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Antilles et Guyanes, littérature des.

Publié le 06/05/2013

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Antilles et Guyanes, littérature des. 1 PRÉSENTATION Antilles et Guyanes, littérature des, ensemble des oeuvres littéraires produites par des écrivains antillais et guyanais, qu'ils vivent ou non sur le sol des Antilles et des Guyanes francophones, anglophones et néerlandophones. Pour la littérature des Antilles hispanophones, voir littérature hispano-américaine et littérature cubaine. Lorsqu'il s'agit d'étudier la production littéraire des Antilles (francophones, anglophones et néerlandophones) et des Guyanes (Guyane française, Guyana et Suriname), il est important de parler de littératures antillaises et guyanaises. Issues d'un ensemble de petites îles et territoires qui ont été colonisés par différents pays européens à partir de la découverte du Nouveau Monde par Christophe Colomb en 1492, puis des Caraïbes, ces littératures s'expriment à travers plusieurs langues (espagnole, française, anglaise et néerlandaise) et subissent plusieurs influences. Malgré tout, ces littératures sont nées d'un même processus historique qui mêle la colonisation, l'esclavage et la traite des Africains (formant un mélange de populations autochtones et immigrantes) et qui se caractérise par une indépendance parfois tardive. Une vague d'immigration à partir du XXe siècle (essentiellement indienne et chinoise) apporte des cultures nouvelles et aboutit au concept de « créolisation «. Bien que commune, cette histoire a des conséquences variables suivant les populations et a donc généré des littératures, tantôt nationales, comme par exemple en Haïti, tantôt parfaitement intégrées aux cultures métropolitaines, telles les oeuvres issues des Antilles françaises. À cette histoire commune s'ajoute le désir partagé de savoir à quelle identité culturelle les Antillais et les Guyanais peuvent se raccrocher. Au creux de leur réflexion, les écrivains mettent en avant ce qui fait la spécificité, la richesse de leurs identités, de leurs autonomies mais aussi les différences qui existent avec les cultures qui les entourent et sur lesquelles ils se sont appuyés pour se forger leurs propres voix littéraires. 2 LITTÉRATURE FRANCOPHONE 2.1 Origines Malgré une vie culturelle forte dès le XVIIIe siècle dans les Antilles françaises (surtout à Saint-Domingue où se jouent pièces de théâtres et s'impriment des journaux), la littérature est d'abord faite par des Français et pour des Français. L'Histoire générale des Antilles habitées par des Français (1667-1671) du Père du Tertre (1610-1635), ainsi que les Voyages aux isles, Chroniques aventureuses des Caraïbes (1693-1705) du Père Labat (1663-1738) en sont des exemples caractéristiques. Il s'agit de récits plutôt descriptifs de la vie quotidienne et des traditions antillaises, agrémentés parfois d'anecdotes piquantes, notamment dans l'oeuvre du Père Labat. Ce sont donc d'abord des « Békés « (les personnes d'ascendance européenne vivant aux Antilles) qui sont les premières figures de la littérature des Antilles francophones, même si les Antilles ne sont pas systématiquement leur thème de prédilection. Certains poètes à l'inverse, comme les écrivains d'ascendance guadeloupéenne Nicolas Germain Léonard (1744-1793) ou Alexandre Privat d'Anglemont (1815-1859) participent aussi à la naissance de cette littérature tout en vivant en France où ils vivent et écrivent --tout en étant partagés entre leurs deux terres. Il n'est cependant pas question à l'époque de parler d'« auteurs antillais « et encore moins de « nationalisme « ou de « réflexion identitaire «. Cette littérature est surtout empreinte de romantisme et d'exotisme, avec des descriptions de paysages féeriques où l'esclavagisme se pratique dans des conditions idylliques. La plupart des récits respectent alors les codes d'écriture propres à la langue française. 