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Aucune espèce d'Etat ne peut assurer le bonheur de qui que ce soit. Malraux

Publié le 05/12/2010

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malraux

Tout Etat est incapable de garantir de façon certaine et durable à lui seul le bonheur de chaque individu. Le bonheur = accomplissement des aspirations profondes de l’Homme, ce qui renvoie au principe d’humanité.

Définition comme hypothèse de base, mais la notion de bonheur est intrinsèquement relative et évolutive. (cf : étymologie)

Quelles sont les conditions qui permettent à l’Homme de tendre vers ses aspirations profondes à défaut de les réaliser pleinement ?

La déclaration américaine d’indépendance du 4/7/1776 énonce que la poursuite du bonheur fait partie comme la vie et la liberté, des droits inaliénables des êtres humains. L’expression de Malraux renvoie à la notion de bonheur individuel mais s’inscrit dans la logique du bien collectif.

DUDH, article 29 al 1 : l’individu a des devoirs envers la communauté dans laquelle seule le libre et plein développement de sa personnalité est possible. L’être humain est fondamentalement un être social. D’ailleurs, la notion même de bonheur est donnée par la communauté. La DUDH exprime un idéal commun à atteindre par tous les peuples : le bonheur. Elle en donne les moyens : un ensemble de droits individuels noués dans le dernier paragraphe par les notions de communauté et de bien-commun.

Le politique renvoie à l’organisation de la vie sociale en séparant clairement la vie publique et la vie privée. Cette césure est une condition nécessaire au bon fonctionnement de l’Etat. Le privé est par définition ce qui n’est pas commun à tous, et donc ne relève pas de la sphère étatique.

L’Etat est chargé de la dimension publique ; le bonheur a une dimension essentiellement privée ; pourtant il ne se conçoit pas sans la dimension publique. L’Homme ne peut développer hors de la société les outils fondamentaux du bonheur (un attribut : le langage). Comment articuler ces deux domaines (public et privé) en vue d’assurer le bonheur des citoyens ?

L’expression de Malraux est radicale et négative ; mais l’Etat a quelque chose à voir avec le bonheur des individus ; quelle part lui revient dans celui-ci (selon les idéologies) ?

I] Le bonheur grâce à l’Etat.

A] Quand l’Etat contemporain se donne pour mission d’assurer le bonheur.

Précurseurs : Article 1 de la constitution de 1793 : le but de la société est le bonheur commun.

Et St-Just : "le bonheur est une idée neuve en Europe".

L’intervention dans le domaine social induit que l’Etat se préoccupe au moins de la dimension matérielle du bonheur, sinon du bonheur dans toute son amplitude.

Socialisation des risques, développement d’une société assurantielle et Etat providence sont les 3 aspects d’une évolution historique propre aux sociétés démocratiques modernes. Selon F. Ewald, par le biais d’institutions comme les assurances sociales, l’Etat va gérer la vie de la population en tant que telle, afin de mieux la préserver contre elle-même et de lui permettre la réalisation des potentialités qu’elle recèle. (définition du bonheur)

Le "Welfare-State" = l’Etat du bien-être, considéré comme un progrès. Ce sont les systèmes néo-libéraux keynésiens, socio-démocrates et socialistes.

C’est le rôle interventionniste, volontariste, de l’Etat dirigiste qui construit la Société idéale, devant permettre à tous d’atteindre théoriquement le "bonheur". L’ Etat providence veut construire une Société connaissant pour tous l’amélioration des modes de vie et l’augmentation des niveaux, matériel et culturel, de vie.

Exemple : un ministère de la culture, la couverture maladie universelle.

Transition : remise en cause de ce modèle et refondation des relations entre individu et Etat, entre sphère publique et privée.

B] Etat et les conditions du bonheur.

Quelle est vraiment la raison d’être d’un Etat ? C’est organiser la vie en société dans un but de stabilité et pour assurer la survie du groupe. La vocation de l’Etat est donc seulement de poser les bases minimales qui conditionnent l’accès au bonheur et de ne pas imposer un bonheur conforme.

Le politique offre à l’Homme un lieu de reconnaissance en le sortant du domaine privé économique, à laquelle ne se réduit pas l’Homme qui possède une dimension collective. Selon H. Arendt, c’est le trait spécifiquement humain.

