Antilles et Guyanes, littérature des.
Publié le 06/05/2013
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2. 3 La spécificité haïtienne et guyanaise
La littérature haïtienne naît de son indépendance, en 1804.
Le premier janvier de la même année, l’écrivain Louis Boisrond-Tonnerre (1776-1806) rédige la proclamation d’indépendance qui ouvre le champ à une littérature nationaliste.
Les récits
historiques qui ont été produits à cette période font état d’une époque violente.
Alors que se succèdent des poésies glorifiant les hommes de cette époque, des œuvres militantes, telle la Cantate à l’Indépendance (1821) de Juste Chanlatte (1766-
1828), mettent aussi en avant l’identité noire.
Paradoxalement, cette littérature de l’identité affirmée face à la France continue de s’exprimer en langue française, qui reste la langue officielle même si le créole est la langue maternelle des Haïtiens.
Lors de l’occupation américaine, de 1915 à 1934, une forte crise intellectuelle a lieu, accompagnée de l’affirmation d’un fort attachement aux racines africaines.
Jean Price-Mars (1876-1969) joue un rôle important dans ce sursaut dont les fers de
lance sont la langue créole et le culte vaudou, à travers notamment son ouvrage majeur Ainsi parla l’oncle (1928).
Une nouvelle littérature naît alors et se fait poésie engagée ou fantaisiste, tandis que l’« indigénisme » s’installe dans les romans de
Jean-Baptiste Cinéas (1895-1958 ; le Drame de la terre , 1933) ou de Jacques Roumain (1907-1944 ; Gouverneurs de la rosée, 1944) pour rendre compte de la difficulté comme de l’art de vivre des paysans haïtiens.
Avec la dictature de François
Duvalier (de 1964 à 1971) et de son fils Jean-Claude (jusqu’en 1986), beaucoup d’écrivains se sont expatriés (aux États-Unis ou au Canada) et ont parfois utilisé la langue anglaise pour faire revivre, avec une expression empreinte de lyrisme, leur
pays à travers le thème de la mémoire.
Gary Victor (né en 1958) est actuellement l’un des auteurs les plus lus à Haïti.
Il fait état dans ses ouvrages (tel la Piste des sortilèges, 1996) de la « décomposition » et du climat de violence de la société haïtienne, sans jamais toutefois se départir
d’une lueur d’espoir qui, derrière un lointain mal-être, est toujours présente.
La poésie reste également très vivante en Haïti, notamment avec James Noël (né en 1978) qui fait partie de la toute nouvelle génération de poètes.
Son premier recueil de
poésie, intitulé Poèmes à double tranchant / Seul le baiser pour muselière , est le premier texte d’un auteur haïtien à être présenté dans un programme scolaire haïtien (2005-2006).
Quant à Bonel Auguste (né en 1973), il représente pour le célèbre
écrivain haïtien Frankétienne (né en 1936), faisant référence à son premier recueil Fas doub lanmò (2000), « l’un des premiers écrivains philosophes de la littérature créole ».
Les auteurs de la Guyane française ont dû surmonter quant à eux une image péjorative.
En effet, dans l’esprit collectif, ce pays est celui du bagne, où les conditions de vie sont terribles, et du climat tropical pénible.
La plupart des auteurs guyanais
sont particulièrement engagés politiquement.
Il en est ainsi de Léon-Gontran Damas, l’une des figures essentielles de la négritude, pour qui littérature et politique vont de pair.
Très tôt, témoin des discriminations raciales en France, il lutte en faveur
des droits civiques et est élu, de 1948 à 1951, député à l’Assemblée nationale française.
Il relate dans ses écrits les douleurs issues du racisme.
Quelques-unes de ses œuvres ont été brûlées par l’administration (notamment son pamphlet sur la
colonisation, Retour de Guyane , 1938) ou même saisies en 1939 ( Pigments, 1937, ouvrage considéré comme portant « atteinte à la sûreté intérieure de l’État français »).
Serge Patient (né en 1935) s’inscrit lui aussi dans cette tradition « politico-
littéraire ».
Professeur puis proviseur, il est conseiller général de la Guyane et maire-adjoint de la municipalité de Kourou jusqu’en 1995.
Il écrit dans une veine régionale des textes qui sont des protestations contre les injustices subies par la
population guyanaise.
Il dénonce aussi et surtout la colonisation, notamment dans son livre le Nègre du gouverneur (1978) dans lequel il dépeint des personnages fortement ancrés dans l’histoire des relations déséquilibrées et destructrices entre
populations blanche et noire.
Éli Stephenson (né en 1944) est quant à lui un poète qui se démarque de l’antillanité, mettant l’accent sur la spécificité de la Guyane : ce n’est pas une île et elle n’appartient pas aux Antilles à proprement parler.