2.2 « Négritude «, « antillanité « et « créolité « Avec ces auteurs, et encore plus avec leurs successeurs, la littérature abandonne le thème des plantations au profit de celui des « usiniers « au travers d'oeuvres dans lesquelles l'industrialisation et les nouveaux comportements qu'elle induit sont privilégiés. Dans nombre d'ouvrages sont mis en avant des mulâtres qui s'affirment par le travail et la culture dans une société où les talents prennent doucement le pas sur la couleur. Le « Blanc « est plus souvent dénoncé pour ses pratiques perverties et décadentes. René Bonneville est très certainement le meilleur représentant de cette veine narrative avec le Triomphe d'Églantine (1899) dans lequel il dépeint l'histoire d'une mulâtresse délaissée par son amant blanc et l'ascension sociale du fruit de leur union, alors que s'annonce la ruine de la famille de l'homme qui n'a pas voulu l'épouser. Le début du XXe siècle connaît une prise de conscience de l'identité noire, qui trouve son apogée à travers la construction du concept de négritude. Issue de l'intérêt pour la culture et « l'art nègre «, ainsi que de nombreux mouvements identitaires portés par des écrivains africains et caribéens, et enfin par un élan de rejet de la colonisation, la négritude naît à travers les voix du Guyanais Léon-Gontran Damas (1912-1978), du Martiniquais Aimé Césaire (né en 1913) et du Sénégalais Léopold Sédar Senghor (1906-2001). Parallèlement, et connaissant un aboutissement dans les années 1960-1970, l'antillanité (ou antillanisme) se traduit à travers la mise en exergue de ce qui constitue les Antilles, c'est-à-dire tout autant les plantations, l'héritage africain, les mulâtres, la langue créole que la multiplicité des populations qui la composent. Le Martiniquais Édouard Glissant (né en 1928) en est l'initiateur et fait émerger, à travers ses écrits, une véritable identité antillaise. Cependant, son engagement est aussi politique : Édouard Glissant milite pour la départementalisation des Antilles et ce dès 1958 avec son roman la Lézarde. Il développe également une saga de trois autres titres (le quatrième Siècle, la case du commandeur et Malemort) et trace une épopée anticolonialiste dans laquelle il stigmatise la prédominance de la culture française à travers le personnage de Raphaël Targin. Dans la lignée de la pensée d'Édouard Glissant, le concept de créolité, initié quelques décennies plus tôt par certains écrivains comme Joseph Zobel (1915-2006), prend forme à la fin des années 1980 grâce à une nouvelle génération d'écrivains réunissant les Martiniquais Patrick Chamoiseau (né en 1953), Raphaël Confiant (né en 1951) et Jean Bernabé (né en 1942) qui revendiquent l'identité créole et font l'éloge du métissage. Tous trois fondent en 1989, par leur manifeste Éloge de la créolité, ce mouvement littéraire, intellectuel et social à travers lequel est représentée la somme des cultures issues du métissage des populations antillaises. La créolité ne reçoit pas toujours un très bon accueil, bien qu'elle soit source de nombreuses productions, notamment parce que la langue créole n'a pas encore toute la place que certains voudraient lui voir tenir. Cette langue utilisée tous les jours, dans la vie quotidienne, est la langue de l'oralité, véhiculant des contes, fables, devinettes et protestations qui se partagent le soir à la veillée. Ses défenseurs n'y voient pas seulement un ensemble de mots, mais surtout un rythme, une musicalité toujours très importante et présente dans la littérature antillaise. Les Antilles françaises sont aujourd'hui le lieu d'une foisonnante littérature. Entre créolité et modernité, de nombreux écrivains ont su se faire une place dans la littérature française. Ainsi en Guadeloupe, l'écrivain Ernest Pépin (né en 1950), la romancière et poétesse Myriam Warner-Vieyra (née en 1939), le poète Lémy Lémane (né en 1951), la romancière Maryse Condé (née en 1937), les dramaturges Gerty Dambury (née en 1957) ou Luc Saint-Éloy (né en 1955) font entendre leurs voix singulières. En Martinique, le dramaturge Georges Mauvois (né en 1922), l'essayiste Guy Cabort-Masson (né en 1937), le poète et dramaturge Daniel Boukman (né en 1936), le romancier Roland Brival (né en 1950), l'éditeur et romancier Tony Delsham (né en 1946), la poétesse Mireille Jean-Gilles (1962) ou Nicole Cage-Florentiny (1965) font également partie de cette génération émergente d'écrivains de la modernité antillaise. 