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Article de presse: Un affrontement désastreux

Publié le 22/02/2012

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10 mai 1940 -   L'intérêt des français était d'attendre l'ennemi, de pied ferme, sur le sol français, protégés par les fortifications. C'était d'ailleurs ce qui avait été décidé en principe avec les anglais. Or le 10 mai, les meilleurs troupes de l'armée française, les plus mobiles, entrent en Belgique pour se porter au secours de l'armée belge : décision illogique si on pense que le général Gamelin ne redoutait rien tant qu'une bataille de rencontre : décision dont les raisons étaient diplomatiques et psychologiques, au moins autant que militaires. Les dirigeants alliés avaient estimé que, après l'Autriche, la Tchécoslovaquie, la Pologne, la Finlande, il était impossible de laisser écraser la Belgique et la Hollande. Porter la guerre en territoire étranger permettait aussi de préserver le nord de la France, avec ses industries, de destructions immédiates.    La manoeuvre, appelée Dyle, avait d'ailleurs été limitée dans son ampleur et très soigneusement minutée : elle n'en était pas moins risquée. Le général Gamelin lui en avait ajouté une autre, plus hasardeuse, pour aider cette fois la Hollande, pour menacer peut-être la Ruhr, si tout allait bien c'est la " variante Breda " cette fois, les exécutants avaient élevé des objections : il y avait des fortes chances, en raison des distances, pour que l'ennemi parvînt le premier sur les objectifs fixés. Mais le général Gamelin avait tenu bon et , pour constituer la VIIe armée qui progresserait jusqu'à la Zélande, " il avait puisé dans les réserves ".    Le général Gamelin, comme l'ensemble des chefs militaires français, ne doutait pas une seconde que l'armée allemande lancerait son offensive à travers la pleine belge c'est là qu'il l'attendait, depuis toujours. La liaison avec les Belges s'étant faite tant bien que mal, bien qu'insuffisamment préparée, et les troupes françaises tenant tête honorablement aux unités allemandes, le généralissime franco-anglais ne dissimulait pas sa satisfaction. En réalité, il ignorait tout des plans allemands. Petit à petit, mais lentement, l'évidence se fit jour le gros des forces allemandes ne se trouvait pas en Belgique, mais plus au sud, là où personne ne les attendait, dans les Ardennes. Le 15 mai, le général Georges donne aux troupes françaises en Belgique l'ordre de repli cinq jours seulement se sont écoulés mais ces cinq jours ont été décisifs.    Le plan allemand prévoyait en effet, de porter l'effort principal des blindés à l'extrémité nord-ouest de la ligne Maginot, à la charnière entre les blockhaus de la ligne et les troupes mobiles alliées là se situait le point faible du dispositif français. Bien sûr, le massif boisé des Ardennes était un obstacle impressionnant, mais si le corps de bataille blindé et motorisé le franchissait, si l'effet de surprise était obtenu, alors s'ouvrirait soit la route de Paris, soit celle de Manche, la seconde permettant, par un vaste coup de faucille vers l'ouest, de prendre dans la masse les meilleures forces franco-britanniques.    Or la réussite fut totale. Dès le 12 mai, alors que son horaire de marche prévoyait le 14, Guderian vient border la Meuse à Sedan le 13 mai, le fleuve est franchi le 14 mai, Guderian oblique vers l'ouest la rapidité de sa progression est telle qu'elle effraie ses supérieurs et qu'ils essaient, en vain de le freiner le 19 Guderian est à Péronne le 20, il a enlevé Amiens, il fonce vers Abbeville et parvient sur la Manche.    