alfred de musset
Publié le 03/11/2013
Extrait du document


«
propriétaires
du Péquod ,
les autres actionnaires disséminésetde moindre importance laissaientlapresque entière
direction desaffaires dunavire àces deux-là.
Etjesoupçonnai cevieux pingre deBildad d’avoir largement sonmot àdire
dans lesengagements d’autantplusquejel’avais trouvé àbord, sesentant toutàfait chez luidans cette cabine, etlisant
sa Bible comme s’ilsetrouvait aucoin desapropre cheminée.
Maintenant, tandisquePeleg essayait vainement detailler
une plume àl’aide deson couteau, levieux Bildad, àma grande surprise, étantdonné qu’ilétait partie intéressée dans
ces formalités, Bildadnenous accorda aucuneattention, maiscontinua àmarmotter lesphrases deson livre : « Nevous
amassez pointdetrésors surlaterre oulamite… »
– Alors, capitaine Bildad,interrompit Peleg,qu’endis-tu ? quellepartdonnerons-nous àce jeune homme ?
– Tu saismieux… futlasépulcrale réponse,la777 ene serait pastrop, n’est-ce pas ?…« oùlamite etlever
consument… maisamassez-vous… »
Amassez ! vraiment ! pensai-jeavecunepart pareille ! la777 e ! Eh bien ! vieuxBildad, vousavezrésolu quemoi le
premier, jen’amasserai pasici-bas, làoù lamite etlever consument.
C’étaitunepart àlong terme, àun terme excessif en
vérité, bienquel’amplitude duchiffre puisse, deprime abord, tromper unterrien, unpeu deréflexion montrera quesi
777 estunbien grosnombre, pourtant lorsqu’on luiajoute laparticule ème,force luisera faite deconstater quele777 e
d’un centime celafaitbeaucoup moinsque777doublons d’or.C’est bienceque jepensais àce moment-là.
– Que lediable t’emporte, Bildad,s’écriaPeleg,tune veux quand même pasfilouter cejeune homme ! ilfaut lui
donner plusquecela.
– Sept centsoixante-dix-septième, répétaBildadsanslever lesyeux ; etilse remit àmarmonner « caroùest ton
trésor, làaussi seratoncœur. »
– Je vais l’inscrire pourunetrois centième, ditPeleg.
Tum’as bienentendu, Bildad.J’aiditlatrois centième.
Bildad posasonlivre etse tournant versluiavec solennité dit :
– Capitaine Peleg,tuas un cœur généreux, maistudois prendre enconsidération cedevoir quiestletien envers les
autres propriétaires decenavire : desveuves, desorphelins pourbonnombre d’entreeux,etadmettre quesinous
rétribuons troplargement lesservices decejeune homme, nousenlèverons peut-êtrelepain delabouche àces veuves
et àces orphelins.
La777 e, capitaine Peleg.
– Toi, Bildad ! rugitPeleg enselevant eten s’agitant bruyamment danslacabine.
Maudit sois-tu, capitaine Bildad,si
j’avais suivitonavis dans cesdomaines, j’auraiseu,avant cejour, uneconscience àtraîner quiserait assezlourde pour
envoyer parlefond leplus grand vaisseau quiaitjamais doublé lecap Horn.
– Capitaine Peleg,poursuivit Bildadfermement, taconscience peutbientirerdixpouces d’eauoudix brasses, jen’en
sais rien, mais étant donné quetues toujours unpécheur impénitent, capitainePeleg,jeredoute beaucoup queta
conscience, elle,n’ait unevoie d’eau, netecoule etne t’entraîne danslafournaise del’enfer, capitaine Peleg.
– La fournaise del’enfer ! Lafournaise del’enfer ! tum’insultes, homme,au-delàdecequ’on peuthumainement
supporter, tum’insultes.
C’estunsacré outrage quededire àn’importe quelêtrehumain qu’ilestvoué àl’enfer.
Partous
les tonnerres ! Bildad,dis-lemoiencore unefoisetfais-moi sortirdemes gonds, maisje…je… oui, j’avalerai unechèvre
vivante, poils,cornes ettout.
Horsd’ici, cafard décoloré, pistoletdebois… aularge etplus viteque ça !
Tandis qu’iltempêtait delasorte, ilse précipita surBildad quiesquiva surlecôté avec unepromptitude admirableet
l’évita pourcette fois.
Alarmé parcette terrible algarade entrelesdeux principaux propriétaires etresponsables dunavire, mesentant à
demi prêtàrenoncer àtoute idéed’embarquer surunbateau ensidiscutable possession, etbien quel’autorité deces
capitaines nefût que temporaire, jem’écartai delaporte pourlaisser passer Bildadqui,jen’en doutai pasuninstant,
brûlait dudésir desesoustraire àla colère éveillée enPeleg.
Maisàmon étonnement, ilse rassit toutàfait paisiblement
et ne parut pasavoir lamoindre intention deseretirer.
Ilparaissait faitaufeu encequi concernait l’impénitent Peleget
ses habitudes.
QuantàPeleg, aprèsavoirdonné librecours àsa fureur, ilsemblait l’avoirtotalement épuisée,etlui aussi,
il s’assit comme unagneau, bienqu’ileûtdes crispations commesises nerfs vibraient encore.
– Pfuit ! siffla-t-il enfin…legrain apassé souslevent, jecrois.
Bildad, autrefois tuétais adroit pouraiguiser les
lances, taille-moi cetteplume, veux-tu.
Moncouteau abesoin delameule.
Jete reconnais là,merci, Bildad.
Àprésent,
mon garçon, Ismaëlestton nom, as-tudit ?Ehbien, c’estenrègle, Ismaël, pourlatrois centième.
– Capitaine Peleg,dis-je,j’aiunami avec moiquivoudrait embarquer aussi…puis-je l’amener demain ?
– Naturellement, ditPeleg, amène-le quenous levoyions.
– Quelle partveut-il ? gémitBildad, levantlesyeux deson livre dans lequel ils’était ànouveau absorbé.
– Oh ! Net’occupe pasdecela, Bildad, puis,setournant versmoi, Peleg ajouta : A-t-ildéjàchassé labaleine ?
– Tué plusdebaleines quejene saurais compter, capitaine Peleg.
– Bon, alorsamène-le.
Les papiers signés,jepartis, nemettant pasendoute quej’avais faitdubon travail cematin etque le Péquod était
bel etbien lenavire prévuparYoyo pournous transporter Queequegetmoi au-delà ducap Horn.
Mais jene m’étais guèreéloigné quejeréalisai n’avoirpasencore vulecapitaine aveclequel nousdevions partir,
bien qu’à vraidire, enmaintes occasions, unbaleinier puissesetrouver complètement armé,toutsonéquipage àbord, et.
»
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