2.3 La spécificité haïtienne et guyanaise La littérature haïtienne naît de son indépendance, en 1804. Le premier janvier de la même année, l'écrivain Louis Boisrond-Tonnerre (1776-1806) rédige la proclamation d'indépendance qui ouvre le champ à une littérature nationaliste. Les récits historiques qui ont été produits à cette période font état d'une époque violente. Alors que se succèdent des poésies glorifiant les hommes de cette époque, des oeuvres militantes, telle la Cantate à l'Indépendance (1821) de Juste Chanlatte (17661828), mettent aussi en avant l'identité noire. Paradoxalement, cette littérature de l'identité affirmée face à la France continue de s'exprimer en langue française, qui reste la langue officielle même si le créole est la langue maternelle des Haïtiens. Lors de l'occupation américaine, de 1915 à 1934, une forte crise intellectuelle a lieu, accompagnée de l'affirmation d'un fort attachement aux racines africaines. Jean Price-Mars (1876-1969) joue un rôle important dans ce sursaut dont les fers de lance sont la langue créole et le culte vaudou, à travers notamment son ouvrage majeur Ainsi parla l'oncle (1928). Une nouvelle littérature naît alors et se fait poésie engagée ou fantaisiste, tandis que l'« indigénisme « s'installe dans les romans de Jean-Baptiste Cinéas (1895-1958 ; le Drame de la terre, 1933) ou de Jacques Roumain (1907-1944 ; Gouverneurs de la rosée, 1944) pour rendre compte de la difficulté comme de l'art de vivre des paysans haïtiens. Avec la dictature de François Duvalier (de 1964 à 1971) et de son fils Jean-Claude (jusqu'en 1986), beaucoup d'écrivains se sont expatriés (aux États-Unis ou au Canada) et ont parfois utilisé la langue anglaise pour faire revivre, avec une expression empreinte de lyrisme, leur pays à travers le thème de la mémoire. Gary Victor (né en 1958) est actuellement l'un des auteurs les plus lus à Haïti. Il fait état dans ses ouvrages (tel la Piste des sortilèges, 1996) de la « décomposition « et du climat de violence de la société haïtienne, sans jamais toutefois se départir d'une lueur d'espoir qui, derrière un lointain mal-être, est toujours présente. La poésie reste également très vivante en Haïti, notamment avec James Noël (né en 1978) qui fait partie de la toute nouvelle génération de poètes. Son premier recueil de poésie, intitulé Poèmes à double tranchant / Seul le baiser pour muselière, est le premier texte d'un auteur haïtien à être présenté dans un programme scolaire haïtien (2005-2006). Quant à Bonel Auguste (né en 1973), il représente pour le célèbre écrivain haïtien Frankétienne (né en 1936), faisant référence à son premier recueil Fas doub lanmò (2000), « l'un des premiers écrivains philosophes de la littérature créole «. Les auteurs de la Guyane française ont dû surmonter quant à eux une image péjorative. En effet, dans l'esprit collectif, ce pays est celui du bagne, où les conditions de vie sont terribles, et du climat tropical pénible. La plupart des auteurs guyanais sont particulièrement engagés politiquement. Il en est ainsi de Léon-Gontran Damas, l'une des figures essentielles de la négritude, pour qui littérature et politique vont de pair. Très tôt, témoin des discriminations raciales en France, il lutte en faveur des droits civiques et est élu, de 1948 à 1951, député à l'Assemblée nationale française. Il relate dans ses écrits les douleurs issues du racisme. Quelques-unes de ses oeuvres ont été brûlées par l'administration (notamment son pamphlet sur la colonisation, Retour de Guyane, 1938) ou même saisies en 1939 (Pigments, 1937, ouvrage considéré comme portant « atteinte à la sûreté intérieure de l'État français «). Serge Patient (né en 1935) s'inscrit lui aussi dans cette tradition « politicolittéraire «. Professeur puis proviseur, il est conseiller général de la Guyane et maire-adjoint de la municipalité de Kourou jusqu'en 1995. Il écrit dans une veine régionale des textes qui sont des protestations contre les injustices subies par la population guyanaise. Il dénonce aussi et surtout la colonisation, notamment dans son livre le Nègre du gouverneur (1978) dans lequel il dépeint des personnages fortement ancrés dans l'histoire des relations déséquilibrées et destructrices entre populations blanche et noire. Éli Stephenson (né en 1944) est quant à lui un poète qui se démarque de l'antillanité, mettant l'accent sur la spécificité de la Guyane : ce n'est pas une île et elle n'appartient pas aux Antilles à proprement parler. Selon lui, puisqu'elle fait partie de l'Amérique du Sud, elle doit s'en démarquer en utilisant par exemple le créole guyanais. Contrairement à beaucoup de ses compatriotes, il propose une vision plus douce et plus joyeuse de son identité, avec un goût prononcé pour le bonheur (Rien de pays, 1976 ou Comme des gouttes de sang, 1988), tout en prônant une forte récupération du pays, car « [...] simplement je ne sais pas / Si je suis chez moi ou chez eux « (Terres mêlées, 1984). Entre engagement politique et engagement littéraire, la littérature guyanaise tente de faire sortir les Guyanais de la « torpeur « où semble les avoir projetés le colonialisme. 3 LA LITTÉRATURE ANGLOPHONE 3.1 Contexte social et culturel Les îles anglophones, nombreuses, ont connu plusieurs colonisations avant de devenir anglaises et d'obtenir une indépendance tardive (XXe siècle). Cette absence de longues périodes de calme et d'unité explique la grande disparité des écrivains anglophones et de leur littérature. Les écrivains jamaïcains développent une littérature très identitaire basée sur une histoire forte de résistance et de « marronnage « (fuite d'un esclave de la propriété de son maître). Il en va tout autrement à Trinidad, du fait d'une importante population indienne, où la littérature se veut davantage le reflet du déchirement entre tradition et culture anglo-saxonne. Néanmoins, deux facteurs sont communs : des systèmes scolaires caractérisés par une très forte présence de la culture anglaise et une réussite sociale définie par la connaissance de cette culture et par la fréquentation des écoles de la métropole. Ainsi, ce passage « obligé «, qui sous-tend une période de voyage, s'exprime par les notions de « départ « et d'« émigré «. Cependant, parfois, un sentiment de trahison, de déracinement ou d'abandon de ses origines se fait ressentir, l'auteur devant concilier sa réussite individuelle, grâce à la culture métropolitaine. 3.2 Émergence et développement Les premiers représentants de la littérature des îles anglophones sont les planteurs blancs comme l'Anglais James Grainger (1721-1766). Ils écrivent des poèmes retraçant la vie quotidienne des populations locales, tout en entretenant l'idée du bon esclave vivant en harmonie avec son maître juste et bon. À partir de la reprise en main par les populations noires de leur destinée, une véritable vie intellectuelle émerge. Celle-ci s'exprime tout d'abord dans un courant poétique représenté notamment par le Jamaïcain Tom Redcam (pseudonyme de Thomas Henry MacDermot, 1870-1933) et le Guyanien Egbert Martin (1862-1890). Comme pour la plupart des autres littératures de la région, les oeuvres locales sont d'abord ignorées par les métropolitains. À partir des années 1950, les oeuvres produites par des écrivains insulaires sont mises en avant. Une émission radio de la BBC dirigée par le Trinidadien Vidiadhar Surajprasad Naipaul, « Caribbean Voices «, donne à entendre des extraits de livres ainsi que la voix de ceux qui les écrivent. De nombreux intellectuels y participent et ce « lieu « d'expression et de rencontres offre une tribune efficace et des échanges salutaires. Les protagonistes vont pouvoir ainsi prendre connaissance des points communs entre les différentes cultures locales et s'y retrouver. Un mouvement d'indépendance littéraire prend alors son essor et une reconnaissance à l'étranger est enfin accordée aux écrivains anglophones des Antilles et du Guyana. Le Guyanien Edgar Mittelholzer (Guyana, 1909-1965) est le premier écrivain de cette génération à bénéficier de cette reconnaissance, décrivant dans ses oeuvres les conflits tout autant raciaux que sociaux. Il arrive en 1948 en Angleterre et s'y installe, pensant qu'il n'y a qu'en métropole que le succès peut venir. D'autres écrivains le