Aube de Rimbaud
Publié le 27/02/2008
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AUBE J'ai embrassé l'aube d'été. Rien ne bougeait encore au front des palais. L'eau était morte. Les camps d'ombre ne quittaient pas la route du bois. J'ai marché, réveillant les haleines vives et tièdes, et les pierreries regardèrent, et les ailes se levèrent sans bruit. La première entreprise fut, dans le sentier déjà empli de frais et blêmes éclats, une fleur qui me dit son nom. Je ris au wasserfall blond qui s'échevela à travers les sapins : à la cime argentée je reconnus la déesse. Alors je levai un à un les voiles. Dans l'allée, en agitant les bras. Par la plaine, où je l'ai dénoncée au coq. A la grand'ville elle fuyait parmi les clochers et les dômes, et courant comme un mendiant sur les quais de marbre, je la chassais. En haut de la route, près d'un bois de lauriers, je l'ai entourée avec ses voiles amassés, et j'ai senti un peu son immense corps. L'aube et l'enfant tombèrent au bas du bois. Au réveil il était midi. Indices biographiques : Illuminations est un recueil de poèmes en prose écrits entre 1873 et 1875 par Arthur Rimbaud. =>Rimbaud est un poète français né en 1854 à Charleville. =>Elève brillant, remportait de nombreux prix lors de concours. => A écrit la majorité de ses poèmes entre 16 et 19 ans. => Il eut une longue relation avec Paul Verlaine. => Puis s’engagea dans l’armée, fit du trafic d’armes en Afrique. => Ses poèmes les plus connus sont sans doute « Le bateau ivre » et « le dormeur du val ». => Les illuminations ont été écrites pendant des voyages de Rimbaud avec Verlaine en Allemagne, Belgique, Angleterre. => Publiées pour la première fois dans La Vogue en 1886 par Verlaine, sans que Rimbaud soit au courant. => Composé de 43 poèmes ainsi que des fragments sans titres. => Les poèmes n’ont pas forcément de lien entre eux. Etude d’Aube : Aube est un poème en prose composé de 7 paragraphes. Le premier et le dernier sont en réalité deux octosyllabes qui ouvrent et ferment le poème. Dans ce poème le narrateur marche dans un bois au lever du soleil, éveillant la nature après la nuit, chassant et pourchassant l’aube. Ce texte peut être lu comme le récit d’un enfant réveillant la nature à l’aube, ainsi que comme une quête amoureuse ou encore le récit d’un rêve. Etude du poème : 1) Le poète éveillant la nature. Avant le passage du poète : => La nature est morte : chp.lex. de l’inertie, de la mort : « rien ne bougeait », « morts », « ombres ». Ce chp.lex. est ici utilisé par R. pour montrer à quel point la nature est immobile, sans vie. => Les ombres de la nuit son ici assimilées à l’inertie, par extension à la mort, de plus les phrases sont négatives « rien ne bougeait » , « ne quittait pas ». Le poète insiste ainsi encore sur l’immobilité, l’absence de vie. Mais R. écrit « j’ai marché ». Ce passé composé montre une action brève. Elle n’en est pas moins efficace, elle stoppe l’inertie, rejette la mort, et donne l’impulsion à la nature qui s’active à son tour, ce qui est traduit par : - Le chp.lex. de la vie qui remplace celui de la mort « réveillant », « vives », « haleines », « tièdes ». => R. montre ainsi le chgmt d’état de la nature qui passe de morte à vivante. -L’oxymore « frais et blêmes éclats » qui oppose le chp.lex. de la mort et du froid « frais » « blêmes » à celui du feu « éclats » qui représente la vie. =>R. montre que la nature n’est pas encore totalement éveillée. - L’expression « sans bruit » est utilisée, ce qui montre que ce réveil est calme, silencieux. Ccl : avant le passage du poète à travers la forêt, la nature est donc morte, puis s’éveille peu à peu silencieusement. II) Quête amoureuse. Tout en étant un texte narratif narrant l’éveil de la nature, Aube peut être lu comme le récit d’une quête amoureuse. Rimbaud poursuivant une femme, personnifiée par l’aube. - Personnification : « son immense corps » « déesse » => Le poète ne cours plus après l’aube mais après une femme. - « la première entreprise fut une fleur qui me dit son nom » fleur = jeune fille. Et si elle lui dit son nom c’est qu’il a réussit à la connaître un peu mieux ( à la déflorer ? xD) - « Le wasserfall blond » est une personnification de la chute d’eau en femme à la chevelure blonde qui s’échevelle. - « Je levai un à un les voiles » = métaphore. R. déshabille en réalité la déesse, la femme. - « Je la chassai » = La femme est son gibier - « Je courais comme un mendiant » antithétique, un mendiant ne court pas, mais attend. C’est donc qu’il est à sa poursuite pour mendier sa présence. - « En haut de la route, près d’un bois de laurier, je l’ai entourée » a une forte symbolique laurier = victoire haut de la route = dur à gravir. => Il l’a attrapée, c’est une victoire mais elle a été difficile à obtenir. III) Récit de rêve à l’intérieur du poème le rêve est remarquable par l’utilisation d’oxymore tels que le mendiant qui court sur des quais de marbre => Pas réaliste, un mendiant ne court pas, encore moins sur des quais de marbre, c’est un rêve. - Personnifications de fleurs, cascades etc. ne sont pas possibles => rêve. - les différents lieux défilent à grande vitesse : « dans l’allée, en agitant les bras, par la plaine, où je l’ai dénoncée au coq, à la grand’ville elle fuyait » - la dernière strophe « au réveil il était midi » coupe avec toutes les autres puisque c’est un octosyllabes contrairement à la prose du reste du poème, et par l’utilisation du pp. « je » => brusque retour à la réalité. - Il est midi, moment le plus ensoleillé de la journée, le moins propice au sommeil. Ccl : ce txt peut donc être lu comme un récit de rêve, qui cesse brusquement au réveil du rêveur. Ccl générale : Ce poème est un txt narrant l’éveil de la nature, la poursuite d’une femme par le poète, ou tout simplement un rêve. Elargissement : Charles BAUDELAIRE (1821-1867) L'invitation au voyage Mon enfant, ma soeur, Songe à la douceur D'aller là-bas vivre ensemble ! Aimer à loisir, Aimer et mourir Au pays qui te ressemble ! Les soleils mouillés De ces ciels brouillés Pour mon esprit ont les charmes Si mystérieux De tes traîtres yeux, Brillant à travers leurs larmes. Là, tout n'est qu'ordre et beauté, Luxe, calme et volupté. Des meubles luisants, Polis par les ans, Décoreraient notre chambre ; Les plus rares fleurs Mêlant leurs odeurs Aux vagues senteurs de l'ambre, Les riches plafonds, Les miroirs profonds, La splendeur orientale, Tout y parlerait À l'âme en secret Sa douce langue natale. Là, tout n'est qu'ordre et beauté, Luxe, calme et volupté. Vois sur ces canaux Dormir ces vaisseaux Dont l'humeur est vagabonde ; C'est pour assouvir Ton moindre désir Qu'ils viennent du bout du monde. - Les soleils couchants Revêtent les champs, Les canaux, la ville entière, D'hyacinthe et d'or ; Le monde s'endort Dans une chaude lumière. Là, tout n'est qu'ordre et beauté, Luxe, calme et volupté.
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