Analyse du chapitre IX du livre II - Le Rouge Et Le Noir
Publié le 09/10/2010
Extrait du document
Analyse du chapitre IX du livre II
L’extrait étudié est situé dans le livre II au chapitre IX intitulé « Le Bal «
Ce chapitre a plusieurs sous-titres dont deux fois le « Le bal « ce qui implique que cet événement reste très important pour l’ascension sociale de Julien, il y découvre le luxe de ces soirées.
Lecture du texte : « Mais M. Sorel ne vient point………avec Julien «
Situation :
L’action se situe à Paris.
Dans ce chapitre, qui est une continuité du chapitre 8 précédent, les personnages, en particulier Mathilde et Julien évoluent parmi les invités au bal de M. de Retz. Cet événement a lieu dans le magnifique hôtel particulier de celui-ci. Julien, transformé en dandy, découvre pour la première fois la vie de salon et écoutent les conversations d’un groupe d’admirateurs sur la beauté des femmes présentes dont Mathilde qui est la reine de la soirée. En apercevant le comte Altamira, conspirateur libéral, condamné à mort, Mathilde médite sur ce qui distingue un homme et pense que la peine de mort est la seule grandeur qui ne s’achète pas. Mais la jeune femme s’ennuie ; elle attend Julien Sorel avec qui elle souhaite s’entretenir. Elle l’aperçoit dans un autre salon alors qu’il parle de Danton avec Altamira. Consciente de sa désinvolture elle s’immisce dans la conversation des deux hommes. Julien et Mathilde vont s’affronter au travers de leurs regards.
Structure :
Nous avons choisi de découper ce texte en 5 paragraphes :
1er paragraphe : « Mais M. Sorel ……….. a redoublé d’orgueil. «
Mathilde observe Julien ; elle analyse les changements physiques opérés.
2ème paragraphe : « Julien se rapprochait …………….. Danton était un homme ! «
Julien se rapproche ; mais il continue sa conversation avec le comte d’Altamira.
3ème paragraphe : « Ô ciel ! …………… fort peu poli. «
Mathilde s’immisce dans la conversation des deux hommes.
4ème paragraphe : « Julien attendit ………………. Empressement marqué. «
Julien et Mathilde s’affrontent au travers de leurs regards.
5ème paragraphe : « Lui, ……………… avec Julien. «
Mathilde commente les réactions de Julien et pour pallier à l’ennui décide de suivre la conservation de celui-ci et du condamné à mort
Analyse :
1ère partie :
1er paragraphe : « Mais M. Sorel …………. a redoublé d’orgueil. «
Mathilde observe Julien ; elle analyse les changements physiques opérés.
Quand Mathilde aperçoit Julien, il lui semble qu’il a changé, qu’il a perdu son ton de « froideur impassible « (ou marmoréen), c’est une expression singulière pour caractériser une personne ; en effet « Etre impassible « signifie être assez maître de soi pour ne pas laisser paraître ses souffrances physiques ou ses émotions.
Ici, Julien est décrit comme un homme qui semble avoir perdu cette maîtrise de soi qui suppose des efforts permanents, en effet ce ton de froideur impassible n’est pas un état naturel ; il repose sur le désir de paraitre conforme à une situation donnée. Julien est un calculateur qui agit dans le seul but de réaliser l’objet de sa quête initiale : la réussite sociale. On remarquera que Mathilde définit ce ton comme « si naturel « ce qui est contraire à la définition première. De plus il n’a plus l’air d’un anglais. Cette formule il n’a plus l’air, que l’on trouve à cinq reprises dans le texte, décrit les différents états dans lesquels Julien veut paraitre : « ne plus avoir l’air anglais «, « avoir l’air méchant «, « dire d’un air extraordinaire «, « avoir un air orgueilleusement humble « et « avoir quelque de l’air de … «. Tout cela n’est que faux semblant.
Mathilde décrit son regard comme un feu sombre, il veut impressionner. Il parait ressembler à « un prince déguisé «, motif du paraître.
Dans cette partie Mathilde décrit un jeune homme qui n’a rien de réel, dont le jeu est de paraître pour aboutir à ses fins.
2ème partie :
2ème paragraphe : « Julien se rapprochait …………….. Danton était un homme ! «
Julien se rapproche ; mais il continue sa conversation avec le comte d’Altamira.
