T. C. 27 nov. 1952, PRÉFET DE LA GUYANE, Rec. 642
Publié le 01/10/2022
Extrait du document
«
COMPÉTENCE
SERVICE PUBLIC DE LA JUSTICE
T.
C.
27 nov.
1952, PRÉFET DE LA GUYANE, Rec.
642
(J.
C.
P.
1953.II.7598, note Vedel)
Cons.
que l'action engagée par les officiers ministériels de Cayenne
devant le tribunal civil de Cayenne et portée par eux en appel devant
la Chambre d'appel détachée à Cayenne de la Çour d'appel de
Fort-de-France, tend à obtenir la condàmnation de l'Etat au paiement
de dommages et intérêts en réparation du préjudice que leur aurait
causé l'arrêt, pendant une certaine période, du fonctionnement des
juridictions auprès desquelles ils exerçaient leurs fonctions en Guyane;
Cons.
que les actes incriminés sont relatifs, non à l'exercice de la
fonction juridictionnelle, mais à l'organisation même du service public de
la justice; que l'action des requérants a pour cause le défaut de constitution des tribunaux de première instance et d'appel dans le ressort de la
Guyane, résultant du fait que le gouvernement n'a pas pourvu effectivement ces juridictions des magistrats qu'elles comportaient normalement;
qu'elle met en jeu la responsabilité du service public indépendamment de
toute appréciation à porter sur la marche même des services judiciaires;
qu'il appartient dès lors à la juridiction administrative d'en connaître et
·que c'est à bon droit que le préfet a élevé le conflit dans l'instance;...
(Arrêté de conflit confirmé).
OBSERVATIONS
Certaines juridictions de la Guyane ne purent fonctionner
pendant un certain temps parce que les magistrats nécessaires à
leur constitution n'avaient pas été nommés en temps utile.
Lésés par cette situation, les officiers ministériels de Cayenne
intentèrent une action en indemnité contre l'État devant les
juridictions civiles.
Le préfet éleva le conflit.
Le Tribunal des
Conflits décida que les actes incriminés, étant « relatifs non à
l'exercice de la fonction juridictionnelle, mais à l'organisation
même du service public de la justice », relevaient de la compétence de la juridiction administrative.
Cet arrêt, rédigé dans les termes d'un arrêt de principe,
contient ainsi une définition de la frontière qui sépare la
compétence des deux ordres de juridictions en ce qui concerne
le contrôle juridictionnel des actes du service public de la
justice.
Mais si le principe est clair, son application ne laisse
pas de poser des problèmes fort délicats.
Deux questions "
doivent être distinguées : d'une part, celle de la distinction ·
entre l'organisation et le fonctionnement du service judiciaire
en ce qui concerne l'étendue de la compétence administrative;
d'autre part, celle de la portée exacte de la compétence des
tribunaux judiciaires en ce qui concerne le fonctionnement
proprement dit de ce service.
I.
- S'agissant d'un service de l'État, le service public de la
justice aurait pu relever, pour le contrôle juridictionnel de son
activité, des juridictions administratives.
Mais un double facteur s'est traditionnellement opposé à cette compétence.
D'une part, la séparation des autorités administrative et
judiciaire, établie par les lois révolutionnaires, entraîne non
seulement une distinction des compétences respectives de chacune d'elles, mais également une indépendance de l'une par
rapport à l'autre, en ce sens que, si l'autorité judiciaire ne doit
pas « troubler les opérations des corps administratifs » (lois des
16-24 août 1790 et 16 fructidor an 3), l'administration - et il
faut entendre par là aussi bien l'administration active que l_a
juridiction administrative - ne doit pas davantage « s'immiscer dans les objets dépendant de l'ordre judiciaire» (Constituï
tion de l'an 3, art.
189).
D'autre part, le « service public de la
justice » ne saurait être assimilé aux autres services publics : ces
derniers dépendent du pouvoir exécutif et c'est à ce titre que
leur activité relève de la juridiction ·administrative; le « service
public de la justice » constitue au contraire un « pouvoir
judiciaire», indépendant dans une large mesure du pouvoir
exécutif, et cette indépendance a été singulièrement renforcée
par la création, en 1946, d'un Conseil supérieur de la magistrature.
Le « service public de la justice » se rapprocherait ainsi
du « service public de la législation » : de même que les actes
des assemblées parlementaires échappent au contrôle du juge
administratif, même lorsqu'il s'agit d'actes émanés des services
administratifs de ces assemblées (C.E.
31 mai 1957, LouisDominique Girard, Rec.
360; S.
19~7.244, concl.
Guldner;
D.
1957.430, concl.
Guldner; A.
J.
1957.11.270, chr.
Fournier et
Braibant), de même doit y échapper en principe l'ensemble des
actes du service public judiciaire.
Mais l'application de ée principe est loin d'être simple.
A la
tête de l'appareil judiciaire se trouve en effet le ministre de la
justice, garde des Sceaux, qui est également un organe purement administratif, gouvernemental, exêcutif, dont on ne voit
pas pourquoi les décisions ne seraient pas soumises au contrôle
de la juridiction administrative.
Or, avant 1946, l'organisation
du service judiciaire relevait presque entièrement de l'autorité
gouvernementale ; garde des Sceaux, conseil des ministres,
président....
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- T. C. 27 mars 1952, Dame DE LA MURETTE, Rec. 626
- C. E. 24 nov. 1961, MINISTRE DES TRAVAUX PUBLICS c. CONSORTS LETISSERAND, Rec. 661
- RESPONSABILITÉ COLLABORATEURS OCCASIONNELS DES SERVICES PUBLICS C.E. 22 nov. 1946, COMMUNE DE SAINT-PRIEST-LA-PLAINE, Rec. 279
- PROCÉDURE - SURSIS A EXÉCUTION C. E. 12 nov. 1938, CHAMBRE SYNDICALE DES CONSTRUCTEURS DE MOTEURS D'AVIONS, Rec. 840 (S. 1939.3.65, concl. Dayras; D. 1939.3.12, concl. Dayras)
- RESPONSABILITÉ - RISQUE C. E. 30 nov. 1923, COUITÉAS, Rec. 789