Article de presse: Sommet du Louvre: stabiliser le dollar
Publié le 22/02/2012
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22 février 1987 - Il y a dix-sept mois, jour pour jour, les ministres des finances des cinq pays les plus industrialisés du monde, réunis à l'hôtel Plaza à New-York, annonçaient, dans un communiqué-surprise, qu'ils s'étaient mis d'accord pour faire baisser le dollar. Ce fut un beau succès : le billet vert, au terme de ces dix-sept mois, a fléchi de 40 % à l'égard du mark et du yen et de plus de 30 % par rapport au franc.
Dimanche 22 février 1987, ces mêmes ministres ont entrepris de stopper ce processus, devenu dangereux, assurant qu'il avait " conduit leurs monnaies dans des bandes de fluctuations globalement compatibles avec les données économiques fondamentales ".
Craignant que de " nouvelles variations substantielles de monnaies puissent compromettre la croissance et les perspectives d'ajustements de leurs pays ", ils sont " convenus de coopérer étroitement pour promouvoir la stabilité des taux de change autour des niveaux actuels " ( 1,80 DM, 150 yens et 6 francs environ).
L'événement est d'importance, autant, en théorie, que l'accord du Plaza, et tout aussi significatif. Le parallélisme est flagrant. Le 22 septembre 1985, tout le monde était d'accord pour estimer que le dollar était trop haut cette fois-ci, il menace d'être trop bas : c'est tout à fait symétrique.
Il y a dix-sept mois, le président Reagan avait cessé ses déclarations fracassantes sur " le dollar fort reflète une Amérique forte ".
Maintenant, les officiels de la Maison Blanche, James Baker, secrétaire du Trésor, en tête, acceptent désormais de déclarer que le dollar a assez baissé par rapport au mark. Pour le yen, c'était déjà chose faite. C'est là une très importante concession, car la réduction du déficit commercial des Etats-Unis, que doit provoquer la baisse du dollar, n'est pas acquise, loin de là, et le Congrès, protectionniste à tout crin, se montre tout à fait impatient.
Enfin, il ne faut pas douter que des moyens considérables seront mis en jeu pour maintenir les parités actuelles dans des " bandes de fluctuations " volontairement non précisées, comme en septembre 1985.
Toutes les banques centrales interviendront, y compris la Banque de France, pour acheter massivement du dollar s'il le faut.
Dans ces conditions, il est légitime, comme l'a fait Nigel Lauwson, le ministre des finances britanniques, de qualifier l'accord de Paris de " Plaza bis ".
Une autre dimension s'y ajoute néanmoins cette fois-ci, que les Etats-Unis ont pratiquement imposée en échange de leur concession majeure sur la stabilisation du dollar. Il s'agit de " l'intensification des efforts de coordination en matière de politique économique pour promouvoir une croissance globale plus équilibrée et réduire les déséquilibres actuels ". En clair, cela veut dire une relance de la consommation en Allemagne et au Japon pour augmenter leurs importations et réduire leur excédent commercial.
A Francfort, on proposera d'accroître le montant des allégements fiscaux déjà décidés pour 1988 et, très vraisemblablement, les avancer lorsque le nouveau gouvernement sera formé. A Tokyo, on a déjà abaissé le taux d'escompte de la Banque centrale et un programme d'ensemble sera préparé pour stimuler la demande intérieure. Tout de même, les Etats-Unis consentent à apporter leur contribution, à savoir la promesse renouvelée d'une réduction de leur déficit budgétaire.
Les milieux financiers internationaux ne manqueront pas de souligner, et ils l'ont déjà fait, qu'à l'heure actuelle stabiliser le dollar est une tâche autrement difficile que n'avait été celle de le faire baisser à partir de septembre 1985. A l'époque, le billet vert était déjà " mûr " pour la baisse, et de toute façon même un profane en aviation peut imaginer qu'il est beaucoup plus facile d'engager un avion en piqué que de le redresser en douceur à l'approche du sol. De plus, il y a dix-sept mois, le seul engagement qu'avaient pris les Etats-Unis était, pour la première fois il est vrai, de prendre part à des interventions destinées à faire fléchir le dollar et, de toute façon, le prix payé avait été bien faible : la vente d'une dizaine de milliards de dollars par les banques centrales, bien vite récupérés.
Aujourd'hui, en revanche, l'engagement de réduire le déficit budgétaire américain apparaît tout à fait hypothétique. Or c'est bien la persistance de ce déficit et l'augmentation de la dette extérieure des Etats-Unis qui inquiètent le plus les prêteurs internationaux et minent le dollar.
Le déficit commercial américain inquiète aussi, mais il est permis de penser que sa diminution pourrait tout de même finir par s'amorcer. On voit donc qu'en février 1987 le succès de l'accord de Paris se trouve hypothéqué au départ.
Mais il n'est pas interdit de penser qu'un sérieux répit pourrait être obtenu dans les mois qui viennent. Une stabilisation des parités monétaires aurait l'avantage de gagner du temps et de permettre d'attendre les effets éventuels d'une baisse du dollar sur la réduction du déficit commercial des Etats-Unis. En cas d'échec de ce côté-là, le repli du billet vert se poursuivrait inexorablement.
Ajoutons que le projet de création de " plages de référence " avec constitution d'une grille pour les différentes monnaies n'a pas reçu de consécration officielle. C'est prématuré et, de toute façon, le retour au système de changes fixes, élaboré en 1944 à Bretton Woods, n'est pas pour demain.
FRANCOIS RENARD
Le Monde du 24 février 1987
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