Art et technique préparent le savoir, ou la leçon du travail
Publié le 22/02/2012
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Dans le passage suivant, Louis Hourticq montre par quelques exemples les liens qui unissent l'art et la technique. De là, il étend la comparaison et montre comment l'art prépare le savoir.
Les techniques primordiales ont pu se perfectionner, mais elles sont restées fidèles à leurs origines et l’on imagine ce qu’elles ont pu enseigner à ceux qui les pratiquèrent dans leur simplicité initiale. Il n’y a pas de différence de nature entre nos plus fins tissus de soie et les premières nattes que les hommes ont pu tresser dans leurs huttes avec les joncs des marais; il n’est pas difficile de se représenter la leçon d’art décoratif donnée par la régularité d’un tissage dont lès éléments ne sont pas exactement de même couleur; l’art d’Orient, et particulièrement celui des Arabes, est resté à jamais fixé par ces variations à retours réguliers. Il est un métier qui manifeste bien son action sur le génie des praticiens : la céramique. L’art de tourner les pots et de les cuire est le même qu’aux premiers jours; la terre« le tour, la main, le four, rien n’a changé; celte technique a laissé des témoignages de son identité à travers l’histoire et même par delà les siècles historiques. Métier d’une souplesse merveilleuse où la glaise tournant sur sa planchette se façonne au gré du pouce; sous la moindre impulsion le vase se gonfle ou se creuse et chacune des pressions de la main se résoud en une courbe d’une pureté irréprochable. L’ouvrier prend le sentiment du parfait et le souci de là belle forme, car la beauté qu’elle lui révèle dépend de ses gestes les plus légers. Le mouvement initial n’est jamais qu’une tentative; c’est seulement à la répétition d’un acte heureux que commence l’exercice de notre volonté, l’affirmation d’une préférence. Ce sont nos actes qui nous instruisent. Dans une intelligence très évoluée les notions acquises sont nombreuses, la mémoire assez riche pour que la pensée n’ait pas besoin de laisser voir constamment sur quel point d'appui elle prend son essor. Celte liberté spéculative ne fait pas oublier les techniques qui sont à l’origine de tout système. Les vieilles cosmogonies se représentent le monde comme une oeuvre d’art modelée par un sculpteur tout puissant. Depuis les cartésiens, l’univers est un mécanisme savant, une horloge montée pour l'éternité. Chaque philosophie laisse voir la technique dominante d’une civilisation. L’architecture exacte du marbre a préparé la géométrie grecque; des systèmes d’équilibre plus complexes ont préparé les esprits à concevoir une gravitation universelle.
(L. Hourticq, L’Art et la Science, Editions Flammarion).
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