Dans cet extrait, le point de vue du narrateur (point de vue omniscient) est focalisé sur Mathilde. Elle est totalement subjuguée par le charisme que semble dégager Julien, elle cherche « ces hautes qualités «.
A la différence du “Julien” du premier livre, ce nouveau Julien sait jouer un rôle parfaitement convenable en société, il est éduqué ; il dit au comte Altamira « Danton était un homme «, ce qui montre qu’il assume ses choix politiques. Dans le Livre 1, on se rappelle qu’il avait été pris de panique quand chez M de Rênal, on faillit découvrir le portrait de Napoléon qu’il chérissait.
On remarque que Julien admire le même type d’homme : un homme charismatique, énergique et surtout prêt à tout pour assurer sa réussite. Danton était considéré comme un politicien sans scrupules, vénal et capable de trahir la Révolution. En effet, Julien est prêt à tout pour assouvir ses ambitions, voire lui aussi trahir les personnes qui lui sont chères.
Un profond changement s’est opéré depuis le Livre I, Julien semble être devenu un personnage, quelqu’un d’important, de distingué et surtout, qui sait charmer son auditoire et se plier aux conventions sociales avec brio.
3ème partie :
3ème paragraphe : « Ô ciel ! …………… fort peu poli. «
Mathilde s’immisce dans la conversation des deux hommes.
Ici, nous assistons au premier échange du chapitre entre Mathilde et Julien, qui est pour le moins houleux. Malgré la méchanceté que met Julien à répondre à Mathilde, cette dernière ne se démonte pas, et semble subjuguée de plus belle.
Pourtant Mathilde est choquée que Julien puisse admirer un être aussi laid physiquement que Danton, qui est aussi considéré comme un « boucher «, la laideur physique et morale allant de pair pour elle ; Julien est « beau « donc il ne peut pas y avoir de laideur morale en lui. N’écoutant que sa naïveté, elle se permet d’interrompre Julien, qui l’intimide, mais aussi l’intrigue. Elle « n’hésite « pas à s’adresser à lui directement, et sa candeur est soulignée par l’expression « jeune fille « du narrateur.
Cela montre la position d’infériorité dans laquelle elle se trouve par rapport à Julien, même si socialement c’est l’inverse. On peut faire un parallèle avec le Premier Livre au chapitre VI, la première rencontre de Julien et Mme de Rênal, c’était Julien qui était en position d’infériorité. Mathilde est candide mais pourtant vive et directe « elle avait la conscience et l’orgueil de faire une question extraordinaire pour une jeune fille «.
La réponse de Julien à la question de Mathilde « - Danton n’était-il pas un boucher ? « est dure et sèche. On note le langage utilisé par Julien qui dénote le dédain, le mépris.
On comprend pourquoi Julien admire Danton car il explique que le révolutionnaire avait des origines très modestes, on comprend donc que ce dernier s’approprie la réussite de Danton comme pouvant être la sienne, et comme un modèle à suivre « mais malheureusement pour les gens bien nés, il était avocat à Méry-sur-Seine ; c’est-à-dire […] qu’il a commencé comme plusieurs pairs que je vois ici «. On ressent l’irritation de Julien car Mathilde touche à un sujet sensible qui vient ébranler la façade de marbre qu’il s’est créée. Pour lui, la seule façon de se faire respecter et asseoir son autorité en tant qu’homme est de simuler le dédain. Mathilde, dans toute sa jeunesse est totalement envoûtée par le « charisme « et la confiance que dégage Julien.
4ème partie :
4ème paragraphe : « Julien attendit ………………. Empressement marqué. «
Julien et Mathilde s’affrontent au travers de leurs regards.
Dans cette partie nous assistons à un étrange ballet entre les protagonistes, Julien et Mathilde, qui vont tour à tour se retrouver dans des situations opposées ou similaires. Dans un premier temps Julien prends la position de l’homme très sûr de lui. Mais ce n’est qu’un masque, il joue le rôle du « Julien secrétaire «. L’auteur emploie un oxymore « orgueilleusement humble « pour donner encore plus d’irréalité à cette scène. On dirait une pantomime. De plus nous retrouvons ici le champ lexical du dédain « il ne daignait pas lever l’œil sur Mathilde... «.