suivent dans son voyage. Les plus connus sont le Trinidadien Samuel Selvon (1923-1994), le Barbadien George Lamming (né en 1927) ou V. S. Naipaul (prix Nobel de littérature en 2001). Si les deux premiers sont assez proches des thèmes d'Edgar Mittelholzer et dénoncent le rejet des métropolitains à l'égard des populations locales s'exerçant à travers le racisme et les inégalités, V. S. Naipaul est moins vindicatif pour décrire les Antilles, sans illusion mais avec humour. Il s'inscrit davantage dans la culture anglaise et notamment dans sa langue, même si dans ses premières oeuvres -- comme Samuel Selvon, qui lui aussi descend des Indiens que Britanniques et Français ont fait venir pour travailler --, il utilise d'abord le ton calypso (style de musique jamaïcaine mais aussi type d'expression de la tradition orale donnant une vision « caustique de situations picaresques «). On retrouve cette source orale chez Samuel Selvon notamment dans A Brighter Sun (1952) ou Turn Again Tiger (1958). Une diaspora voit émerger, à la suite du roman Crick, Crack, Monckey (1970), le Trinidadien Merle Hodge (née en 1944), de nombreuses femmes telle la Jamaïcaine Lorna Goodison (née en 1947), le Trinidadien Dionne Brand (né en 1953) ou l'Haïtienne Edwige Danticat (née en 1969). 3.3 Thèmes et caractéristiques Le thème de l'émigré est souvent repris dans la littérature des Antilles et des Guyanes anglophones. Elle met souvent en exergue le rejet par le métropolitain mettant en porte-à-faux les insulaires qui partagent pourtant la même culture, notamment chez George Lamming qui parle d'un « exil douloureux mais cependant vital « (The Emigrants, 1954) ou chez Samuel Selvon avec, en 1956, The Lonely Londoners. Cette distance physique avec le pays d'origine déclenche chez certains écrivains une exploration du passé historique ou collectif afin de retrouver une identité propre, détachée de la culture coloniale. Par le biais de l'autobiographie, comme par exemple chez George Lamming ou le Saint-Lucien Derek Walcott (prix Nobel de littérature en 1992), une sorte de retour aux sources s'opère également afin de ne pas oublier des racines qu'une expatriation a parfois fait perdre de vue. Le folklore, le carnaval et les sons de tambours ainsi que la nature resplendissante avec ses grandes étendues luxuriantes, sont également présents pour rappeler les origines et prendre le contre-pied des difficultés de l'existence quotidienne. 3.4 Littérature et engagement Entre l'engagement pour revendiquer une identité forte, en repoussant la culture de la métropole, et la tentative de conciliation entre les deux mondes qui les composent, les écrivains sont partagés. Le poète jamaïcain Claude Mac Kay (1890-1948) fait partie des auteurs dont l'oeuvre, très engagée, rend compte des révoltes et résistances des Jamaïcains dans une langue anglaise mélangée au créole. Cette réflexion va de pair avec des débats virulents et nombreux sur l'existence ou non d'une identité propre et qui se basent tout d'abord sur le rejet de la colonisation puis la revendication des racines africaines. D'abord pour des raisons politiques, ces discussions s'orientent dans les années 1970 vers la question d'une culture caribéenne (l'« antillanité «). D'un autre côté, le mouvement créole se fait une place dans les écrits, notamment chez le Barbadien Edward Kamau Brathwaite (né en 1930) qui développe le concept de « creolization «, instituant que le mélange des différentes populations et traditions composent le substrat d'une nouvelle culture dont une nouvelle langue exprime l'identité. 