T.C. 16 juin 1923, SEPTFONDS, Rec. 498
Publié le 20/09/2022
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«
COMPÉTENCE -INTERPRÉTATION
DES ACTES ADMINISTRATIFS
T.C.
16 juin 1923, SEPTFONDS, Rec.
498
(S.
1923.3.49, note Hauriou;
D.1924.3.41, concl.
Matter)
Cons.
que le tribunal de commerce de la Seine a été saisi d'une
demande de dommages-intérêts formée par le sieur Septfonds contre la
Compagnie des chemins de fer du Midi à raison de la perte de
marchandises expédiées sous le régime de l'arrêté interministériel du 31
mars 1915; que, ce litige portant ainsi au fond sur la responsabilité
pouvant incomber à cette compagnie et dérivant du contrat de transp-)rt
intervenu entre elle et le sieur Septfonds, l'autorité judiciaire était
'compétente pour en connaître; que le tribunal, interprétant l'art.
7 dudit
arrêté qui règle les formes et les délais à observer pour les réclamations,
en cas de perte ou d'avaries, a décidé que, cette disposition n'étant pas
d'ordre public, des réserves acceptées, même tacitement, par le
transporteur, constituaient pour ce dernier une renonciation à se
prévaloir de la forclusion tirée de cet article; que la cour de Paris a
confirmé ce jugement, après avoir rejeté le déclinatoire présenté
par le préfet de la Seine, et s'est déclarée compétente pour statuer tant
sur le fond que sur l'interprétation de l'arrêté interministériel susmen
tionné en se fondant, en ce qui concerne ce dernier point, sur ce que
cet arrêté constituait, non un acte administratif spécial et individuel,
dont l'interprétation aurait échappé à la compétence des tribunaux
judiciaires, mais un règlement administratif, dont les dispositions géné
rales, rendues en vertu des pouvoirs conférés aux ministres qui l'ont
édicté, participent du caractère de la loi :
Cons.
que l'art.
22 de la loi du 13 mars 1875, modifié par la loi du
28 déc.
1888, dispose qu'en temps de guerre le service des chemins de
fer relève de l'autorité militaire; qu'aux termes de l'art.
19 du règlement
sur les transports stratégiques, approuvé par le décret du 8 déc.
1913, le
ministre de la guerre autorise, lorsqu'il le juge utile, la reprise partielle
ou totale des transports commerciaux, et que, d'après le décret du
29 oct.
1914, les conditions de délai et de responsabilité dans lesquelles
sont effectués les transports commerciaux, y compris les transports de
colis postaux, autorisés en vertu de l'art.
19 précité du règlement sur les
transports stratégiques, seront arrêtées par le ministre de la guerre, sur
chaque réseau; que -l'arrêté du 31 mars 1915 a été pris par le ministre
de la guerre, de concert avec le ministre des travaux publics, en vertu
de ces textes : que, s'il constitue un acte administratif en raison du
caractère des organes dont il émane et si dès lors, à ce titre, il appartient
à la juridiction administrative seule d'en contrôler la légalité, il participe
également du caractère de l'acte législatif, puisqu'il contient des disposi
tions d'ordre général et réglementaire, et qu'à ce dernier titre, les
tribunaux judiciaires chargés de l'appliquer sont compétents pour en j'ixer
'le sens, s'il se présente une difficulté d'interprétation au cours d'un litige
dont ils sont compétemment saisis; que, par suite, en se bornant à
déterminer la portée de cet arrêté, l'arrêt de la cour de Paris n'a pas
violé le principe de la séparation des pouvoirs : ...
(Arrêté de conflit
annulé).
OBSERVATIONS
Le sieur Septfonds avait expédié par chemins de fer, de
Toulouse à Espalion, quarante-trois sacs de sucre, qui furent
perdus.
Il forma devant le tribunal de commerce de la Seine
une demande de dommages-intérêts contre le transporteur.
Les
marchandises ayant été expédiées sous le régime prévu par un
arrêté interministériel du 31 mars 1915, le juge avait, à l'occa
sion de ce litige, à interpréter l'art.
7 de cet arrêté, relatif aux
délais et aux formes à observer pour les réclamations en cas de
pertes ou d'avaries.
Le conflit ayant été élevé par le préfet de la
Seine, le Tribunal des Conflits jugea que le juge judiciaire avait
le pouvoir d'interpréter un acte administratif de caractère
réglementaire.
Ainsi était posée la règle que si les tribunaux judiciaires,
statuant en matière civile, ne peuvent apprécier, dans les
affaires dont ils sont compétemment saisis, la légalité des
règlements administratifs, ils peuvent les interpréter.
Les pouvoirs du juge judiciaire en la matière mettaient en
conflit, d'une part le principe suivant lequel le juge de l'action
est juge de l'exception, d'autre part le principe de la séparation
des autorités administratives et judiciaires.
Dès 1810, le procu
reur général Merlin avait, dans des conclusions célèbres, pro
posé la distinction entre les actes réglementaires et individuels :
si le juge judiciaire devait s'abstenir de toute prise de position à
l'égard des actes individuels, il pouvait au contraire interpréter
les actes réglementaires et même apprécier leur légalité lorsque
cette question se posait accessoirement à un litige dont il était
saisi.
Au cours du x1xe siècle, les tribunaux judiciaires affirmè
rent leur compétence pour interpréter les règlements adminis
tratifs et même pour apprécier leur validité (Cass.
24 oct.
1917,
S.
1918.1.193, note Duguit).
L'arrêt Septfonds exprima la doc
trine du Tribunal des Conflits, en fixant ainsi les pouvoirs du
juge judiciaire statuant....
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