« Alcools « de Guillaume Apollinaire Sommaire : 1. Biographie de Guillaume Apollinaire 2. Bibliographie d’Hervé Bazin 3. Le recueil intitulé « Alcools « - Analyse de Le Pont Mirabeau, Colchiques, Chanson du Mal Aimé, Santé. Travail : 1. Biographie Guillaume Apollinaire, de son vrai nom Guillaume Apollinaris Kostrowitzky, est né à Rome en 1880. Il est le fils d’une jeune polonaise et d’un père inconnu. Il vivra d’abord en Italie puis, de 1886 à 1898, sur la Côte d’Azur et à Monaco. Il arrive à Paris en 1899. En 1901, il part en Rhénanie comme précepteur. Il adore cette région et le Rhin jouera un rôle important dans son inspiration poétique. En 1902 il rentre en France après une déception amoureuse. La gouvernante anglaise des enfants pour lesquels il était précepteur a repoussé ses avances. En mars, il publie son premier conte « L’Hérésiarque « et il sera signé du nom de Guillaume Apollinaire. Devenu employé de banque, il fréquente Alfred Jarry,Max Jacob et André Salmon, mais aussi Derain, Vlaminck et Picasso. A deux reprises il va se rendre à Londres pour tenter de récupérer son amour Rhénan, mais ce sera sans succès. De ce moment naît en lui la sensation qu’il est un mal aimé. Nous sommes en 1904 et il faudra attendre l’année 1907 pour qu’il tombe follement amoureux de Marie Laurencin. Apollinaire continue à fréquenter les réunions littéraires de la rive gauche ainsi que celles de la Closerie des Lilas. Son premier livre, « L’Enchanteur pourrissant « paraît en 1908. Il quitte la banque et touche à l’édition. A partir de 1910, il devient un important critique d’art et écrit dans « L’Intransigeant « et dans « Paris-journal « Son premier roman, « L’Hérésiarque et Cie «, paraît la même année. Mais, en 1911, un bref séjour en prison d’une semaine, après le vol de la Joconde, va le marquer profondément. Il sera disculpé, mais sa liaison avec Marie Laurencin se met à battre de l’aile et se termine par une rupture en 1912. Il s’en remettra mal et cela ne fera que le confirmer sur dans son rôle de mal-aimé. C’est cette même année qu’il s’installe dans ce qui sera son dernier domicile au 202 du boulevard Saint-Germain. A cette époque, son rôle de critique d’art va prendre de plus en plus d’importance. Il soutient les futuristes italiens et les Allemands faisant partie de la revue berlinoise « Der Sturm « C’est en 1913 qu’il publie son recueil de poèmes « Alcools «. Au moment de la déclaration de guerre, il a de nombreux travaux en cours mais il s’engage de suite. Il est versé dans une compagne d’artillerie et sera en 1915 en Champagne. C’est de là qu’il écrit ses poèmes enflammés à Lou qu’il a rencontré à Nice quelques semaines avant la guerre. Cette passion a été foudroyante et enflammée, mais n’a pas duré longtemps. Il écrit aussi beaucoup à une certaine Madeleine Pagès qu’il a rencontré dans le train entre Nice et Marseille. Ils se fiancent la même année en août, pendant une permission, juste avant que d’être muté comme sous-lieutenant dans l’infanterie. En mars 1916 il est blessé d’un éclat d’obus à la tempe et sera trépané à deux reprises. Il mettra du temps à s’en remettre et à sa sortie de l’hôpital il sera muté à Paris dans des bureaux. On ne parle plus des fiançailles… Fin 1916, il publie « Le poète assassiné «. Il devient célèbre et nombreux sont ceux qui vont se réclamer de lui, comme Tzara ou Breton. En 1917 « Les mamelles de Tirésias « sont jouées au théâtre. En 1918 il épouse Jacqueline Kolb mais, en novembre, il meurt de la grippe espagnole. Apollinaire a été un très grand poète mais il a également écrit pour le théâtre, de nombreux contes qui touchent au fantastique et même à la science fiction ou à l’érotisme ( « Les douze mille verges «) 2. Principales œuvres poétiques - « Alcools « - « Poèmes à Lou « - « Calligrammes « Théâtre - « Les mamelles de Tirésias « - « Couleur du temps « Contes - « L’Hérésiarque et Cie « - « Le poète assassiné « - « La femme assise « Critiques d’art Elles sont très nombreuses et issues de ses collaborations avec plusieurs journaux ou revues. Il est attiré par toutes les nouvelles tendances des arts de son temps. 