T. C. 30 juill. 1873, PELLETIER, Rec. 1er supplt 117, concl. David (D. 1874.3.5, concl. David)
Publié le 19/09/2022
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FAUTE PERSONNELLE
RESPONSABILITÉ
ET FAUTE DE SERVICE
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30 juill.
1873, PELLETIER,
Rec.
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Cons., en ce qui concerne l'interprétat ion donnée par lé tribunal de
Senlis au décret du 19 sept.
1870;
Que la loi des 16-24 août 1790, titre 2, art.
13, dispose : « Les
fonctions judiciaires sont distinctes et demeureron t toujours séparées
des fonctions administratives.
Les juges ne pourront, à peine de
forfaiture, troubler, de quelque manière que ce soit, les opérations des
corps administratifs, ni citer devant eux les administrate urs pour raison
de leurs fonctions»;
Que le décret du 16 fruct..
an 3, ajoute : « Défenses itératives sont
faites aux tribunaux de connaître des actes d'administra tion de quelque
espèce qu'ils soient»;
Que l'art.
75 de la Constitution de l'an 8, sans rien statuer sur la
prohibition faite aux tribunaux civils de connaître des actes administratifs, et se référant exclusivement à la prohibition de .
citer devant les
tribunaux civils les administrate urs pour raison de leurs fonctions, avait
disposé : « Les agents du gouvernement, autres que les ministres, ne
peuvent être poursuivis pour des f~its relatifs à leurs fonctions qu'en
vertu d'une décision du Conseil d'Etat; en ce cas, la poursuite a lieu
devant les tribunaux ordinaires» ;
Cons.
que l'ensemble de ces textes établissait deux prohibitions
distinctes qui, bien que dérivant l'une et l'autre du principe de la
séparation des pouvoirs dont elles avaient pour but d'assurer l'exacte
application, se référaient néanmoins- à des objets divers et ne produisaient pas les mêmes conséquences au point de vue de la juridiction;
Que la prohibition faite aux tribunaux judiciaires de connaître des
actes d'administra tion de quelque espèce qu'ils soient, constituait une
règle de compétence absolue et d'ordre public, destinée à protéger l'acte
administrati f, et qui trouvaiC sa sanction dans le droit conféré à
l'autorité administrative de proposer le déclinatoire et d'élever le conflit
d'attribution , lorsque, contraireme nt à cette prohibition, les tribunaux
judiciaires étaient saisis de la connaissanc e d'un acte administratif;
Que la prohibition de poursuivre des agents du Gouvernem ent sans
ai;torisation préalable, destinée surtout à protéger les fonctionnaires
publics contre des poursuites téméraires, ne constituait pas une règle de
compétence, mais créait une fin de non-recevoi r formant obstacle à
toutes poursuites dirigées contre ces agents pour des faits relatifs à leurs
fop.ctions, alors même que ces faits n'avaient pas un caractère administratif et constituaient des crimes ou délits de la compétence des
tribunaux judiciaires;
Que cette fin de non-recevoir ne relevait que des tribunaux judiciai-
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LES GRANDS ARRÊTS .ADMINISTRATIFS
res et ne pouvait jamais donner lieu, de la part de l'autorité administrative, à un conflit d'attribution;
Cons.
·que le décret rendu par le Gouvernement de la Défense
nationale, qui abroge l'art.