Mais Mathilde va le déstabiliser par son attitude effrontée pour une jeune fille de la bourgeoisie. En effet elle fixe délibérément Julien de son regard, mais ce regard est celui d’une esclave. Dans cette situation d’attente, de dévotion elle donne soudain à Julien une importance nouvelle. Compte tenu du contexte, du lieu, du moment elle prend des risques, ce regard peut susciter bien des interrogations. Cependant elle ne cache pas son intérêt pour le jeune homme. C’est une fonceuse, elle veut capter son attention. Face au silence de ce regard, julien lui rend son regard mais en se mettant dans une position similaire à celle de Mathilde. En effet il se met dans la peau du valet qui regarde sa maîtresse. Esclave et valet ils se sont mis sur un même pied d’égalité mais ils n’ont pas le même statut, elle reste la reine de la soirée et lui le jeune homme assoiffé de pouvoir.
Toute cette scène se passe sans aucune parole, c’est une action instantanée qui se passe très vite même si on a la sensation que le moment « dure « notamment avec l’emploi de l’adverbe « yeux ouverts extraordinairement « qui confère une certaine langueur à cet instant fugace.
Julien est déstabilisé par la hardiesse de la jeune fille, il n’était pas habitué à cela si on compare Mathilde, jeune et fougueuse, et Mme de Rênal, plus douce et réservée. Quand enfin leurs regards se croisent, Julien va briser ce lien visuel et s’esquiver ; il s’en va précipitamment.
Malgré les efforts que Julien fait pour pouvoir accéder à un rang social digne de ses espérances, et en cela on en voit les résultats puisqu’il apparait désormais comme un homme bien habillé, bien éduqué et en qui on a confiance, ses réactions vis-à-vis des femmes demeurent celles d’un adolescent, ce qui est normal puisque qu’il joue un rôle en permanence et que le ressenti des émotions restent les seuls instants où il peut encore faiblir, parce qu’ils ne sont pas toujours contrôlables. Julien semble exaspéré par l’attitude désinvolte de Mathilde ce qui explique son départ précipité. Mathilde a un « regard étrange «, ce point de vue du narrateur confirme l’étrangeté de la scène à laquelle nous venons d’assister.
5ème partie :
5ème paragraphe : « Lui, ……………… avec Julien. «
Mathilde commente les réactions de Julien et pour pallier à l’ennui décide de suivre la conservation de celui-ci et du condamné à mort
Ce paragraphe opère une rupture avec la scène précédente. Une fois Julien parti, le charme est rompu, Mathilde reprend pied avec la réalité. Elle sort de sa « rêverie «. En effet ce qu’elle vient de faire l’a-t-elle vraiment fait ou est-ce un rêve ? Une fois le choc de l’émotion passé, en effet n’a-t-elle pas dérogé à la bonne conduite, ne s’est-elle pas laissé entrainer par sa jeunesse ? Elle fait fi de tout cela et pour retrouver bonne contenance elle fait une remarque sur les propos tenus par Julien. Julien a fait l’éloge de Danton. Comment ce beau jeune homme si différent des jeunes gens qui la courtisent peut-il faire l’éloge d’un homme si laid ? Elle ne lui trouve aucune similitude avec Danton. Mathilde compare Julien au flamboyant Napoléon que son père imite parfois au bal. En effet Danton et Napoléon sont des figures historiques opposés. Julien cherche à ressembler à son modèle Napoléon mais il a cependant quelque chose de Danton, cette énergie qu’il déploie pour atteindre son objectif.
Mathilde a inconsciemment mis à jour le « secret « de Julien en le comparant à Napoléon.
Soudain nous assistons à un changement de rythme qui est perçu par l’emploi du passé simple, et des verbes qui indique la rapidité de l’action : « elle saisit le bras de son frère, le força «. Elle reprend son rang de jeune bourgeoise et décide de se désennuyer en suivant la conversation de Julien avec le condamné à mort. Elle entraîne dans son sillage son frère qui devient son faire valoir.
Analyse stylistique :
Champs lexical de la vue : yeux, œil, regard, regarder, apercevoir.
Champs lexical du dédain : mépris, daignait
On remarque que dans cet extrait de très nombreux adverbes sont employés : fixement, horriblement, malheureusement, rapidement, orgueilleusement, extraordinairement. Ces emplois redondants marquent l’exagération des faux-semblants.
Conclusion :
Mathilde est attirée par l’originalité de Julien, cet extrait marque le début de leur relation. Ce lien nouveau est principalement acté par le champ lexical du regard. « Quoique ses yeux rencontrassent en plein ceux de Mathilde,… « On pourrait penser, à cet instant à un coup de foudre mais ce n’est que la première étape de leur « histoire «.
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