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Article de presse: Avancée démocratique en Amérique Latine

Publié le 22/02/2012

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25 septembre 1991 -   Lorsqu'en 1962 Cuba fut expulsée de l'Organisation des Etats américains ( OEA), qui accusait La Havane d'exporter la révolution vers le reste de l'Amérique latine, Fidel Castro traita dédaigneusement l'organisme multilatéral de " ministère des colonies des Etats-Unis ". Trente ans après, l'inquiétude a changé de camp.    De moins en moins soutenu par l'Union soviétique, le Lider maximo s'est retranché dans son île, qu'il s'efforce de préserver de la propagation du virus démocratique. Le système interaméricain, en revanche, vit une nouvelle jeunesse. Washington triomphe : en conjuguant démocratie représentative et libéralisme économique, pour la première fois de leur histoire, les deux Amériques sont à l'unisson. " Mea culpa " de Washington    Ne figurant pas à l'ordre du jour, la question cubaine n'a été évoquée que dans les couloirs de l'assemblée générale. Pour la plupart, les délégués ne se sont pas montrés partisans de réintégrer l'île des Caraïbes dans l'organisation avant que n'y apparaissent les premiers signes de libéralisation. Car la démocratie est désormais l'orgueil des nations du continent, dont tous les gouvernements sont issus des urnes.    Encore faut-il se garder de toute ingénuité : peut-on parler d'élections vraiment libres au Mexique, où l'omnipotent Parti révolutionnaire institutionnel ( PRI), au pouvoir depuis plus d'un demi-siècle, n'hésite pas à recourir à la fraude ? Au Paraguay, dont le chef de l'Etat, le général Rodriguez, s'est fait élire au pas de charge en 1989, trois mois après avoir renversé son collègue Alfredo Stroessner ? Au Salvador et au Guatemala, où à la violence de la guérilla répond celle des escadrons de la mort ?    Mais une fois ces réserves émises, force est de constater qu'une longue et sombre page est enfin tournée. La férule militaire sous laquelle vivaient les deux tiers de la population latino-américaine en 1980 a cédé la place à l'Etat de droit. Cette restauration, encore précaire, l'OEA entend maintenant la consolider. Qualifié d'historique par ses signataires, l' " engagement de Santiago en faveur de la démocratie ", approuvé à l'unanimité, stipule que la plus haute instance de l'organisation-les ministres des affaires étrangères-se réunirait sans délai pour faire face à une éventuelle " interruption subite et irrégulière de l'exercice du pouvoir " dans l'un des trente-quatre pays membres. Faute d'autres mesures précises, la clause peut sembler insuffisante pour dissuader les nostalgiques de l'ordre ancien, qui, de Port-au-Prince à Buenos-Aires, relèvent parfois la tête. Et le destin du continent, aujourd'hui comme hier, dépend fort peu des résolutions de l'OEA, mais beaucoup de la politique de Washington, dont les modalités, en vingt ans, ont changé du tout au tout.    Ayant porté plus d'un Pinochet sur les fonts baptismaux, les Etats-Unis font discrètement amende honorable : leur délégué à l'assemblée générale, Lawrence Eagleburger, admet que des " erreurs " ont été commises dans le passé, explicables, s'empresse-t-il de préciser, par le climat de guerre froide qui régnait alors.    Pour avoir fini par se convaincre que ni les gardes prétoriennes ni les forces armées traditionnelles ne constituent un rempart indestructible contre le communisme, Washington s'est donc employé à rétablir la démocratie dans son " arrière-cour ". Amorcée par le président Carter, poursuivie par ses deux successeurs, la normalisation prit des formes variées, allant des pressions diplomatiques et économiques, assorties de mesures de rétorsion exercées sur les régimes militaires de droite, jusqu'au soutien aux " contras " nicaraguayens et à l'intervention armée contre les régimes nationalistes " gauchisants ", à la Grenade en 1983, puis à Panama en 1989.    Double succès : les uns après les autres, les bastions autoritaires ont cédé, leur disparition coupant souvent l'herbe sous le pied des mouvements armés d'extrême gauche. Aujourd'hui en porte à faux, recevant de plein fouet l'impact de l'écroulement des " socialismes réels ", les guérilleros salvadoriens, guatémaltèques et colombiens optent pour la table de négociations certains disent même adieu aux armes pour se transformer en parti légal, à l'instar du célèbre M 19 de Colombie. Quant aux sandinistes, congédiés par les électeurs, et en proie à de profondes divisions, ils s'interrogent sur leur avenir.    La pacification est cependant incertaine. Autant ou plus que le régime politique, ce sont les structures sociales qu'il faudrait réformer pour éteindre les foyers insurrectionnels. La misère endémique des masses indigènes du Pérou n'explique-t-elle pas la montée en puissance du Sentier lumineux et du mouvement Tupac Amaru, alors que ce pays andin connaît depuis vingt ans une vie démocratique ininterrompue ? La " révolution capitaliste "    Si elles sont conscientes du défi à relever, les " nouvelles démocraties " latino-américaines tournent le dos au modèle de développement qui s'était imposé dans les années 30, sous le coup de la Grande Dépression, pour reprendre peu ou prou à leur compte les politiques économiques imposées par les dictatures militaires.    Cette " révolution capitaliste " a jeté les bases de l'initiative des Amériques lancée l'an dernier par le président Bush et visant à transformer les deux continents en une zone de libre-échange, et à laquelle l'OEA apporte un soutien sans réserve.    En attendant, l'heure est aux regroupements régionaux. A côté du Marché commun d'Amérique centrale et du pacte andin (formé par la Colombie, l'Equateur, le Pérou et le Venezuela), déjà anciens, ont surgi le Marché commun nord-américain (Canada, Etats-Unis, Mexique), créé à l'initiative du président Reagan, ainsi que le Mercosur, auquel l'Argentine, le Brésil, le Paraguay et l'Uruguay ont donné naissance en mars dernier. Le Chili, en revanche, qui a quitté le pacte andin après le coup d'Etat militaire, fait encore, pour le moment, cavalier seul.    Le décloisonnement des économies nationales permettra-t-il à l'Amérique latine de sortir du gouffre ? Il ne serait que temps : en dix ans, le produit intérieur brut par habitant a chuté de 10 % pour servir sa dette extérieure, qui s'élève à 425 milliards de dollars, la région est devenue exportatrice nette de capitaux vers le Nord, auquel elle a encore versé en 1990 un tribut de 19 milliards de dollars, quand bien même les termes de l'échange de son commerce extérieur n'ont cessé de se dégrader. Et si le spectre de l'hyperinflation s'est quelque peu éloigné, c'est au prix de politiques restrictives impliquant un coût social élevé (1).    L'économie de la drogue a pris racine sur ce terreau de misère.    Autrefois circonscrite, elle n'épargne plus aucun pays du continent, ayant gagné récemment le Chili, l'Argentine et l'Uruguay, désormais couloirs de transit des trafiquants et réceptacles des narcodollars en mal de blanchiment. L'assemblée de l'OEA, qui a consacré une journée entière à ce fléau, appelle de ses voeux l'élaboration d'un " règlement modèle " harmonisant les législations répressives des Etats membres. Une résolution plutôt courte eu égard à un si grand problème.    Précurseurs à leur manière, les barons de la drogue n'ont pas attendu l'initiative du président Bush pour faire des Amériques un espace unique... GILLES BAUDIN Le Monde du 12 juin 1991

