Article de presse: Expliquer Hitler aujourd'hui?
Publié le 22/02/2012
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Mais ce qui fait l'horreur du nazisme, ce qui fait son épouvantable spécificité, c'est ce qui le distingue du fascisme italien.Mussolini se voulait maître absolu de l'Etat.
Pour Hitler, l'Etat n'était qu'un instrument au service de la race et un outil pour laguerre de conquête.
Dès le 3 février 1933, il expose aux chefs de la Reichswehr qu'il s'agira de conquérir de l'espace à l'Est et de" germaniser impitoyablement ".
Et tous les documents montrent que l'antisémitisme n'était pas un simple instrument tactique, maisbien un ingrédient fondamental de sa pensée délirante, même si l'élimination ne signifiait pas d'emblée extermination.
De plus, sa conception du pouvoir sur les esprits, d'une prise en main complète des corps et des âmes - conception que le partiet lui n'eurent pas le temps de mettre pleinement en application - est beaucoup plus aisée à partir de la notion de totalitarismequ'en se fondant sur une catégorie " fascismes " qui engloberait également franco et Peron.
Des concepts appauvrissants
Le mieux, c'est encore d'écarter les concepts globalisants, donc appauvrissants, puisque les enchaînements causaux sontmultiples et rarement nécessaires.
Telle tradition idéologique allemande (antisémitisme ou soumission à l'autorité) ? Sûrement,mais, sans la crise économique, d'autres traditions, non moins allemandes, l'eussent emporté.
La crise comme cause ? Nécessaire, sans aucun doute, suffisante certainement pas : la même crise d'un système capitalisteanalogue " produit " en 1932-1933 Roosevelt et le New Deal, parce que la situation internationale, institutionnelle, culturelle, desEtats-Unis n'est pas la même que celle de l'Allemagne.
Pas d'accession de Hitler au pouvoir sans soutien des puissants de l'économie capitaliste ? Assurément, encore que, pour laplupart d'entre eux, le soutien n'ait été accordé qu'au dernier moment.
Mais ils croyaient à tort, comme leurs ennemis marxistes,que le pouvoir économique permet de dominer le pouvoir politique, dans l'ignorance où ils étaient de la puissance de la terreur etde la propagande.
Sous Hitler, Krupp a continué à gagner beaucoup d'argent ? Il est vrai, mais, encore une fois, ce n'est pasl'argent de Krupp qui rend compte de l'horreur !
Pas d'accession ni de maintien au pouvoir sans un puissant soutien populaire.
Mais il faut rappeler en France que, lors desdernières élections proposant un choix, le 5 mars 1933, alors que Hitler était chancelier et que la violence répressive régnait déjà,le Parti national-socialiste n'a obtenu que 43,9 % des voix .
Il faut dire aussi que les archives montrent que l'enthousiasme a étéconstamment plus limité qu'on ne l'a dit et cru.
C'est plutôt l'incroyable soumission jusqu'au bout du désastre qu'il faudraitexpliquer.
Une soumission cependant moins complète qu'on n'a voulu le croire en France, où on en est encore à oublier souvent que lescamps de concentration ont été créés pour des Allemands et que des centaines de milliers y avaient souffert, à partir de 1933,avant l'arrivée des premiers déportés étrangers.
Une soumission cependant consentie dès le début par la plupart des grandes organisations.
Le rappel le plus navrant qu'il faillefaire, c'est celui du comportement peureux et absurde qui a dominé les mois qui ont suivi l'accession de Hitler à la chancellerie.Les socialistes ont laissé persécuter les communistes.
Le parti catholique n'a pas défendu les socialistes internés.
La puissantecentrale syndicale proche du SPD a fait acte d'allégeance à Hitler pour le 1 er mai -ce qui ne l'a pas empêchée d'être dissoute le 2.
Et il s'est même trouvé des juifs huppés pour chercher à détourner l'antisémitisme nazi vers les " Pollacks ", les petits juifs venusde l'Est.
En République fédérale, la destruction de la République de Weimar fait depuis des années l'objet d'une confrontation difficile.Pour éviter la destruction d'une démocratie, il faut étouffer dans l'oeuf les commencements ? Mais quels commencements ? Ceuxd'un extrémisme niant le pluralisme et la démocratie libérale ? Ceux d'un Etat restreignant l'exercice des libertés, fût-ce au nom dela liberté ? Un autre débat a repris de l'importance : l'effondrement de Weimar n'a-t-il pas été dû à un ensemble de donnéesinstitutionnelles.
Déjà les institutions de Bonn portent la trace de cette interprétation-là : dissolution presque exclue parce que lesuccès de Hitler a jailli après la dissolution de 1930 pouvoirs presque nuls pour le président de la République parce queHindenburg avait de vrais pouvoirs clause de 5 % pour que la proportionnelle ne rende pas la stabilité gouvernementaleimpossible.
En réalité, la comparaison centrale devrait être autre .
Si la démocratie de Bonn a d'emblée paru légitime à ses citoyens, alors que celle de Weimar a vu dès l'origine sa légitimitécontestée, c'est en particulier parce que la République d'aujourd'hui a eu la chance de naître en 1949 et non en 1945 : le " miracleéconomique " était commencé et la remontée internationale entamée, alors que la Constitution de Weimar a vu le jour en même.
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