Devoir de Philosophie

B. LES FAUX SAVOIRS ET LEURS DANGERS 1. INFÉRIORITÉ DE L'IMAGE [SOCRATE-CRATYLE] —

Publié le 22/10/2012

Extrait du document

socrate
B. LES FAUX SAVOIRS ET LEURS DANGERS 1. INFÉRIORITÉ DE L'IMAGE [SOCRATE-CRATYLE] — S. Ne sommes-nous pas convenus à plusieurs reprises que les noms, lorsqu'ils sont bien institués, ressemblent aux choses dont ils sont les noms, qu'ils sont les images des choses ? — C. Si. — S. Si donc on peut s'instruire au mieux des choses au moyen des noms, et si on le peut aussi au moyen des choses elles-mêmes, de ces deux façons de s'instruire, quelle est la meilleure et la plus claire ? est-ce de l'image qu'il faut partir pour apprendre d'elle si elle est une bonne image et du même coup s'instruire de la vérité de ce dont elle est l'image ? ou faut-il partir de la vérité pour l'apprendre elle-même et du même coup pour savoir si l'image en a été convenablement reproduite ? — C. Je suis d'avis qu'il faut partir de la vérité. — S. Savoir de quelle manière il faut apprendre ou trouver ce qui est, cela excède sans doute mes forces et les tiennes ; tenons-nous satisfaits d'être convenus que ce n'est pas des noms qu'il faut partir, mais que pour s'instruire et s'enquérir de ce qui est, il vaut bien mieux en partir que de partir des noms. Cratyle, 438ad-439ab 2. LE STATUT DE L'IMAGE : CE N'EST PAS UN DOUBLE [CRATYLE-SOCRATE] — C. Vois-tu, Socrate, lorsque l'art de lire et d'écrire nous permet d'attribuer aux noms leurs lettres : A, B, etc. si nous faisons une suppression, ou une addition ou un changement, il n'est même pas écrit du tout : il est autre, dès qu'il subit l'une de ces altérations. — S. J'ai peur, Cratyle, qu'en procédant ainsi nous ne conduisions pas bien notre examen. — C. Comment cela ? — S. Sans doute ce que tu viens de dire arriverait-il à toutes les choses dont l'existence ou la non-existence dépend nécessairement d'un nombre : du nombre 10, ou de tel autre que tu veux, addition ou soustraction font aussitôt un autre nombre. Mais quand il s'agit d'une qualité et de l'image en général, je crains que la justice ne consiste en autre chose et qu'il ne faille absolument pas rendre en tous points l'objet tel qu'il est pour en avoir une image. Examine si j'ai raison. Y aurait-il deux objets, tels que Cratyle et l'image de Cratyle dans le cas où un dieu reproduirait non seulement la couleur et la forme comme le font les peintres, mais au surplus tout ton intérieur tel qu'il est, allant jusqu'à en reproduire la souplesse et la chaleur, et s'il y mettait le mouvement, l'âme et la pensée tels qu'ils existent en toi, en un mot, s'il plaçait à côté de toi tout ce que tu possèdes, à la fois tel et autre : y aurait-il là un Cratyle et une image de Cratyle, ou bien deux Cratyles ? — C. Il me semble, Socrate, qu'il y aurait deux Cratyles. — S. Tu vois donc, mon ami, que pour l'image, il faut nous enquérir d'une autre justesse que pour les choses dont nous parlions, et qu'il n'est pas forcé qu'une image cesse d'être image si on en ôte ou si on y ajoute quelque chose. Te rends-tu compte de tout ce qui manque aux images pour être identiques à ce dont elles sont les images ? — C. Oui. — S. Ce serait assu- rément un traitement ridicule que les noms feraient subir aux choses dont ils sont les noms, s'ils leur ressemblaient absolument en tous points. Car tout serait double, et il serait impossible de dire où est la chose et où est le nom... Cratyle, 431e-432e 3. IMAGE ET SIMULACRE [L'ÉTRANGER-THÉÉTÈTE] — É. Selon la méthode de division précédemment adoptée, je crois pour ma part apercevoir dès maintenant deux espèces dans l'art d'imiter... en y voyant d'un côté l'art de l'image, tel qu'il se montre principalement quand on pousse la perfection de l'imitation jusqu'à observer les dimensions du modèle en longueur, largeur et profondeur et à donner à chacune de ses parties les couleurs qui leur reviennent. — T. Mais n'est-ce pas là ce qu'essaient de faire tous ceux qui imitent ? — É. Ce n'est pas le cas du moins de ceux qui peignent ou sculptent des oeuvres de grande dimension. Car s'ils donnaient aux belles choses leurs proportions véritables, tu n'ignores pas que les parties supérieures paraîtraient trop petites et les parties inférieures trop grandes du fait que nous voyons les unes de loin, les autres de près. — T. C'est exact. — É. N'est-il pas vrai que les artistes, n'ayant cure de la vérité, donnent à leurs figurations non pas les proportions qu'elles ont réellement, mais bien celles qui seront tenues pour belles ? — T. Si, bien sûr ! — É. Dès lors n'est-il pas légitime de parler d'image dans le premier cas, puisqu'il y a reproduction du modèle. — T. Si. — É. Et d'appeler, comme nous l'avons fait : art de l'image cette espèce de l'art de l'imitation ? — T. C'est bien ainsi qu'il faut l'appeler. — É. Mais alors ce qui doit sa ressemblance au beau au fait que
socrate

« 162 PLATON PAR LUI-MÊME 2.

LE STATUT DE L'IMAGE: CE N'EST PAS UN DOUBLE [CRA TYLE-SOCRA TE] - C.

Vois-tu, Socrate, lorsque l'art de lire et d'écrire nous permet d'attribuer aux noms leurs let­ tres : A, B, etc.

si nous faisons une suppression, ou une addition ou un changement, il n'est même pas écrit du tout : il est autre, dès qu'il subit l'une de ces altérations.

-S.

J'ai peur, Cratyle, qu'en procédant ainsi nous ne conduisions pas bien notre examen.

- C.

Comment cela? - S.

Sans doute ce que tu viens de dire arriverait-il à toutes les choses dont l'existence ou la non-existence dépend nécessairement d'un nombre : du nombre 10, ou de tel autre que tu veux, addition ou soustraction font aussitôt un autre nombre.

Mais quand il s'agit d'une qualité et de l'image en général, je crains que la justice ne consiste en autre chose et qu'il ne faille absolument pas rendre en tous points l'objet tel qu'il est pour en avoir une image.

Examine si j'ai raison.

Y aurait-il deux objets, tels que Cratyle et l'image de Cratyle dans le cas où un dieu reproduirait non seulement la couleur et la forme comme le font les peintres, mais au surplus tout ton intérieur tel qu'il est, allant jusqu'à en reproduire la souplesse et la chaleur, et s'il y mettait le mouve­ ment, l'âme et la pensée tels qu'ils existent en toi, en un mot, s'il plaçait à côté de toi tout ce que tu pos­ sèdes, à la fois tel et autre : y aurait-il là un Cratyle et une image de Cratyle, ou bien deux Cratyles ? - C.

Il me semble, Socrate, qu'il y aurait deux Cratyles.

-S.

Tu vois donc, mon ami, que pour l'image, il faut nous enquérir d'une autre justesse que pour les choses dont nous parlions, et qu'il n'est pas forcé qu'une image cesse d'être image si on en ôte ou si on y ajoute quelque chose.

Te rends-tu compte de tout ce qui manque aux images pour être identiques à ce dont elles sont les images?- C.

Oui.

- S.

Ce serait assu-. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles