination, cette justice d’angoisse et de mort, décidée avec sa marge de hasard, nous la refusons.
Nous la refusons parce qu’elle est pour nous l’anti-justice, parce qu’elle est la passion et la peur triomphant de la raison et de l’humanité.
Dans le même dessein de clarté, le projet n’offre aucune disposition concernant une quelconque peine de remplacement.
Pour des raisons morales d’abord : la peine de mort est un supplice, et l’on ne remplace pas un supplice par un autre.
Pour des raisons de politique et de clarté législatives aussi : par peine de remplacement, l’on vise communément une période de sûreté, c’est-à-dire un délai inscritdans la loi pendant lequel le condamné n’est pas susceptible de bénéficier d’une mesure de libération conditionnelle ou d’une quelconque suspension de sa peine.Une telle peine existe déjà dans notre droit et sa durée peut atteindre dix-huit années.
Demain, grâce à vous, la justice française ne sera plus une justice qui tue.
Demain, grâce à vous, il n’y aura plus, pour notre honte commune, d’exécutions furtives, àl’aube, sous le dais noir, dans les prisons françaises.
Demain, les pages sanglantes de notre justice seront tournées.
À cet instant plus qu’à aucun autre, j’ai le sentiment d’assumer mon ministère, au sens ancien, au sens noble, le plus noble qui soit, c’est-à-dire au sein de « service ».Demain, vous voterez l’abolition de la peine de mort.
Législateur français, de tout mon cœur, je vous en remercie.
Source : Journal Officiel, Débats parlementaires, Assemblée nationale, 18 septembre 1981.
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