Article de presse: L'effondrement du socialisme algérien
Publié le 22/02/2012
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des gens voler sur les marchés des produits de base : pain, huile, semoule, etc.
Un système voué à la faillite, n'était l'économie souterraine qui seule permet de faire tourner la machine : travail clandestin,marché noir, contrebande, prévarication, fraude fiscale ( estimée à 10 % des recettes du budget !), marché parallèle des devisesalimenté par la diaspora, etc.
Cette activité parasitaire mais vitale entretient une classe de privilégiés et de " profiteurs " du régime,de plus en plus mal tolérés à mesure que l'austérité s'aggrave...
D'où la rancoeur accumulée contre la nomenklatura aujourd'hui vilipendée, qui, assure un Algérien, " verrouille tout et se pavanede façon ostentatoire...
" D'où aussi le semi-échec des réformes lancées par le gouvernement depuis trois ans pour tenter dedynamiser une économie qui grimace de tous ses rouages.
Le raisonnement est simple : d'ici à l'an 2000, compte tenu ducaractère limité des réserves et de l'envolée de la consommation, l'Algérie n'aura plus de pétrole à exporter, donc plus deressources extérieures.
En outre, la pression démographique sera telle que les dépenses sociales ( éducation, santé, alimentation) absorberont la totalitédes ressources budgétaires.
Cela quelle que soit l'évolution des cours du brut.
Il faut donc d'une part préparer l' " après-pétrole "en poussant l'agriculture et l'industrie vers l'autosuffisance et, si possible, vers l'exportation.
Et par ailleurs libéraliser le systèmepour permettre au secteur privé de se substituer à terme à la puissance publique.
De 1986 à 1988 les réformes s'accélèrent.
L'agriculture est totalement restructurée : les fermes d'Etat sont, en deux étapes, àl'automne 1987, cédées en gérance à de nouvelles coopératives ou à des particuliers, les prix agricoles progressivement libérés-ce qui provoque une envolée de la production et...
des prix !
Dans l'industrie, le secteur privé longtemps brimé retrouve droit de cité.
Le code pétrolier est revu pour permettre auxcompagnies étrangères de reprendre l'exploration sur le territoire.
Les grandes entreprises nationales, d'abord morcelées en unitésplus maniables sont débarrassées de la tutelle étroite des ministères.
Depuis juin, la participation de l'Etat est portée par des holdings chargés de contrôler a posteriori la gestion, désormais jugéesur des critères de rentabilité financière, et non plus sur le simple respect des objectifs du plan.
Symbole : le ministère du plan lui-même est supprimé en novembre 1987, alors que les chambres de commerce sont réhabilitées.
Trop partielles, trop tardives, ces réformes ont jusqu'ici raté leur but.
Le système de crédit, la fixation des prix, le contrôle desimportations restent entre les mains de l'Etat.
Les investisseurs privés, méfiants, demeurent dans l'attentisme.
Le statut national du travailleur mis en place pour rationaliser le système des rémunérations provoque une envolée des salaires,insuffisante toutefois pour rattraper l'inflation.
Les fonctionnaires se sentent menacés.
Pis encore : pour la première fois depuis1962 les grandes entreprises nationales, sommées de devenir rentables, licencient...
Même la réforme de l'agriculture, pourtant suivie de résultats, suscite des rancoeurs.
" Les barons du régime avaient eu les villaset les commissions sur le pétrole.
Leurs fils ont eu les terres ", dit un observateur.
Bref, le gouvernement en lançant des réformes a pris tous les risques.
Le retrait de l'Etat-providence, brutalement accéléré par la crise pétrolière, a aiguisé les craintes des titulaires de rentes desituation sans toucher les vrais privilégiés du régime, et sans surtout relancer la machine, essoufflée par six années de rigueur.
Uneconjonction bel et bien explosive où la crise pétrolière n'a joué que comme " achève-tout "...
VERONIQUE MAURUS Le Monde du 13 octobre 1988.
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