A-t-on raison d'accuser la technique ?
Publié le 22/02/2012
Extrait du document
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jamais été aussi élevés qu'aujourd'hui (dans les pays techniquement avancés) et il est évident que ces avantagessont dus au progrès technique.
Ainsi, l'idée que la nature (ou que les dieux) nous puniraient parce que nous voulonstransformer l'ordre originel est tout simplement une idée fausse et démentie par l'histoire.
De plus, cette supposition serait en quelque sorte insultante vis-à-vis de la nature ou des dieux.
Elle supposerait eneffet une nature ou des dieux mesquins.
On peut démontrer par l'absurde que cette idée ne résiste pas à l'examen.
De deux choses l'une : ou bien la nature est bien faite, ou bien elle est mal faite.
Si elle est mal faite, alors ce n'estpas une faute que de vouloir la transformer pour l'améliorer (on peut au moins essayer de le faire).
Dans ce cas, latechnique est justifiée.
Examinons-donc l'autre branche de l'alternative.
Si la nature est bien faite, alors on supposequ'elle n'a pas donné par hasard une intelligence capable de technique à l'homme.
Or, si la nature avait voulu quel'homme laisse les choses en l'état, elle ne l'aurait pas doté d'une intelligence capable de technique.
La nature auraitplutôt doté l'homme, dès la naissance de chaque individu appartenant à l'espèce, des vêtements et des armesnécessaires à sa survie.
C'est ainsi que les autres animaux naissent vêtus et armés comme l'ours polaire ou le chat.L'homme comme les autres animaux aurait été doté d'un instinct et n'aurait jamais engendré l'histoire.
Bref, si lanature a voulu l'homme, elle a aussi voulu la technique.
[conclusion de cette deuxième partie :]
Les deux branches de l'alternative reviennent donc finalement au même : que la nature soit bien ou mal faite, il n'estpas a priori injuste de vouloir la transformer et a posteriori [c'est-à-dire après expérience] l'histoire montre quel'homme ne semble pas s'en porter plus mal.
[Transition avec la troisième partie :] Mais, qu'en est-il de cetteapparence ? Certes, nous vivons plus longtemps et plus confortablement grâce à la technique, mais en sommes-nous pour autant devenus meilleurs d'un point de vue moral ? La réponse à cette question n'est pas évidente, or,c'est seulement si on pouvait montrer que la technique ne nous a pas rendus pires que celle-ci pourrait êtreentièrement disculpée.
[Troisième partie :]
L'idée selon laquelle l'art (au sens ancien qui englobe aussi ce que nous appelons technique aujourd'hui) nousrendrait meilleurs est contestée par Rousseau.
Souvent l'homme dit « civilisé » assimile avec condescendance le «primitif » ou le « sauvage » au barbare.
Comme s'il était évident que la civilisation permise par le progrès techniquenous rendait non seulement davantage capables de produire des biens consommables susceptibles d'améliorer notreconfort mais, en plus, nous rendait moralement meilleurs.
Rousseau pense exactement le contraire.
Examinons sonargumentation.
Dès que le progrès technique commence à s'effectuer, dès que l'homme sort de l'état primitif, alors la spécialisationdevient nécessaire : tout le monde ne peut pas savoir tout faire.
L'un s'occupera d'élevage, l'autre de cultiver laterre, un autre encore de fondre le métal, etc.
Mais, avec la division du travail naît aussi l'inégalité des fortunes etcette inégalité suscite l'envie d'une part, l'endurcissement du c½ur d'autre part.
Le « robuste sauvage » était satisfait de posséder de quoi survivre.
Ignorant les possibilités offertes par latechnique, il ignorait aussi l'envie.
Du coup, il était accessible à la pitié : celui qui se satisfait du nécessaire partagevolontiers, il n'a pas besoin d'endurcir son c½ur.
Au contraire, celui qui prend goût au luxe ne peut se contenter dunécessaire : il craint de partager et endurcit son c½ur jusqu'à étouffer le sentiment naturel de la pitié.
Bref, selonRousseau nous n'avons jamais été aussi riches et nous n'avons jamais été aussi méchants.
Pour pouvoir jouir sanstrop de culpabilité du superflu, nous ignorons avec plus ou moins de mauvaise foi ceux qui manquent du nécessaire.Ainsi, même au temps où les progrès techniques nous permettraient de nourrir tous les habitants la planète,l'endurcissement du c½ur est tel que des pays entiers souffrent et meurent par manque du nécessaire.
Noussommes donc pires que les animaux, pires que les sauvages.
Mais, en quel sens sommes-nous pires ? Dans le sens où ce ne sont plus nos « sentiments naturels » qui nousdéterminent.
En effet, grâce aux progrès permis par la technique, nous sommes devenus capables de nous mettre àdistance du déterminisme naturel.
Bref, étant capables de liberté, nous devenons capables de moralité et étantcapables de moralité nous devenons capables de méchanceté.
D'un point de vue objectif on peut dire qu'il est pired'être méchant plutôt qu'innocent comme le sont les animaux ou les hommes « à l'état de nature ».
Mais, d'un autrepoint de vue, seul celui qui est capable de liberté est aussi capable de bonté morale.
Dès lors que l'homme prendconscience de sa capacité morale, il devient capable de méchanceté mais aussi capable de s'améliorer, de seperfectionner.
Dès lors que l'histoire a commencé et que l'homme a arraché à la nature la capacité d'être concrètement libre, unretour en arrière est impossible, l'innocence originelle est à tout jamais perdue.
N'étant plus capables d'être « bons »quasi instinctivement, il faut le devenir par volonté.
Il faut donc juger du bien et du mal et c'est à la fois cettecapacité de juger et la volonté de choisir le bien qui fait la dignité de l'homme.
Or, la capacité morale n'aurait pu naître sans que l'activité de l'homme ne mette le déterminisme naturel à distance.Sans cette mise à distance – permise concrètement par la technique – la possibilité de choisir entreplusieurs avenirs possibles n'existerait même pas.
Donc, si l'homme peut juger du bien et du mal, c'est parce que latechnique lui en a donné la possibilité.
Il serait absurde de condamner ce par quoi nous tenons la possibilité de.
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