Ce succès prodigieux s'explique certes par la minutie de la préparation allemande et par la valeur des chefs qui la dirigent, comme par la combativité des troupes qui l'exécutent. Il n'aurait pas été cependant possible, ou du moins pas si aisé, sans une véritable cécité volontaire de Gamelin et de Georges.    Les chefs français étaient obnubilés par deux hypothèses qui étaient devenues pour eux des vérités, à savoir que la principale attaque ennemie ne pourrait pas avoir lieu ailleurs qu'en Belgique, et que le massif des Ardennes était infranchissable pour les blindés le maréchal Pétain avait décrété que, si l'ennemi s'y aventurait pour son malheur, " on le repincerait à la sortie " le général Georges pensait que la traversée des massifs forestiers exigerait, de toute façon, assez de temps pour qu'il puisse préparer la défense et la riposte.    Désormais, la bataille est perdue pour les Français la seule question qui se pose est de savoir combien de temps ils résisteront et quels dommages il pourront infliger à l'ennemi mais ils ne trouveront jamais ni la riposte efficace ni une ligne sur laquelle stabiliser le front. Une coalition qui n'a jamais existé    Les succès ne sont pas forcément favorables aux coalitions, mais les revers leur sont toujours fatals. Sur le papier, l'addition des forces hollandaises, belges, anglaises et françaises donnait la supériorité au camp allié en fait, la coalition s'est défaite avant même d'avoir été réalisée les périls et les égoïsmes nationaux l'ont emporté sur l'intérêt commun.    Ainsi, avec les Hollandais, aucune action concertée ne fut engagée, aucune jonction n'eut véritablement lieu. Après une journée de combat, l'armée hollandaise s'est repliée vers le nord-ouest, vers la " forteresse Hollande " au quatrième jour, le général Winkelman arrêta la lutte. Cette décision était certes inévitable, mais elle avait été prise à l'échelon national, sans concertation avec des alliés imposés et improvisés plus que souhaités.    Avec l'armée Belge, la liaison avait fini par se faire mais le général Billotte n'a jamais eu l'autorité nécessaire pour commander le généralissime belge, le roi Léopold. Celui-ci a refusé, contrairement à l'avis de ses ministres, que l'armée belge passe, s'il le faut, en France pour continuer le combat commun il a refusé d'abandonner le territoire national. Après dix jours de combat, il a estimé que ses troupes n'étaient plus en état de combattre et il n'a pas exécuté, de son propre chef, une partie de la manoeuvre décidée pourtant, la veille, avec le nouveau généralissime français, le général Weygand puis, six jours après, le 27 mai, le roi décide de capituler et il envoie un plénipotentiaire à l'ennemi sans prendre l'avis de ses alliés.    Les choses avaient été à peine différentes avec les Anglais. Ils avaient pris soin de préserver, dès le commencement, la possibilité de se dégager, puisque le commandant de leur corps expéditionnaire pouvait en appeler à son gouvernement des décisions françaises. Lord Gort ne tarda pas à en user dès le 20 mai, il avait perdu toute confiance dans l'issue des combats le 22 mai, il n'exécuta pas une manoeuvre mise au point pourtant avec le général Weygand il éloigna " vers le Nord " les deux divisions qui devaient attaquer vers le sud pour rompre l'encerclement il rendit ainsi inévitable l'embarquement du corps expéditionnaire britannique.    