La notion de bien commun intègre l’idée selon laquelle il n’y a pas de bonheur individuel durable sans une stabilité de relations franches entre les individus, sans cohésion du groupe. Celui fait donc prévaloir la confiance, contre la ruse, la fraude, la triche et doit donc réprimer les atteintes à celle-ci. Pour promouvoir le bonheur de chacun, il faut lutter contre de telles aspirations négatives, incompatibles avec le bonheur, qui se retourneraient contre la société et les individus. Donc rôle de l’Etat.

Mais la répression ne doit pas porter atteinte aux principes humanistes (Etat totalitaire), c’est à dire porter des atteintes graves aux droits des personnes et donc au bien-commun. Le pouvoir n’est légitime que lorsqu’il permet de trouver un équilibre entre ce que le groupe peut imposer aux individus et ce qu’il ne peut pas. La légitimité de l’action de l’Etat se fonde donc sur la compatibilité entre le bien des individus et celui du groupe.

Comment l’Etat aujourd’hui manifeste sa mission d’assurer les conditions du bonheur : par exemple en France :

L’Etat travaille à rétablir une sécurité dans la vie quotidienne mais ne s’immisce pas dans la vie amoureuse ou familiale.

L’Etat pose les conditions de réalisation de l’égalité et garantit celle-ci à de multiples niveaux, mais laisse chacun libre de ses croyances, opinions, pensées… permettant l’épanouissement personnel, et le choix de son bonheur = fonction de régulation.

II] L’Etat contre le bonheur.

A] L’échec des idéologies ayant la prétention d’assurer le bonheur de chacun et de la collectivité. 

S’inscrit dans le contexte existant lors de l’affirmation de Malraux, alors que les régimes totalitaires et communistes sont remis en cause, et qu’il y a une prise de conscience de leurs contenus réels et de leurs méfaits. Est-ce à l’Etat ou aux individus de déterminer ce qui peut rendre heureux ? Un Etat qui n’aurait comme souci que le bonheur des individus serait le pire des Etats possibles, le moins légitime car il ne reconnaîtrait pas aux individus la liberté de choisir le moyen d’être heureux. Il faut être libre pour être heureux ; et il n’y a que l’Etat qui puisse garantir la liberté nécessaire ; et faire coexister entre elles les libertés des différents individus. C’est une condition essentielle à la recherche personnelle du bonheur.

Visée de l’Etat en principe = la survie du groupe dans le respect du bonheur de chacun. L’intérêt général, quand il n’est pas connecté avec la recherche du bien de chaque individu peut conduire à des actions contraires aux aspirations de certains individus.

Beaucoup d’Etats ont imposé leur idée du bonheur en niant par là-même les libertés individuelles. Le totalitarisme est caractérisé par la recherche de l’unanimité dans tous les domaines, une pensée unique. Il existe une définition idéale du groupe et l’élimination des dissidents se justifie au nom de la survie et de la cohésion, et du bien-commun de celui-ci. (aspect pervers du totalitarisme : imposer au nom du bonheur).

Exemple : communisme, fascisme. Echec des expériences communautaires.

Transition : la démocratie prétend être le régime idéal mais ne prétend pas assurer le bonheur… peut-être parce qu’elle prend conscience de cette impossibilité.

B] L’impossibilité pour toute espèce d’Etat d’assurer le bonheur de sa population.

Retournement de balancier entre la sphère publique et privée : vers un repli sur la sphère privée. Individualisme = le bonheur est de plus en plus envisagé comme l’affaire de chacun, dans laquelle l’Etat n’a aucun rôle à jouer.

Société tournée vers l’ économie : utilitarisme et libéralisme. Doctrine : c’est en recherchant son intérêt propre que chacun contribue le mieux à l’intérêt et au bonheur collectif. Moins l’Etat s’introduit dans ce processus ; plus les individus et en conséquence la collectivité sont susceptibles d’être heureux. Les fruits de l’économie est aujourd’hui pour une majorité des gens une condition nécessaire du bonheur et parfois même le bonheur lui-même.

Exemple en forme de conclusion : une libéralisation accrue des flux économiques et la volonté d’un recul progressif de l’intervention étatique dans les domaines financiers et commerciaux = mondialisation. Devrait si l’on adhère aux théories de l’économie classique rendre le monde parfaitement heureux (fin de l’histoire) MAIS : actualité mondiale par exemple le forum social de Porto-Alegre démontre le contraire ; il existe une revendication d’un interventionnisme étatique considéré comme plus à même de contribuer au bonheur que le libre-jeu du marché, même s’il ne l’assure pas complètement.

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