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Tout acte administratif est-il susceptible de recours ?

Publié le 04/09/2012

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Il est clair que les actes de gouvernement ont une définition de plus en plus restreinte et que les mesures d’ordres internes sont de plus en plus nombreuses à être susceptibles de recours : la volonté du juge administratif d’élargir au maximum son champs de compétences est manifeste et les ilots d’immunité juridique sont de plus en plus isolés, derniers domaines où les actes administratifs ne sont pas susceptibles de recours. Il serait donc tentant de penser que cette tendance est inéluctable et va se poursuivre pour arriver à un état où tout acte serait susceptible de recours. Serait-ce pour autant l’aboutissement de l’Etat de droit ? Est-ce la direction que prennent les arrêts du Conseil d’Etat ? Rien n’est moins sûr car le juge administratif, gardien de ce principe fondamental du droit au recours, est aussi responsable du bon fonctionnement des institutions. Pour les actes administratifs d’organisation, circulaires et mesures d’ordre interne, il ne juge pas les recours de gravité insuffisante comme le veut l’adage « de minimis non curat praetor « et, en cela, considère que les juridictions ne doivent pas être embouteillées pour fonctionner correctement et se concentrer sur les problématiques majeures, permettant en cela de préserver l’action de l’administration et de ne pas banaliser ou instrumentaliser le recours. Pour les actes de gouvernement, il est clair que le Conseil d’Etat se fixe des limites et n’a pas pour but d’éliminer totalement ces actes unilatéraux sans recours possible car l’efficacité de l’exécutif est primordiale pour le bon fonctionnement des institutions comme l’a montré le naufrage institutionnel de la troisième république.

« De même les circulaires sont théoriquement non susceptibles de recours car elles ne font pas grief, elles ne sont pas contraignantes.

C'était la jurisprudence encoregénéralement admise jusqu'à très récemment et l'arrêt du Conseil d'Etat du 18 décembre 2002, Mme Duvignères, dans lequel le juge administratif se réserve le droitde recevabilité des recours contre les circulaires obligatoires (voir infra). ** * Le principe du droit au recours est donc dorénavant reconnu comme un principe général du droit et un principe à valeur constitutionnelle par la juridictionadministrative mais certains domaines lui sont interdits.

Même si la limitation d'un principe fondamental peut paraitre surprenante, les domaines exclus relevant del'action de « gouverner » pour l'exécutif, le concept est acceptable et semble pouvoir fonctionner et il existerait donc des actes administratifs non susceptibles derecours.

Cependant, dans la lignée de l'arrêt Prince Napoléon, le Conseil d'Etat affiche sa volonté de fixer lui-même les limites de son action et il prône un recul desdomaines pour lesquels les recours sont impossibles, soit tout d'abord par une jurisprudence toujours plus précise et ambitieuse soit ensuite en développant la théoriedes actes « détachables », ceci tant en droit interne que dans les actes de gouvernement. En effet, le juge administratif génère une jurisprudence très ambitieuse qui va dans le sens d'une réduction importante des domaines dans lesquels les actesadministratifs jouissaient traditionnellement d'une immunité juridictionnelle.

Cette réduction prétorienne touche aussi bien les domaines d'organisation interne(circulaires et mesures d'ordre intérieure) que les actes de gouvernement. Les actes administratifs caractérisés comme des mesures d'ordre intérieur bénéficiaient encore très récemment d'une quasi-immunité juridictionnelle en tant qu'acted'organisation propre à une administration, des actes nécessaires au bon fonctionnement de ces organes administratifs.

Mais le juge administratif a jugé de son ressortde recevoir des recours concernant certains de ces actes si ceux-ci ne peuvent plus être considérés comme des « mesures d'ordre intérieure » et il a dégagé deuxcritères cumulatifs pour restreindre l'appartenance à cette catégorie : une liberté fondamentale est en jeu dans l'application de ces actes et cette mise en application luiporte une atteinte grave.