Si les combats que les Français ont livrés n'ont duré que quarante-cinq jours, ils n'en ont pas moins été meurtriers, puisque le nombre des morts a été de plus de cent mille hommes, et le nombre de blessés de deux cent mille. Les aviateurs, surtout, se sont bien battus ils ont eu presque 50 % de pertes mais ils ont descendu plus d'avions ennemis qu'ils n'en ont perdu. Il reste que la plupart des soldats ont été mal à l'aise dans le baptême du feu et terrorisés par les attaques des avions en piqué. Il reste aussi, comme Guderian l'avait dit à Hitler après la campagne de Pologne, que les blindés sont économes de vies humaines bien que plus exposées, puisque constamment en situation offensive, les troupes allemandes n'avaient perdu que vingt-sept mille hommes, une grande victoire à bon marché.    Mais, incontestablement, l'armée française a été constamment dépassée par les événements elle était mal préparée à la guerre des machines et du mouvement. Partout, le commandement a pris des décisions qui s'imposaient avec une lenteur telle qu'elles étaient périmées au moment d'être appliquées ainsi, le 10 mai, la plupart des unités ne s'étaient mises en marche qu'après plusieurs heures d'attente, si bien que les Allemands étaient déjà au Luxembourg et que, notamment, le flanc gauche de Guderian, très exposé, était protégé. C'est seulement le 14 mai au soir que le général Georges décide de faire appel à des unités du 2e groupe d'armées dont il a compris qu'elles étaient inutiles derrière la ligne Maginot : le résultat est qu'elles cheminent moins vite que les panzers ennemis elles arrivent dans la bataille en ordre dispersé, et trop tardivement. C'est seulement le 15 mai que le même général Georges ordonne le repli aux troupes aventurées en Belgique elles sont déjà en passe d'être tournées. Le 19 mai, le général Gamelin mesure lucidement la gravité de la situation et préconise les mesures propres à y remédier mais il n'intervient pas dans la bataille, tout en déclarant que c'est une " question d'heures " , si bien que le général Weygand, qui adopte dans ses grandes lignes le plan de son prédécesseur, ne peut le mettre en oeuvre que le 25, trop tard.    Avec la vitesse, l'autre règle de la guerre moderne, que les Allemands ont su appliquer, à savoir que les blindés, engagés en masse, peuvent forcer le succès, les Français ne l'appliquent pas leurs divisions cuirassées sont engagées séparément et, comme il leur manque toujours quelque chose, leur engagement est défectueux. La première division manquait d'éléments de reconnaissance et d'infanterie, elle arrive trop tardivement sur son objectif après une panne d'essence, et elle doit retraiter : la troisième, qui est incomplète et qui manque d'entraînement et de radio, est " placée en position défensive ", au lieu d'être lancée à l'attaque, par le général de corps d'armée auquel elle est rattachée : seule la quatrième, du colonel de Gaulle, a attaqué le corps de Guderian avec quelque succès initial, mais faute d'infanterie et d'artillerie, elle s'est retirée.    Il est certain que, de ce fait, des occasions ont été manquées : si elles avaient été saisies, elles n'auraient probablement pas suffi pour retourner la situation, mais elles auraient retardé l'adversaire et permis de gagner un temps précieux c'est ce qui s'est passé, par exemple, lorsque l'ardent Guderian avait étiré ses trois panzers sur plus de 100 kilomètres et qu'un vide s'était créé entre les blindés et l'infanterie, qui n'avait pas suivi or il ne fut attaqué dans cette périlleuse situation qu'à deux reprises par la 4e division cuirassée du colonel de Gaulle pas plus là qu'ailleurs le commandement français n'avait pu concentrer assez de forces pour stopper un adversaire porté par le succès. HENRI MICHEL Le Monde du 10 mai 1980