Selon
lui, puisqu’elle fait partie de l’Amérique du Sud, elle doit s’en démarquer en utilisant par exemple le créole guyanais.
Contrairement à beaucoup de ses compatriotes, il propose une vision plus douce et plus joyeuse de son identité, avec un goût
prononcé pour le bonheur ( Rien de pays , 1976 ou Comme des gouttes de sang , 1988), tout en prônant une forte récupération du pays, car « […] simplement je ne sais pas / Si je suis chez moi ou chez eux » ( Terres mêlées , 1984).
Entre engagement
politique et engagement littéraire, la littérature guyanaise tente de faire sortir les Guyanais de la « torpeur » où semble les avoir projetés le colonialisme.
3 LA LITTÉRATURE ANGLOPHONE
3. 1 Contexte social et culturel
Les îles anglophones, nombreuses, ont connu plusieurs colonisations avant de devenir anglaises et d’obtenir une indépendance tardive ( XXe siècle).
Cette absence de longues périodes de calme et d’unité explique la grande disparité des écrivains
anglophones et de leur littérature.
Les écrivains jamaïcains développent une littérature très identitaire basée sur une histoire forte de résistance et de « marronnage » (fuite d’un esclave de la propriété de son maître).
Il en va tout autrement à
Trinidad, du fait d’une importante population indienne, où la littérature se veut davantage le reflet du déchirement entre tradition et culture anglo-saxonne.
Néanmoins, deux facteurs sont communs : des systèmes scolaires caractérisés par une très
forte présence de la culture anglaise et une réussite sociale définie par la connaissance de cette culture et par la fréquentation des écoles de la métropole.
Ainsi, ce passage « obligé », qui sous-tend une période de voyage, s’exprime par les notions de
« départ » et d’« émigré ».
Cependant, parfois, un sentiment de trahison, de déracinement ou d’abandon de ses origines se fait ressentir, l’auteur devant concilier sa réussite individuelle, grâce à la culture métropolitaine.
3. 2 Émergence et développement
Les premiers représentants de la littérature des îles anglophones sont les planteurs blancs comme l’Anglais James Grainger (1721-1766).
Ils écrivent des poèmes retraçant la vie quotidienne des populations locales, tout en entretenant l’idée du bon
esclave vivant en harmonie avec son maître juste et bon.
À partir de la reprise en main par les populations noires de leur destinée, une véritable vie intellectuelle émerge.
Celle-ci s’exprime tout d’abord dans un courant poétique représenté
notamment par le Jamaïcain Tom Redcam (pseudonyme de Thomas Henry MacDermot, 1870-1933) et le Guyanien Egbert Martin (1862-1890).
Comme pour la plupart des autres littératures de la région, les œuvres locales sont d’abord ignorées par
les métropolitains.
À partir des années 1950, les œuvres produites par des écrivains insulaires sont mises en avant.
Une émission radio de la BBC dirigée par le Trinidadien Vidiadhar Surajprasad Naipaul, « Caribbean Voices », donne à entendre des extraits de livres
ainsi que la voix de ceux qui les écrivent.
De nombreux intellectuels y participent et ce « lieu » d’expression et de rencontres offre une tribune efficace et des échanges salutaires.
Les protagonistes vont pouvoir ainsi prendre connaissance des points
communs entre les différentes cultures locales et s’y retrouver.
Un mouvement d’indépendance littéraire prend alors son essor et une reconnaissance à l’étranger est enfin accordée aux écrivains anglophones des Antilles et du Guyana.
Le Guyanien Edgar Mittelholzer (Guyana, 1909-1965) est le premier écrivain de cette génération à bénéficier de cette reconnaissance, décrivant dans ses œuvres les conflits tout autant raciaux que sociaux.
Il arrive en 1948 en Angleterre et s’y
installe, pensant qu’il n’y a qu’en métropole que le succès peut venir.
D’autres écrivains le suivent dans son voyage.
Les plus connus sont le Trinidadien Samuel Selvon (1923-1994), le Barbadien George Lamming (né en 1927) ou V.
S.
Naipaul (prix
Nobel de littérature en 2001).
Si les deux premiers sont assez proches des thèmes d’Edgar Mittelholzer et dénoncent le rejet des métropolitains à l’égard des populations locales s’exerçant à travers le racisme et les inégalités, V.
S.
Naipaul est moins
vindicatif pour décrire les Antilles, sans illusion mais avec humour.
Il s’inscrit davantage dans la culture anglaise et notamment dans sa langue, même si dans ses premières œuvres — comme Samuel Selvon, qui lui aussi descend des Indiens que
Britanniques et Français ont fait venir pour travailler —, il utilise d’abord le ton calypso (style de musique jamaïcaine mais aussi type d’expression de la tradition orale donnant une vision « caustique de situations picaresques »).
On retrouve cette.
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