4 LITTÉRATURE NÉERLANDOPHONE 4.1 Émergence Les colons hollandais, dans leur appréciation des îles des Caraïbes, ne prennent en compte que l'aspect commercial. L'intérêt pour les populations locales est également faible pour ces seigneurs qui ont le fort sentiment d'une supériorité culturelle. Les premières oeuvres écrites rendent d'abord compte de la flibusterie dans les Caraïbes, sous forme de journaux d'aventure. L'ouvrage le plus connu est les Boucaniers américains (1678), d'un écrivain français ayant navigué comme chirurgiens et vécu aux Pays-Bas : Alexandre-Olivier Exquemelin (v. 1645-1707). Cette oeuvre a d'abord été éditée aux Pays-Bas puis traduite en plusieurs langues, notamment en 1686 en français. Ce n'est que plus tard qu'apparaît une oeuvre locale due aux colons hollandais. C'est le cas au Suriname, où la création en 1815 du « Cercle de la littérature au Suriname « permet de publier de nombreuses oeuvres. Une des plus remarquables est les Surinaamsche Manglepoëzij (« mélanges poétiques du Suriname «, 1804) de Paul François Roos (1750-1805). Suite à l'obligation de l'apprentissage du néerlandais dans les écoles, la littérature se développe et devient plus institutionnelle qu'elle ne l'était jusqu'alors. 4.2 Développement À partir de 1926, une nouvelle génération d'écrivains voit le jour. Le plus représentatif et important est le Surinamien Albert Helman (1903-1996), que l'on connaît également à travers plusieurs pseudonymes comme Lou Lichtveld, Lodewijk, Beckmesser, Hypertonides et N. Slob. À la fois journaliste et écrivain, il est très engagé dans la guerre d'Espagne et collabore durant cette période à la revue De Gemeenschap. Il fait aussi de fréquents séjours au Mexique et c'est donc tout naturellement que certains de ses romans s'y déroulent. Son roman d'apprentissage Sud-sud-ouest (Zuid-zuid-west, 1926) et la nouvelle Mon Singe pleure (Mijn aap schreit, 1928) marquent fortement cette période. Il cofonde également la revue Critérium après la Seconde Guerre mondiale, et devient ministre de l'Éducation au Suriname. La revue De Stoep (« le Perron «, fondée à Curaçao en 1940) permet par ailleurs de mettre en avant des romanciers et poètes, comme Tip Marug (pseudonyme de Silvio Albero Marugg, né en 1923), Charles Sickman Corsen (né en 1927) ou encore Oda Blinder (pseudonyme de Yolanda Corsen, née en 1918). Cola Debrot (1902-1981) est à la fois médecin à Amsterdam pendant la Seconde Guerre mondiale, romancier, homme politique et critique. Que ce soit à travers ses oeuvres comme Ma soeur, la négresse (Mijn zuster de negerin, 1935) ou à travers son action politique en tant que président du Conseil de Curaçao, Délégué général des Antilles néerlandaises aux Pays-Bas ou Gouverneur général des Antilles (1962), il maintient une forte relation entre les Pays-Bas et les Antilles néerlandaises. Il possède un style très créatif qu'il développe également dans des pièces de théâtre. Grâce à son travail en tant que rédacteur aux Antilliaanse Cahiers (« Cahiers antillais «, publiés de 1955-1967 à Amsterdam), il contribue à faire connaître une nouvelle génération d'écrivains. Ces derniers mettent en avant l'utilisation du papiamentu, qui est un créole parlé dans les îles néerlandaises, et le Sranan Tongo (langue d'environ 80 p. 100 des Surinamiens). Frank Martinus Arion (pseudonyme de Frank Efraïm Martinus, né en 1936) acquiert quant à lui une place majeure avec son livre Double Jeux (Dubbelspel, 1973) dans lequel il dénonce les discriminations raciales à travers des personnages de la classe populaire. De son côté, Edgar Cairo (né en 1948) prend également une place importante en défendant dans ses oeuvres le Sranan Tongo. Entre littérature assimilée (francophone), acculturée (anglophone) et distincte (néerlandophone), les Antilles et les Guyanes offrent une multitude d'écrivains et d'oeuvres. Nombreux sont les points communs qui dépassent les barrières de la langue. Souvent, dans une recherche d'identité à travers des origines africaines (négritude) ou dans la mise en avant d'une mixité culturelle comme fondement d'une culture à part entière (créolité ou antillanité), parfois dans la création d'une nation à part entière (Haïti), l'écrivain antillais et guyanais se dessine d'abord dans l'affirmation de soi par rapport au pays colonisateur. Cependant, au cours du temps, les écrivains des ces régions se sont approprié une langue personnelle, afin d'exprimer ce qui les construit, ce qui les caractérise et ce qui les détache, pour aboutir à une littérature rendant compte de ce que sont les Antilles et les Guyanes ainsi que leurs habitants, dans un style et des procédés littéraires qui leur sont propres. Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation. Tous droits réservés.