« avec des alliés imposés et improvisés plus que souhaités. Avec l'armée Belge, la liaison avait fini par se faire mais le général Billotte n'a jamais eu l'autorité nécessaire pour commander legénéralissime belge, le roi Léopold.

Celui-ci a refusé, contrairement à l'avis de ses ministres, que l'armée belge passe, s'il le faut,en France pour continuer le combat commun il a refusé d'abandonner le territoire national.

Après dix jours de combat, il a estiméque ses troupes n'étaient plus en état de combattre et il n'a pas exécuté, de son propre chef, une partie de la manoeuvre décidéepourtant, la veille, avec le nouveau généralissime français, le général Weygand puis, six jours après, le 27 mai, le roi décide decapituler et il envoie un plénipotentiaire à l'ennemi sans prendre l'avis de ses alliés. Les choses avaient été à peine différentes avec les Anglais.

Ils avaient pris soin de préserver, dès le commencement, lapossibilité de se dégager, puisque le commandant de leur corps expéditionnaire pouvait en appeler à son gouvernement desdécisions françaises.

Lord Gort ne tarda pas à en user dès le 20 mai, il avait perdu toute confiance dans l'issue des combats le22 mai, il n'exécuta pas une manoeuvre mise au point pourtant avec le général Weygand il éloigna " vers le Nord " les deuxdivisions qui devaient attaquer vers le sud pour rompre l'encerclement il rendit ainsi inévitable l'embarquement du corpsexpéditionnaire britannique. Si les combats que les Français ont livrés n'ont duré que quarante-cinq jours, ils n'en ont pas moins été meurtriers, puisque lenombre des morts a été de plus de cent mille hommes, et le nombre de blessés de deux cent mille.

Les aviateurs, surtout, se sontbien battus ils ont eu presque 50 % de pertes mais ils ont descendu plus d'avions ennemis qu'ils n'en ont perdu.

Il reste que laplupart des soldats ont été mal à l'aise dans le baptême du feu et terrorisés par les attaques des avions en piqué.

Il reste aussi,comme Guderian l'avait dit à Hitler après la campagne de Pologne, que les blindés sont économes de vies humaines bien queplus exposées, puisque constamment en situation offensive, les troupes allemandes n'avaient perdu que vingt-sept mille hommes,une grande victoire à bon marché. Mais, incontestablement, l'armée française a été constamment dépassée par les événements elle était mal préparée à la guerredes machines et du mouvement.

Partout, le commandement a pris des décisions qui s'imposaient avec une lenteur telle qu'ellesétaient périmées au moment d'être appliquées ainsi, le 10 mai, la plupart des unités ne s'étaient mises en marche qu'aprèsplusieurs heures d'attente, si bien que les Allemands étaient déjà au Luxembourg et que, notamment, le flanc gauche de Guderian,très exposé, était protégé.

C'est seulement le 14 mai au soir que le général Georges décide de faire appel à des unités du 2 e groupe d'armées dont il a compris qu'elles étaient inutiles derrière la ligne Maginot : le résultat est qu'elles cheminent moins viteque les panzers ennemis elles arrivent dans la bataille en ordre dispersé, et trop tardivement.

C'est seulement le 15 mai que lemême général Georges ordonne le repli aux troupes aventurées en Belgique elles sont déjà en passe d'être tournées.

Le 19 mai,le général Gamelin mesure lucidement la gravité de la situation et préconise les mesures propres à y remédier mais il n'intervientpas dans la bataille, tout en déclarant que c'est une " question d'heures " , si bien que le général Weygand, qui adopte dans sesgrandes lignes le plan de son prédécesseur, ne peut le mettre en oeuvre que le 25, trop tard. Avec la vitesse, l'autre règle de la guerre moderne, que les Allemands ont su appliquer, à savoir que les blindés, engagés enmasse, peuvent forcer le succès, les Français ne l'appliquent pas leurs divisions cuirassées sont engagées séparément et, commeil leur manque toujours quelque chose, leur engagement est défectueux.

La première division manquait d'éléments dereconnaissance et d'infanterie, elle arrive trop tardivement sur son objectif après une panne d'essence, et elle doit retraiter : latroisième, qui est incomplète et qui manque d'entraînement et de radio, est " placée en position défensive ", au lieu d'être lancée àl'attaque, par le général de corps d'armée auquel elle est rattachée : seule la quatrième, du colonel de Gaulle, a attaqué le corpsde Guderian avec quelque succès initial, mais faute d'infanterie et d'artillerie, elle s'est retirée. Il est certain que, de ce fait, des occasions ont été manquées : si elles avaient été saisies, elles n'auraient probablement pas suffipour retourner la situation, mais elles auraient retardé l'adversaire et permis de gagner un temps précieux c'est ce qui s'est passé,par exemple, lorsque l'ardent Guderian avait étiré ses trois panzers sur plus de 100 kilomètres et qu'un vide s'était créé entre lesblindés et l'infanterie, qui n'avait pas suivi or il ne fut attaqué dans cette périlleuse situation qu'à deux reprises par la 4 e division cuirassée du colonel de Gaulle pas plus là qu'ailleurs le commandement français n'avait pu concentrer assez de forces pourstopper un adversaire porté par le succès. HENRI MICHEL Le Monde du 10 mai 1980. »

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