Ne sont donc plus automatiquement non susceptibles de recours les actes remplissant ces critères et, réduisant un peu plus les îlotsd'immunité de l'acte administratif « interne », le juge administratif a permis au citoyen de remettre en cause les règlements en vigueur dans trois domaines principaux: les écoles, les prisons et les casernes.

Par son arrêt Kherouaa (CE 2 novembre 1992), le Conseil d'Etat indique que le règlement intérieur d'une école, de par soninterdiction du port du voile, porte atteinte à la liberté fondamentale de conviction et ne peut donc pas être considéré comme une mesure d'ordre intérieur.

De mêmela sanction de mise aux arrêts dans une caserne (CE 17 février 1995, Hardouin) ou les cellules sans visite dans les prisons (CE 17 février 1995, Marie) en tantqu'atteintes graves aux libertés fondamentales ne sont plus considérées comme des mesures d'ordre intérieur par la juridiction administrative.Pour les circulaires, acte ne faisant intrinsèquement pas grief, le recours n'est théoriquement pas possible car il serait alors irrecevable.

Une circulaire est un acte deportée générale adressée par un chef de service à des agents pour leur indiquer la manière d'interpréter et d'appliquer les dispositions des lois et règlements.

Unejurisprudence complexe a permis de définir clairement les circulaires susceptibles de recours des autres.

La jurisprudence Institut Notre-Dame du Kreisker (CE, 29janvier 1954) avait distingué deux types de circulaires : les circulaires interprétatives et les circulaires réglementaires.

Les circulaires réglementaires étaient alorsconsidérées comme des actes faisant grief et pouvaient alors faire l'objet d'un recours.

Alors que ce n'était pas admis pour les circulaires du premier type.

Le fait queles circulaires dites réglementaires modifiaient l'ordonnancement juridique en créant une nouvelle règle de droit en faisait, de facto, des actes administratifssusceptibles de recours selon le juge administratif.

La jurisprudence a été modifiée pour permettre un élargissement du droit au recours via l'arrêt Mme Duvignèresdu 18 décembre 2002 (CE) qui considère dorénavant le caractère impératif de la circulaire pour trancher sur la recevabilité du recours, l'étendant ainsi aux circulairesinterprétatives si ce critère est rempli.Les actes de gouvernement voient aussi le domaine de l'immunité se réduire sous les effets de la jurisprudence du juge administratif.

Ne sont ainsi plus considéréscomme des actes de gouvernement les décrets d'extradition (CE 28 mai 1937 Decerf) et les refus d'extradition (CE 15 octobre 1993 Royaume Uni de GrandeBretagne et d'Irlande du Nord) par exemple.

Ce type d'acte, qui étaient auparavant typiquement des « actes de gouvernement » au sens de l'arrêt Prince Napoléon carrelevant des fonctions régaliennes de l'exécutif, sont dorénavant susceptibles de recours devant le juge administratif et donc d'annulation.

De même, dans l'arrêtSARL du Parc d'activités de Blotzheim (CE Ass 18 décembre 1998), le Conseil d'Etat remet en cause la ratification d'un traité international en contrôlant le respectdes procédures constitutionnelles.Les nombreuses avancées de la jurisprudence du Conseil D'Etat dans ce domaine montrent bien le recul permanent des domaines d'immunité juridictionnelle etd'impunité de l'action de la puissance publique et, par conséquent, l'élargissement qui semble sans limite du domaine des actes susceptibles de recours. Pour étendre encore le domaine de sa compétence à recevoir des recours contre des actes administratifs, le juge administratif a mis en place la technique des actesdétachables permettant de « détacher » certaines dispositions d'actes de portée plus générales pour les rendre ainsi susceptibles de recours.