« 2. 3 La spécificité haïtienne et guyanaise La littérature haïtienne naît de son indépendance, en 1804.

Le premier janvier de la même année, l’écrivain Louis Boisrond-Tonnerre (1776-1806) rédige la proclamation d’indépendance qui ouvre le champ à une littérature nationaliste.

Les récits historiques qui ont été produits à cette période font état d’une époque violente.

Alors que se succèdent des poésies glorifiant les hommes de cette époque, des œuvres militantes, telle la Cantate à l’Indépendance (1821) de Juste Chanlatte (1766- 1828), mettent aussi en avant l’identité noire.

Paradoxalement, cette littérature de l’identité affirmée face à la France continue de s’exprimer en langue française, qui reste la langue officielle même si le créole est la langue maternelle des Haïtiens. Lors de l’occupation américaine, de 1915 à 1934, une forte crise intellectuelle a lieu, accompagnée de l’affirmation d’un fort attachement aux racines africaines.

Jean Price-Mars (1876-1969) joue un rôle important dans ce sursaut dont les fers de lance sont la langue créole et le culte vaudou, à travers notamment son ouvrage majeur Ainsi parla l’oncle (1928).

Une nouvelle littérature naît alors et se fait poésie engagée ou fantaisiste, tandis que l’« indigénisme » s’installe dans les romans de Jean-Baptiste Cinéas (1895-1958 ; le Drame de la terre , 1933) ou de Jacques Roumain (1907-1944 ; Gouverneurs de la rosée, 1944) pour rendre compte de la difficulté comme de l’art de vivre des paysans haïtiens.

Avec la dictature de François Duvalier (de 1964 à 1971) et de son fils Jean-Claude (jusqu’en 1986), beaucoup d’écrivains se sont expatriés (aux États-Unis ou au Canada) et ont parfois utilisé la langue anglaise pour faire revivre, avec une expression empreinte de lyrisme, leur pays à travers le thème de la mémoire. Gary Victor (né en 1958) est actuellement l’un des auteurs les plus lus à Haïti.

Il fait état dans ses ouvrages (tel la Piste des sortilèges, 1996) de la « décomposition » et du climat de violence de la société haïtienne, sans jamais toutefois se départir d’une lueur d’espoir qui, derrière un lointain mal-être, est toujours présente.

La poésie reste également très vivante en Haïti, notamment avec James Noël (né en 1978) qui fait partie de la toute nouvelle génération de poètes.

Son premier recueil de poésie, intitulé Poèmes à double tranchant / Seul le baiser pour muselière , est le premier texte d’un auteur haïtien à être présenté dans un programme scolaire haïtien (2005-2006).

Quant à Bonel Auguste (né en 1973), il représente pour le célèbre écrivain haïtien Frankétienne (né en 1936), faisant référence à son premier recueil Fas doub lanmò (2000), « l’un des premiers écrivains philosophes de la littérature créole ». Les auteurs de la Guyane française ont dû surmonter quant à eux une image péjorative.

En effet, dans l’esprit collectif, ce pays est celui du bagne, où les conditions de vie sont terribles, et du climat tropical pénible.

La plupart des auteurs guyanais sont particulièrement engagés politiquement.

Il en est ainsi de Léon-Gontran Damas, l’une des figures essentielles de la négritude, pour qui littérature et politique vont de pair.

Très tôt, témoin des discriminations raciales en France, il lutte en faveur des droits civiques et est élu, de 1948 à 1951, député à l’Assemblée nationale française.

Il relate dans ses écrits les douleurs issues du racisme.

Quelques-unes de ses œuvres ont été brûlées par l’administration (notamment son pamphlet sur la colonisation, Retour de Guyane , 1938) ou même saisies en 1939 ( Pigments, 1937, ouvrage considéré comme portant « atteinte à la sûreté intérieure de l’État français »).

Serge Patient (né en 1935) s’inscrit lui aussi dans cette tradition « politico- littéraire ».

Professeur puis proviseur, il est conseiller général de la Guyane et maire-adjoint de la municipalité de Kourou jusqu’en 1995.

Il écrit dans une veine régionale des textes qui sont des protestations contre les injustices subies par la population guyanaise.

Il dénonce aussi et surtout la colonisation, notamment dans son livre le Nègre du gouverneur (1978) dans lequel il dépeint des personnages fortement ancrés dans l’histoire des relations déséquilibrées et destructrices entre populations blanche et noire.

Éli Stephenson (né en 1944) est quant à lui un poète qui se démarque de l’antillanité, mettant l’accent sur la spécificité de la Guyane : ce n’est pas une île et elle n’appartient pas aux Antilles à proprement parler.

Selon lui, puisqu’elle fait partie de l’Amérique du Sud, elle doit s’en démarquer en utilisant par exemple le créole guyanais.

Contrairement à beaucoup de ses compatriotes, il propose une vision plus douce et plus joyeuse de son identité, avec un goût prononcé pour le bonheur ( Rien de pays , 1976 ou Comme des gouttes de sang , 1988), tout en prônant une forte récupération du pays, car « […] simplement je ne sais pas / Si je suis chez moi ou chez eux » ( Terres mêlées , 1984).

