Aristote : la technique
Publié le 19/10/2011
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Ce texte d’Aristote fut écrit durant le IIIème siècle AVJC. Ici, Aristote réfute la thèse énoncée par Anaxagore qui dit que « c’est parce que l’homme a des mains qu’il est intelligent », alors que pour Aristote, « c’est parce que l’homme est intelligent qu’il a des mains ». On comprend ainsi que l'homme est le plus intelligent des êtres et c'est pourquoi il a des mains. Elles sont définies par le terme « outils » et permettent d’utiliser d’autres outils ou moyens de défense là où les animaux, qui sont moins intelligents, n'en ont qu'un seul.
Sa thèse se rapporte ici à la technique. Ce mot grec signifie, selon Aristote, « Une disposition à produire accompagnée d’une règle vraie. », c’est donc l’ensemble des règles qu’il faut suivre pour produire un objet donné.
Mais les mains révèlent-elles l'intelligence de l'homme ? Nous allons d’abord analyser la première partie du texte (l 1-7) où Aristote contredit Anaxagore en expliquant, d’après sa thèse, et sommairement, l’origine de la main et pourquoi ce sera tel être qui pourra en bénéficier, puis nous étudierons, dans la seconde partie (l 7-17), le rôle de cet outil, à travers la défense de sa thèse, qu’il explique en évoquant l’Homme et l’animal.
En premier lieu, dans ce texte, Aristote critique la thèse d’Anaxagore en ajoutant la négation à cette dernière, il le contredit donc et exprime alors clairement sa thèse personnelle. Puis l’auteur définit la main comme l’outil le plus polyvalent, le plus important, celui qui ne peut appartenir qu’aux êtres supérieurs possédant la capacité de l’utiliser à bon escient.
Aristote définit l’intelligence en écrivant : « L’être le plus intelligent est celui qui est capable de bien utiliser le plus grand nombre d’outils » : cette définition est différente de l’ordinaire, ici c’est la faculté technique et pratique, alors que d’habitude c’est l’aptitude théorique à concevoir, à penser, réfléchir,… L’homme est donc intelligent car il est capable de voir un objet, et de comprendre l’aide qu’il peut lui apporter malgré la multitude d’outils.
« C’est donc à l’être capable d’acquérir le plus grand nombre de techniques que la nature a donné l’outil de loin le plus utile, la main. » Pour Aristote, c’est l’intelligence qui est première. Il définit l’homme comme un être intelligent et comme la nature est elle-même « intelligente », qu’elle attribue à chacun ce qui est bon dans le bon ordre des choses, c’est ainsi l’homme qui a reçu dans cette répartition naturelle des aptitudes et caractéristiques physiques, la main, car c’est le seul qui avait les capacités intellectuelles pour l’utiliser à bon escient. Selon l’auteur, l’origine de la supériorité de l’homme est donc son intelligence, puis la technique, qui est rendue possible seulement par une bonne utilisation de cet outil : la main, associée à l’intelligence humaine.
Dans cette première partie, Aristote énonce clairement ce qu’il pense sur la main en s’opposant, sans aucune nuance, à la thèse d’Anaxagore. La nature est, pour lui, une sorte d’entité intelligente, organisée qui décernerait au bon être telle faculté. Ainsi, pour la main, l’homme étant le plus intelligent et comprenant le but de la multitude d’outils existant, la nature ne pouvait assignée la main qu’à l’être le plus propice à la compréhension de chaque outils, c’est-à-dire : l’Homme. L'intelligence d'un être est donc proportionnelle au nombre des outils qu'il peut utiliser selon les dire d’Aristote.
Dans une seconde partie, Aristote décrit le rôle de cet outil en parlant de l’Homme et de l’animal.