3. Le recueil intitulé « Alcools « C’est, je pense, un des plus beaux recueils de poèmes qu’il ait écrit. Il est composé de textes écrits en 1901 et- 1902 pendant son séjour en Rhénanie et ses espoirs amoureux de l’époque. Mais il en est d’autres qui datent de 1912. L’impression générale qui s’en dégage relève de la mélancolie. Il y parle du temps qui passe, des amours, de la beauté de la vallée du Rhin, Certaines de ces œuvres prennent des allures classiques, alors que dans d’autres il adore rompre les rythmes, jouer des vers à rimes et des vers libres. Pour lui, toutes les tendances sont bonnes et il adore puiser alternativement dans les unes ou les autres. Il aime aussi mélanger les sujets au sein du même poème. « Sous le pont Mirabeau coule la Seine Et nos amours Faut-il qu’il m’en souvienne La joie venait toujours après la peine Vienne la nuit sonne l’heure La joie venait toujours après la peine Les mains dans les mains restons face à face Tandis que sous Le pont de nos bras passe Des éternels regards l’onde si lasse Vienne la nuit sonne l’heure Les jours s’en vont je demeure L’amour s’en va comme cette eau courante L’amour s’en va Comme la vie est lente Et comme l’Espérance est violente Vienne la nuit sonne l’heure Les jours s’en vont je demeure Passent les jours passent les semaines Ni temps passé Ni les amours reviennent Sous le pont Mirabeau coule la Seine Vienne la nuit sonne l’heure Les jours s’en vont je demeure. « Notez tout d’abord une chose importante : il n’y a aucune ponctuation dans ce poème. Apollinaire est le premier à avoir utilisé cette technique. Il en ira ainsi des autres poèmes également. Notez aussi que la forme des deux vers qui reviennent est tout à fait classique. Ils sont tous les deux des octosyllabes, alors que les autres vers ont davantage de liberté. Il convient aussi de noter que dans chaque strophe le second vers forme comme une cassure par rapport au premier et aux derniers. Il n’en demeure pas moins que, par sa sonorité, ce poème reste classique à nos oreilles. Il y a ici une opposition entre le pont Mirabeau, élément stable, la Seine qui coule, élément fuyant mais qui coulera fort probablement toujours, avec le reste qui sont des choses qui passent : les heures, le temps, les amours, la vie… Alors, pourquoi dit-il qu’il demeure ? …Il ne fait pas partie des choses éternelles pourtant… Nous pouvons penser deux choses : ses amours passent et il les regarde couler au rythme des eaux de la Seine : invariablement. D’autre part, il, pourrait être celui qui n’est que le spectateur et qui subit cette fuite du temps et de ses amours qui ne reviendront pas. Oui, l’espérance des hommes en la vie est violente, surtout pour l’homme amoureux ! Dans son premier poème intitulé « Zone « Apollinaire n’utilise plus les vers ni les rimes et le rythme des phrases varie très fort. Il y joue avec les lieux, le temps, de nombreux personnages et de nombreuses situations. Dans « Colchiques vous trouverez ce vers superbe et passionné : « Et ma vie pour tes yeux lentement s’empoisonne « Le poème « Annie « n’est pas écrit avec des rimes et la longueur de ses vers varie. Il