75 de la Constitution de l'an 8, ainsi que
toutes les autres dispositions des lois générales et spéciales ayant pour
'objet d'entraver les poursuites dirigées contre les fonctionnaires publics
de tout ordre, n'a eu d'autre effet que de supprimer la fin de
non-recevoir résultant du défaut d'autorisation avec toutes ses conséquences légales et' de rendre ainsi aux tribunaux judiciaires toute leur
liberté d'action dans les limites de leur compétence; mais qu'il n'a pu
avoir également pour conséquence d'étendre les limites de leur juridiction, de supprimer la prohibition qui leur est faite, par d'autres
dispositions que celles spécialement abrogées par le décret, de connaître
des actes administratifs et d'interdire, dans ce cas, à l'autorité administrative le droit de proposer le déclinatoire et d'élever le conflit d'attri~ution;
Qu'une telle interprétation serait inconciliable avec la loi du 24 mai
1872 qui, en instituant le Tribunal des Conflits, ·consacre à nouveau le
principe de la séparation des pouvoirs et les règles de compétence qui
en découlent;
Cons., d'autre part, qu'il y a lieu, dans l'espèce, de faire application
de la législation spéciale sur l'état de siège;
Cons., en effet, que l'action formée par le sieur Pelletier devant le
tribunal de Senlis, contre M.
le général de Ladmirault, commandant
l'état, de siège dans le département de l'Oise, M.
Choppin, préfet de ce
département, et M.
Leudot, commissaire de police à Creil, a pour objet
de faire déclarer arbitraire et illégale, par suite nulle et de nul effet, la
saisie du journal que Pelletier se proposait de publier, opérée, le
18 janv.
1873, en vertu de la loi sur l'état de siège : en conséquence, de
faire ordonner la restitution des exemplaires indûment saisis et de faire
condamner les défendeurs solidairement, à 2 000 F à titre de dommages-intérêts;
Cons.
que l'interdiction et la saisie de ce journal, ordonnées par le
général de Ladmirault, en sa qualité de commandant de l'état de siège
dans le département de l'Oise, constituent une mesure préventive de
haute police administrative prise par le général de Ladmirault, agissant
comme représentant de la puissance publique, dans l'exercice et la
limite des pouvoirs exceptionnels que lui conférait l'art.
9, n° 4, de la
loi du 9 août 1849 sur l'état de siège, et dont la responsabilité remonte
au Gouvernement qui lui a délégué ces pouvoirs;
Cons.
que la demande de Pelletier se fonde exclusivement sur cet acte
de haute police administrative; qu'en dehors de cet acte il n'impute aux
de.fendeurs aucun fait personnel de nature à engager leur responsabilité
particulière, et qu'en réalité la poursuite est dirigée contre cet acte
lui-même, dans la personne des fonctionnaires qui l'ont ordonné ou qui y
ont coopéré;
Cons.
qu'à tous ces points de vue le tribunal de Senlis était
incompétent pour connaître de la demande du sieur Pelletier; ...
(Arrêté
de conflit confirmé).
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OBSERVATIONS
L'autorité militaire ayant fait saisir, en vertu des pouvoirs
qu'elle tient en état de siège, le premier numéro d'un journal
dont la publication avait été entreprise par le sieur Pelletier,
celui-ci assigna devant le tribunal civil le général commandant
l'état de siège dans le département, le préfet de l'Oise et le
commissaire de police en vue de faire prononcer la nullité de la
saisie et ordonner la restitution des exemplaires saisis, et
d'obtenir des dommages-intérêts.
Le conflit ayant été élevé par
le préfet, le Tribunal des Conflits eut à déterminer les effets de
l'abrogation, par le décret législatif du 19 sept.
1870, de
l'art.
75 de la Constitution de l'an 8 instituant 5< la garantie des
fonctionnaires ».
En vertu de ce dernier texte, un particulier ne
pouvait poursuivre un fonctionnaire devant le§, tribunaux judiciaires qu'avec l'autorisation du Conseil d'Etat, qui n'était
d'ailleurs accordée que très exceptionnellement.
L'art.
75 avait
pour but d'éviter l'immixtion des juges dans le fonctionnement
qe l'administration, mais privait les particuliers de toute réparation, le principe de l'irresponsabilité de la puissance publique
étant encore en vigueur : c'est pourquoi le gouvernement de la
Défense nationale s'empressa d'abroger l'art.
75, en ajoutant :
« sont également abrogées toutes autres dispositions des lois
générales ou spéciales ayant pour objet d'entraver les poursuites dirigées contre des fonctionnaires publics de tout ordre».....
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