Entre engagement politique et engagement littéraire, la littérature guyanaise tente de faire sortir les Guyanais de la « torpeur » où semble les avoir projetés le colonialisme. 3 LA LITTÉRATURE ANGLOPHONE 3. 1 Contexte social et culturel Les îles anglophones, nombreuses, ont connu plusieurs colonisations avant de devenir anglaises et d’obtenir une indépendance tardive ( XXe siècle).

Cette absence de longues périodes de calme et d’unité explique la grande disparité des écrivains anglophones et de leur littérature.

Les écrivains jamaïcains développent une littérature très identitaire basée sur une histoire forte de résistance et de « marronnage » (fuite d’un esclave de la propriété de son maître).

Il en va tout autrement à Trinidad, du fait d’une importante population indienne, où la littérature se veut davantage le reflet du déchirement entre tradition et culture anglo-saxonne.

Néanmoins, deux facteurs sont communs : des systèmes scolaires caractérisés par une très forte présence de la culture anglaise et une réussite sociale définie par la connaissance de cette culture et par la fréquentation des écoles de la métropole.

Ainsi, ce passage « obligé », qui sous-tend une période de voyage, s’exprime par les notions de « départ » et d’« émigré ».

Cependant, parfois, un sentiment de trahison, de déracinement ou d’abandon de ses origines se fait ressentir, l’auteur devant concilier sa réussite individuelle, grâce à la culture métropolitaine. 3. 2 Émergence et développement Les premiers représentants de la littérature des îles anglophones sont les planteurs blancs comme l’Anglais James Grainger (1721-1766).

Ils écrivent des poèmes retraçant la vie quotidienne des populations locales, tout en entretenant l’idée du bon esclave vivant en harmonie avec son maître juste et bon.

À partir de la reprise en main par les populations noires de leur destinée, une véritable vie intellectuelle émerge.

Celle-ci s’exprime tout d’abord dans un courant poétique représenté notamment par le Jamaïcain Tom Redcam (pseudonyme de Thomas Henry MacDermot, 1870-1933) et le Guyanien Egbert Martin (1862-1890).

Comme pour la plupart des autres littératures de la région, les œuvres locales sont d’abord ignorées par les métropolitains. À partir des années 1950, les œuvres produites par des écrivains insulaires sont mises en avant.

Une émission radio de la BBC dirigée par le Trinidadien Vidiadhar Surajprasad Naipaul, « Caribbean Voices », donne à entendre des extraits de livres ainsi que la voix de ceux qui les écrivent.

De nombreux intellectuels y participent et ce « lieu » d’expression et de rencontres offre une tribune efficace et des échanges salutaires.

Les protagonistes vont pouvoir ainsi prendre connaissance des points communs entre les différentes cultures locales et s’y retrouver.

Un mouvement d’indépendance littéraire prend alors son essor et une reconnaissance à l’étranger est enfin accordée aux écrivains anglophones des Antilles et du Guyana. Le Guyanien Edgar Mittelholzer (Guyana, 1909-1965) est le premier écrivain de cette génération à bénéficier de cette reconnaissance, décrivant dans ses œuvres les conflits tout autant raciaux que sociaux.

Il arrive en 1948 en Angleterre et s’y installe, pensant qu’il n’y a qu’en métropole que le succès peut venir.

D’autres écrivains le suivent dans son voyage.

Les plus connus sont le Trinidadien Samuel Selvon (1923-1994), le Barbadien George Lamming (né en 1927) ou V.

S.

Naipaul (prix Nobel de littérature en 2001).

Si les deux premiers sont assez proches des thèmes d’Edgar Mittelholzer et dénoncent le rejet des métropolitains à l’égard des populations locales s’exerçant à travers le racisme et les inégalités, V.

S.

Naipaul est moins vindicatif pour décrire les Antilles, sans illusion mais avec humour.

Il s’inscrit davantage dans la culture anglaise et notamment dans sa langue, même si dans ses premières œuvres — comme Samuel Selvon, qui lui aussi descend des Indiens que Britanniques et Français ont fait venir pour travailler —, il utilise d’abord le ton calypso (style de musique jamaïcaine mais aussi type d’expression de la tradition orale donnant une vision « caustique de situations picaresques »).

On retrouve cette. »

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