Article de presse: Jacques Lacan : l'avenir d'un phénomène
Publié le 22/02/2012
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d'abord.
Elle fut réelle sur les penseurs de sa génération : dans un texte célèbre, Louis Althusser suggéra que la lecture faite par lui-mêmede Karl Marx devait beaucoup à celle que Jacques Lacan faisait de Sigmund Freud.
Le marxo-freudisme des Cahiers pourl'analyse (publiés par l'Ecole normale supérieure) y trouva, un moment, son compte; mais nombre d'intellectuels-d'une générationplus jeune que Jacques Lacan-ne tardèrent pas à condamner le dogmatisme propre aux psychanalystes de l'Ecole freudienne :l'Anti-OEdipe, de Gilles Deleuze et Félix Guattari, Economie libidinale, de Jean-François Lyotard, pour ne citer que ces deuxlivres, ont alors fait beaucoup pour affaiblir l'empire du lacanisme, accusé de demeurer excessivement fidèle aux aspects les plus" familialistes " et les plus conservateurs de la pensée freudienne.
En revanche, de très jeunes philosophes, avec le fanatisme propre à l'adolescence, se jetèrent sur Jacques Lacan, dans lesannées 70.
La plupart d'entre eux prirent rapidement leurs distances.
Ceux (les " nouveaux philosophes " ) qui, dans leur ardeursystématique, entreprirent de tirer jusqu'à leurs conséquences extrêmes certaines thèses de Jacques Lacan sur le pouvoir ou sur laloi, n'aboutirent qu'à des caricatures métaphysiques.
Il y a d'ailleurs à cet échec une raison : Jacques Lacan lui-même n'étaitnullement systématique.
Et il avait prévenu les glossateurs, en déclarant : " Mes écrits sont impropres à la thèse, universitairespécialement...
".
Enfin, les péripéties tragi-comiques qui ont accompagné la dissolution, en 1980, de l'Ecole freudienne, puis la reconstitution, en1981, de l'Ecole de la cause freudienne, finirent, sans doute, par lasser les meilleures volontés.
On peut dire que, durant cesdernières années de la vie de Jacques Lacan, les lacaniens ne lui ont pas toujours rendu de bons services.
Il est probable,heureusement, qu'une prochaine génération de philosophes formés aux réalités de la cure analytique saura porter sur l'oeuvre deJacques Lacan un regard neuf, sincère, dépourvu de préjugés.
Et il est à souhaiter que cette génération, étrangère aux conflits depassions et d'intérêts dont les institutions psychanalytiques sont traditionnellement l'enjeu, sache retenir l'essentiel du messagelacanien qui, selon nous, tient en peu de mots : une pratique sans théorie est certainement aveugle, mais une théorie coupée de lapratique qui doit l'inspirer et la nourrir n'est que discours vide et jargon boursouflé.
Jacques Lacan lui-même, faut-il le dire, a sune jamais séparer l'une de l'autre : et c'est ce qui fait que son oeuvre continuera longtemps de susciter l'intérêt.
CHRISTIAN DELACAMPAGNELe Monde du 11 septembre 1981.
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