Même si cela est surtoututilisé dans le domaine des relations internationales, il existe aussi des exemples d'actes de gouvernement auxquels la pratique des actes détachables a été appliquée. Même si cette pratique s'applique effectivement plus souvent aux actes internationaux, le juge administratif a, à plusieurs reprises, jugé recevable des recoursconcernant des actes détachés de décisions administratives en tant qu'acte de gouvernement, amoindrissant par là-même ce domaine d'immunité juridictionnel.

Cetteutilisation prétorienne des actes détachables a créé une jurisprudence dans tous les domaines des actions de l'exécutif : dans son arrêt Mégret du 25 septembre 1998,le conseil d'Etat considère comme détachable le décret chargeant un député d'une mission temporaire auprès d'un membre du gouvernement.

Dans l'arrêt « Eglise descientologie de Paris » du 21 octobre 1988 (CE), le juge administratif juge opposable la décision du premier ministre de publier un rapport.

La proposition dugouvernement concernant la répartition des fonds structurels européens a aussi été remise en cause et le recours considéré comme recevable dans l'arrêt « régionLimousin » du 19 mai 1999.Mais le domaine principal d'application de la technique des actes détachables reste les relations internationales.

Ce domaine relevant traditionnellement de l'exécutifdans la cinquième république et étant le plus représentatif des « actes de gouvernement » pour l'exécutif devrait théoriquement rester hors de portée des compétencesdu juge administratif.

Mais le Conseil d'Etat ne veut pas laisser échapper des actes qui, sous couvert de liens avec des relations internationales, traitent en faitd'activités sur le territoire nationale et peuvent alors restreindre des libertés pour le citoyen ou induire des règles de droit applicables de manière unilatérale.

LeConseil d'Etat juge de sa responsabilité d'autoriser les recours dans ces cas-ci et se porte garant de l'applicabilité du principe du droit au recours même pour desdécisions contenues dans des actes de gouvernement de cette nature.

Des dispositions telles que le choix du site d'implantation du synchrotron européen (CE, 8janvier 1988, Communauté urbaine de Strasbourg) ou l'autorisation d'implantation de l'émetteur d'une station de radiodiffusion étrangère en France (CE, 17décembre 1982, « société Radio Monte Carlo ») ont fait l'objet de recours acceptés par le juge car, bien que faisant partie de négociations internationales, ces actesprécis devaient en être détachés car impactant le citoyen sur le territoire national.

Dans le domaine plus précis des relations internationales, le juge administratif ajugé recevables deux recours concernant l'interdiction de manifestions à Paris lors de la visite du président chinois (CE, 17 novembre 1997, « Ministère de l'intérieurcc/ communauté tibétaine de France ») ou l'interdiction de l'exportation de matériel nucléaire au Pakistan (CE, 18 Février 1988, « société Robatel »), remettant ainsiclairement en cause la prise de décision unilatérale de l'exécutif dans ce domaine régalien que sont les affaires étrangères.Dans le domaine des relations internationales, un domaine plus particulier concentre de très nombreux arrêts impliquant la technique des actes détachables, c'est ledomaine des actes d'extradition.

Trouvant ses sources dans les conventions internationales bilatérales ou multilatérales, le droit de l'extradition précise la procédurepermettant à un pays, dans le cadre de l'entraide judiciaire, de demander à un pays tiers de lui remettre un ressortissant afin qu'il soit jugé dans son pays d'origine ouqu'il y purge une peine à laquelle il a été condamnée.

Actes de gouvernement dans le domaine international par définition, le droit de l'extradition est, de plus,règlementé par des lois internes (Loi du 10 mars 1927).

Le juge administratif a, depuis quelques années, beaucoup utilisé les actes détachables pour pouvoirintervenir dans le domaine des extraditions, tant dans la phase administrative que judiciaire, comme dans l'arrêt Koné du 3 juillet 1996 (CE) où le juge administratifconfirme la recevabilité du recours et affirme la prohibition des extraditions dans un but politique. ** * Il est clair que les actes de gouvernement ont une définition de plus en plus restreinte et que les mesures d'ordres internes sont de plus en plus nombreuses à être. »

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