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Acte IV, scène 7 - ‘'L'avare'' de Molière

Publié le 29/07/2010

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Ce monologue de l’avare qui a perdu son trésor est imité de celui du vieux paysan Euclion dans ”Aulularia” de Plaute, qui a perdu l’«aulula«, la marmite, remplie d’or qu’il avait trouvée dans sa demeure, et de celui de Séverin, dans la pièce de Pierre Larivey, “Les esprits” (1579), elle aussi une imitation de Plaute. Molière alla jusqu’à reprendre des formules de l’un et de l’autre.  La scène comporte différentes phases, chacune culminant dans un trait excessif et, de ce fait, très comique :  - l’expression du désarroi d’Harpagon : il prétend être «assassiné«, mot qui s’employait «hyperboliquement pour “importuner beaucoup”, pour parler des excès et outrages qui sont faits avec violence« (dictionnaire de Furetière) ; il «se prend lui-même le bras«, ce qui aboutit à ce cri : «Rends-moi mon argent, coquin !« qui est bouffon puisqu’il s’applique à lui-même ;  - l’affirmation du véritable couple amoureux qu’il forme avec son argent : il est son «support« (en ce temps-là le mot s’employait «figurément, en morale, pour désigner ce qui donne de l’appui, du secours, de la protection« (dictionnaire de Furetière) ; sa réaction à la disparition de l’aimé fait songer à celle qu’on trouve chez Lamartine : «Un seul être vous manque et tout est dépeuplé« ; mais ici le comique est assuré par la progression : «je me meurs, je suis mort« ;  - les questions au sujet des circonstances du vol : elle tendent à incriminer le «traître de fils« ;  - la volonté de recours à la justice : elle ferait «donner la question« qui était «la torture qu’on donnait aux criminels pour savoir la vérité d’un crime qualiifié... il faut qu’il y ait de puissants indices ou demi-preuves pour appliquer à un homme la question« (dictionnaire de Furetière) ; l’exercice envisagé est généralisé par la suppression de l’article pour «servantes«, «valets«, «fils«, «fille«, mais il tombe dans le ridicule par l’ajout de «moi aussi« qui est le comble de la paranoïa ;  - le soupçon porté sur les spectateurs («Que de gens assemblés !«) auxquels Harpagon s’adresse, jeu de scène que Molière a, lui aussi, pris à ses prédécesseurs ; en rompant la convention du quatrième mur, il détruit donc l’illusion théâtrale sur laquelle est fondé le spectacle, qui lui donne son sérieux, la comédie tendant à la détruire régulièrement pour la laisser se reconstituer et la détruire à nouveau ;  - la volonté de châtiment généralisé (les «commissaires« qui sont chargés des enquêtes ; les «archers« qui correspondent à nos agents de police; les «prévôts« qui sont des juges subalternes ; les «gênes« qui sont des instruments de torture) et même de suicide, trait final qui serait tragique s’il n’était si exagéré, la comédie montrant le supplice d’un personnage auquel on ne peut s’identifier, qui ne fait donc qu’amuser.  Cette scène en est donc une de farce où s’agite ce fantoche, ce bouffon, qu’est Harpagon qui fait rire selon des gags millénaires, grâce à un grossissement qui déplaît aux amateurs de grande littérature mais plaît aux amateurs de théâtre.

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