T.C. 5 juill. 1951, AVRANCHES et DESMARETS, Rec. 638
Publié le 01/10/2022
Extrait du document
«
COMPÉTENCE - INTERPRÉTATION
ET APPRÉCIATION DE LÉGALITÉ
DES ACTES ADMINISTRATIFS
T.C.
5 juill.
1951, AVRANCHES et DESMARETS, Rec.
638
(S.
1952.3.1, note Auby; D.
1952.271, note Blaevoet;
J.
C.
P.
1951.11.6623, note Hamont;
Rev.
Adm.
1951.492, note Liet-Veaux)
Cons.
que, poursuivis devant le tribunal correctionnel de Château
Gontier pour délit de chasse, sur citation du sieur Desnoes, propriétaire
de là ferme où ce délit aurait été commis, les sieurs Avranches et
Desmarets ont invoqué pour leur défense l'art.
55 du contrat-type de
baux à ferme approuvé par le préfet de la Mayenne le 8 oct.
1946 et
soutenu qu'ils tenaient dudit article, comme fils et gendre du preneur
de la ferme, le droit d'y chasser; mais que, par son jugement du 7 juill.
1948, le tribunal correctionnel a déclaré cet article illégal, comme
contraire aux prescriptions de l'ordonnance du 17 oct.
1945, modifiée
par la loi du 13 avr.
1946, qui ne confère aux preneurs de baux ruraux
que le droit de chasser sur le fonds loué et non le droit de chasse; qu'il
a en conséquence condamné les sieurs Avranches et Desmarets à une
amende de 6 000 F chacun et, solidairement, à une indemnité de
2 000 F au profit de la partie civile; que, sur appel du sieur Avranches
et du procureur de la République, la Cour d'appel d'Angers a été saisie
par le préfet de la Mayenne, li; 8 nov.
1948, d'un déclinatoire de
compétence, par lequel ledit préfet revendiquait pour la juridiction
administrative l'appréciation de la légalité de l'art.
55 du contrat dont
s'agit; que, la Cour d'appel ayant, le 9 déc.
1948, rejeté le déclinatoire,
le préfet a, par l'arrêté-susvisé en date du 17 déc.
1948, élevé sur ce
point le conflit :
Cons.
qu'il résulte de la nature de la mission assignée au juge pénal
que celui-ci a, en principe, plénitude de juridiction sur tous les points d'où
dépend l'application ou la non application des peines; qu'il lui appartient,
à cet effet, non seulement d'interpréter, outre les lois, les règlements
administratifs, mais encore d'apprécier la légalité de ceux-ci, qu'ils servent
de fondement à la poursuite ou qu'ils soient invoqués comme moyen de
défense; que la compétence de la juridiction pénale ne connaît de limite,
en ce domaine, .
que quant à l'appréciation de la légalité des actes
administratifs non réglementaires, cette appréciation étant, sauf dans le
cas de prescription législative contraire, réservée à la juridiction adminis
trative en vertu de la séparation des pouvoirs;
Cons.
que les contrats-type approuvés et publiés par l'autorité
préfectorale dans les conditions prévues par l'ordonnance du 17 oct.
1945 et la loi du 13 avr.
1946 ont le caractère de règlements administra
tifs; qu'à ce titre, ils peuvent être, sans excès de pouvoir, appréciés
dans leur légalité par la juridiction pénale; qu'il suit de là que c'est à
tort que le préfet de la Mayenne a élevé le conflit; ...
(Arrêté de conflit
annulé).
OBSERVATI ONS
Dans quelle mesure les tribunaux répressifs sont-ils compé
tents pour apprécier la validité des actes administratifs et les
interpréter, lorsque de tels actes sont invoqués· devant eux soit à
l'appui de la poursuite soit comme moyen de défense? Telle
était la question de principe qu'avait à résoudre le Tribunal des
Conflits, à l'occasion d'une poursuite pour délit de chasse
contre des prévenus qui invoquaient pour leur défense une
disposition d'un contrat-type de baux à ferme approuvé par
arrêté préfectoral.
Les données du problème sont simples, mais contradictoires.
D'une part, le principe de la séparl!tion des autorités adminis
tratives et judiciaires réserve l'interprétation des actes adminis
tratifs et l'appréciation de leur légalité au juge administratif :
en ces matières, le juge judiciaire devrait donc toujours surseoir
à statuer jusqu'à la décision du juge administratif.
D'autre part,
la liberté des particuliers et l'intérêt de la répression militent
tous deux en faveur d'un examen immédiat par le juge répressif
de la portée et de la validité des actes administratifs invoqués
comme moyen de défense ou de poursuite : le prévenu, notam
ment, ne doit pas être condamné en vertu d'un texte illégal,
mais il ne doit pas non plus être en mesure de retarder le
jugement en demandant le renvoi préjudiciel devant le juge
administratif de la question de la légalité du règlement en vertu
duquel il est poursuivi.
Cette considération spéciale s'ajoute au
principe plus général d'après lequel le juge de l'action est juge
de l'exception et explique pourquoi le problème de l'exception
d'illégalité se présente autrement devant le juge répressif que
devant le juge civil (pour l'appréciation de validité et l'interpré
tation des actes administratifs par le juge civil, v.
nos observa
tions sous T.
C.
16 juin 1923, Septfonds*).
Le....
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- C. E. 28 juill. 1951, LARUELLE et DELVILLE, Rec. 464
- C. E, 22 juin 1951, DAUDIGNAC, Rec. 362
- C.E. 29 juill. 1950, COMITÉ DE DÉFENSE DES LIBERTÉS PROFESSIONNELLES DES EXPERTS-COMPTABLES BREVETÉS PAR L'ÉTAT, Rec. 492
- C.E. 13 juill. 1956, SECRÉTAIRE D'ÉTAT A LA RECONSTRUCTION ET AU LOGEMENT c. PIETON-GUIBOUT et OFFICE PUBLIC D'HABITATION A LOYERS MODÉRÉS DU DÉPARTEMENT DE LA SEINE, Rec. 338, concl. Chardeau
- T. C. 8 juill. 1963, SOCIÉTÉ ENTREPRISE PEYROT, Rec. 787