Au début du second paragraphe, l’auteur fait allusion au mythe de Protagoras en écrivant : « Ceux qui disent que l’homme n’est pas bien constitué et qu’il est le moins bien partagé des animaux […] sont dans l’erreur. ». Ce mythe raconte que lors de la distribution des moyens de défense à chaque espèce vivante, Épiméthée constate que l'homme, oublié, est privé de force, d’armes (griffes), et est nu (sans fourrure). Prométhée, son frère, décide donc de voler le feu et les techniques aux Dieux, et va les attribuer aux hommes pour les ‘‘dédommager’’. Grâce à cette technique, l’homme devient ‘’homo faber’’ comme le décrit Bergson : l’être qui place des outils entre lui et le monde. Mais Aristote est opposé à l’idée principale de ce mythe qui énonce que l'homme serait intelligent et technicien par contrainte afin de surmonter ses faiblesses.
« Car les autres animaux n'ont chacun qu'un seul moyen de défense et il ne leur est pas possible de le changer pour un autre, mais ils sont forcés pour ainsi dire, de garder leurs chaussures pour dormir et pour faire n'importe quoi d'autre, et ne doivent jamais déposer l'armure qu'ils ont autour de leur corps ni changer l'arme qu'ils ont reçue en partage. »
Ici, Aristote compare les parties du corps des animaux aux outils que l’homme aurait besoin de posséder et d’utiliser, par exemple : chaussures = sabots, mais aussi armure = carapace, armes = griffes. Il écrit que chaque espèce animale n'a « qu'un seul moyen de défense », pour lui, la nature a pourvu chaque animal d’un de ces moyens inconvertibles, quel qu’il soit, afin de permettre à chaque bête de survivre. A travers cette citation, l'homme apparaît comme différent, et comme le plus exceptionnel des êtres vivants.
« L’homme, au contraire, possède de nombreux moyens de défense, et il lui est toujours loisible d’en changer et même d’avoir l’arme qu’il veut et quand il le veut. ». Aristote montre par cette phrase que l’homme dispose en fait d’un moyen qui lui permet de compenser ce dont dispose les autres espèces animales et lui non, lui permettant même de les dépasser et de les dominer. Cette faiblesse devient donc une preuve de puissance et de domination grâce à ce seul membre : la main.
« Car la main devient griffe, serre, corne ou lance ou épée ou toute autre arme ou outil. ». Aristote énonce toutes les aptitudes qu’a une main, en commençant par des termes se rapportant à l’animal, puis à des outils (épée ou lance) que seul l’homme peut utiliser en sachant s’en servir. Cette citation met en exergue le fait que l’homme n’est pas le plus faible des êtres grâce à la main, mais qu’il et supérieur à toutes les autres espèces vivantes, tout en apparaissant comme défavorisé à première vue.
Ainsi, en conclusion de cette seconde et dernière partie du texte, on constate que l’homme n’est pas désavantagé par rapport aux autres animaux, contrairement à ce que l’on pouvait croire. Grâce à ce seul organe, l’homme est muni d’une faculté qui lui permet de contrebalancer l’inégalité apparente de départ, il n’est plus tributaire de sa capacité organique contrairement à l’animal. L’homme expose sa puissance sur les animaux par le fait que : « elle [la main] est capable de tout saisir et de tout tenir. », la main est plusieurs outils en un seul, et comme le dit Marx dans ‘’Le Capital’’ : « L’homme convertit des objets extérieurs en organes de sa propre activité, organes qu’il ajoute aux siens de manière à prolonger son corps » : la main est donc ce qui permet à l’homme d’être si polyvalent car elle fait le lien entre l’homme et l’outil.
Pour conclure, selon Aristote la fonction entraine l’organe, et en suivant cette image, la main est l’organe de l’intelligence. Ce qui différencie l'homme de l'animal est le degré d'intensité de l’intelligence, l’homme est l’être vivant le plus haut placé sur l’échelle de l’intelligence, et pour Aristote, c’est pour cela que la nature lui a donné cet organe qu’est la main. Mais nous pouvons nous demander tout de même si la thèse d’Anaxagore ne peut pas avoir une part de vérité car, les mains étant le meilleur des outils, ne permettent-elles pas à l’homme d’accroitre sa technique, donc son intelligence ?...
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