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Axel KAHN Les enjeux éthiques de la génétique

Publié le 19/10/2016

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Axel KAHN

Les enjeux éthiques de la génétique

De tout temps, les sciences de la vie ont eu une résonance individuelle, sociale et parfois politique toute particulière. C'est que le monde vivant, auquel appartient l'homme, est traditionnellement considéré comme relevant du domaine divin. D'ailleurs, le vitalisme, un système de pensée excluant l'essence de la vie des processus physico-chimiques s'appliquant au monde inanimé, a persisté jusqu'au début de notre siècle, survivant donc pendant plusieurs centaines d'années à l'émergence de l'esprit scientifique en Europe au XVIIe siècle.

Au XIXe siècle, la théorie de l'évolution, qui s'applique à l'homme et le dépossède donc de son privilège de créature à l'image de Dieu, a constitué une onde de choc dont les effets se font encore sentir aujourd'hui. En effet, les grandes idéologies qui ont si cruellement marqué le XXe siècle, notamment l'eugénisme et le racisme, ont massivement emprunté à la science de l'évolution ce qui leur semblait de nature à conforter leurs préjugés.

La génétique, c'est-à-dire l'étude des lois gouvernant la transmission des caractères héréditaires, est une science encore plus récente puisque, issue des travaux de Gregor Mendel en 1865, elle n'est redécouverte, indépendamment de ceux-ci, qu'au début du XXe siècle. À dire vrai, la génétique a plus modifié l'énoncé des idéologies enracinées dans une conception pervertie de l'évolution qu'elle ne les a créées. Il n'empêche que cette science, appliquée à l'homme, se fixe pour objectif de déterminer l'origine des caractères humains, des similitudes et des différences, de leur transmission au travers du lignage. Toutes ces questions sont probablement de celles que se posent les communautés humaines depuis l'origine, si bien que, après le concept de l'évolution, la science génétique devait avoir sur l'histoire du XXe siècle plus de répercussions que toute autre science. Le gène est en effet rapidement devenu l'élément de base matérialisé des vieilles conceptions déterministes et des projets eugénistes et racistes. Depuis la nuit des temps, les hommes considèrent que le destin est écrit. Avec la génétique, n'a-t-on pas reconnu qu'il l'était dans le langage des gènes ? L'eugénisme, c'est-à-dire la mise en œuvre de politiques volontaires d'amélioration des sociétés humaines, a dès lors été entendu comme l'ensemble des activités visant à limiter la diffusion des mauvais gènes dans la population. Les races, considérées antérieurement comme inférieures car à un niveau moindre de l'évolution humaine, se sont vues définies par leur faible qualité génétique. Chacun se rappelle les horreurs commises au nom de l'eugénisme et du racisme, au nom des gènes ! Après guerre, l'effroi des sociétés démocratiques à la découverte de l'étendue des dégâts provoqués par ces idéologies devait largement libérer les sciences biologiques, notamment la génétique, de leur gangue idéologique.

La théorie de l'évolution permet de prévoir que les mécanismes gouvernant tous les organismes vivants sont de même nature, puisque tous les êtres dérivent d'une même forme de vie originelle. C'est ce que confirme l'universalité du code génétique, c'est-à-dire des règles permettant d'expliquer les propriétés biologiques des cellules vivantes à partir de l'enchaînement des lettres qui constituent leur matériel génétique. À partir de 1973, la réunion des outils du génie génétique aboutit à une confirmation supplémentaire des déductions tirées de la théorie de l'évolution. Tout gène, appartenant à quelque être vivant que ce soit, peut fonctionner lorsqu'il est transféré dans un autre organisme vivant. Cela signifie qu'il est possible d'asservir génétiquement n'importe quel être à l'expression du programme génétique d'un autre être vivant, simplement par transfert de gènes. C'est alors l'explosion des progrès de la biologie durant les vingt-cinq dernières années de notre siècle, qui trouvent une illustration éloquente dans les programmes génomes.

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