« développement qui s'était imposé dans les années 30, sous le coup de la Grande Dépression, pour reprendre peu ou prou à leurcompte les politiques économiques imposées par les dictatures militaires. Cette " révolution capitaliste " a jeté les bases de l'initiative des Amériques lancée l'an dernier par le président Bush et visant àtransformer les deux continents en une zone de libre-échange, et à laquelle l'OEA apporte un soutien sans réserve. En attendant, l'heure est aux regroupements régionaux.

A côté du Marché commun d'Amérique centrale et du pacte andin(formé par la Colombie, l'Equateur, le Pérou et le Venezuela), déjà anciens, ont surgi le Marché commun nord-américain(Canada, Etats-Unis, Mexique), créé à l'initiative du président Reagan, ainsi que le Mercosur, auquel l'Argentine, le Brésil, leParaguay et l'Uruguay ont donné naissance en mars dernier.

Le Chili, en revanche, qui a quitté le pacte andin après le coup d'Etatmilitaire, fait encore, pour le moment, cavalier seul. Le décloisonnement des économies nationales permettra-t-il à l'Amérique latine de sortir du gouffre ? Il ne serait que temps : endix ans, le produit intérieur brut par habitant a chuté de 10 % pour servir sa dette extérieure, qui s'élève à 425 milliards dedollars, la région est devenue exportatrice nette de capitaux vers le Nord, auquel elle a encore versé en 1990 un tribut de 19milliards de dollars, quand bien même les termes de l'échange de son commerce extérieur n'ont cessé de se dégrader.

Et si lespectre de l'hyperinflation s'est quelque peu éloigné, c'est au prix de politiques restrictives impliquant un coût social élevé (1). L'économie de la drogue a pris racine sur ce terreau de misère. Autrefois circonscrite, elle n'épargne plus aucun pays du continent, ayant gagné récemment le Chili, l'Argentine et l'Uruguay,désormais couloirs de transit des trafiquants et réceptacles des narcodollars en mal de blanchiment.

L'assemblée de l'OEA, qui aconsacré une journée entière à ce fléau, appelle de ses voeux l'élaboration d'un " règlement modèle " harmonisant les législationsrépressives des Etats membres.

Une résolution plutôt courte eu égard à un si grand problème. Précurseurs à leur manière, les barons de la drogue n'ont pas attendu l'initiative du président Bush pour faire des Amériques unespace unique... GILLES BAUDIN Le Monde du 12 juin 1991. »

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