se termine par une belle note d’humour. « La maison des morts « a quelque chose de surréaliste. La musique d’un poème comme « Marie « nous saute à l’oreille. Vient une suite de poèmes intitulés « Rhénanes « et nous retrouvons de la musique dans « Les cloches « et l’amour dévorant dans « La Loreley « Dans « La chanson du mal aimé « comment ne pas retenir ces vers superbes : « Mon beau navire ô ma mémoire Avons-nous assez navigué Dans une onde mauvaise à boire Avons-nous assez divagué De la belle aube au triste soir « De la mélancolie à foison et une musique parfaite ! Je ne résisterai pas à l’envie de vous donner un dernier poème intitulé « A la Santé « I « Avant d’entrer dans ma cellule Il a fallu me mettre nu Et quelle voix sinistre ulule Guillaume qu’es-tu devenu Le Lazare entrant dans la tombe Au lieu d’en sortir comme il fit Adieu adieu chantante ronde Ô mes années ô jeunes filles II Non je ne me sens plus là Moi-même Je suis le quinze de la Onzième Le soleil filtre à travers Les vitres Ses rayons font sur mes vers Les pitres Et dansent sur le papier J’écoute Quelqu’un qui frappe du pied La voûte III Dans une fosse comme un ours Chaque matin je me promène Tournons tournons tournons toujours Le ciel est bleu comme une chaîne Dans une fosse comme un ours Chaque matin je me promène Dans la cellule d’à côté On y fait couler la fontaine Avec les clefs qu’il fait tinter Que le geôlier aille et revienne Dans la cellule d’à côté On y fait couler la fontaine IV Que je m’ennuie entre ces murs tout nus Et peints de couleurs pâles Une mouche sur le papier à pas menus Parcourt mes lignes inégales Que deviendrais-je ô Dieu qui connais ma douleur Toi qui me l’as donnée Prends en pitié mes yeux sans larmes ma pâleur Le bruit de ma chaise enchaînée Et tous ces pauvres cœurs battant dans la prison L’Amour qui m’accompagne Prends en pitié surtout ma débile raison Et ce désespoir qui la gagne V Que lentement passent les heures Comme passe un enterrement Tu pleureras l’heure où tu pleures Qui passera trop vitement Comme passent toutes les heures VI J’écoute les bruits de la ville Et prisonnier sans horizon Je ne vois rien qu’un ciel hostile Et les murs nus de ma prison Le jour s’en va voici que brûle Une lampe dans la prison Nous sommes seuls dans ma cellule Belle clarté Chère raison « Ce poème a été écrit à l’époque de son emprisonnement à la Santé suite au vol de la Joconde dont il a été disculpé une semaine plus tard. Il est à mettre en parallèle avec les poèmes de Villon et « Le ciel est par-dessus le toit « de Verlaine écrit de sa prison de Mons après qu’il ait été condamné pour avoir tiré sur Rimbaud à Bruxelles. Mais chacun de ces deux autres poètes ont passé bien plus de temps en prison que lui. Notez la beauté particulière de la sonorité de la première partie du I, de la seconde de la partie II, de la partie III, de la première de la partie IV, de toute la partie V, ainsi que de toute la partie VI. Bien sûr cet avis n’est que subjectif… Par la suite, Apollinaire va préférer les assonances aux vers libres et ira de plus en plus vers le vers parlé que le vers écrit. Vous avez pu vous rendre compte à quel point le recueil « Alcools « est orienté essentiellement vers la mélancolie, le temps qui passe et les amours perdus. Certains ont dit qu’Apollinaire n’avait fait que suivre les pistes de Baudelaire et de Verlaine. Cela peut parfois se penser dans ce recueil, mais ce n’est pas tout à fait vrai non plus (ponctuation, vers libres etc.) En tout cas cela ne l’est plus du tout dans « Calligrammes « Il y a aussi toutes ses œuvres en prose, son théâtre et ses critiques d’art.