T. C. 15 janv. 1968, COMPAGNIE AIR FRANCE c. ÉPOUX BARBIER, Rec. 789, concl. Kahn
Publié le 30/09/2022
Extrait du document
«
COMPÉTENCE - SERVICES PUBLICS
INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX
T.
C.
15 janv.
1968, COMPAGNIE AIR FRANCE
c.
ÉPOUX BARBIER, Rec.
789, concl.
Kahn
(D.
1969.202, note Auby; R.
D.
P.
1968.893, note Waline;
R.
D, P.
1969.142, concl.
Kahn; A.
J.
1968.225; chr.
Massot et Dewost;
Dr.
Soc.
1969.51, note Savatier;
Dr.
ouvr.
1969.177, concl.'Kahn, note Boite!;
C.
J.
E.
G.
1969.J.525, note A.
C.)
Cons.
que si la Compagnie nationale Air France, chargée de l'exploita
tion de transports aériens, est une société anonyme, c'est-à-dire une
personne morale de droit privé, et si, par suite, il n'appartient qu'aux
tribunaux de l'ordre judiciaire de se prononcer au fond sur les litiges
individuels concernant les agents non fonctionnaires de cet établissement,
les juridiétions administratives demeurent, en revanche, compétentes pour
apprécier, par voie de question préjudicielle, la légalité des règlements
émanant du conseil d'administration qui, touchant à l'organisation du
service public, présentent un caractère administratif; qu'aux termes du
décr.
n° 50-835 du I•r juin 1950 et de l'art.
143 du Code de l'aviation
civile et commerciale alors en vigueur, le personnel de la Compagnie
Air France est soumis à un statut réglementaire, arrêté par le conseil
d'administration et approuvé par le ministre chargé de l'aviation civile
et commerciale et par le ministre des finances et des affaires économi
ques; que, dès lors, en application de ces dispositions, combinées avec
celles de l'art.
31 du Livre 1er du Code du travail, les conditions de
travail de ce personnel ne sont pas fixées par voie de convention
collective;
Cons.
que le règlement, établi le 20 avr.
1959, dans le cadre des
prescriptions ci-dessus analysées, par la Compagnie nationale Air
France pour fixer les conditions· de travail du p_ersonnel navigant
commercial, comporte, notamment en son art.
72 - lequel dispose que
le mariage des hôtesses de l'air entraîne, de la part des intéressées, la
cessation de leurs fonctions - des dispositions qui apparaissent comme
des éléments de l'organisation du service public exploité; que ces
dispositions confèrent audit acte .dans son intégralité un caractère
administratif et rendent compétentes les juridictions administratives
pour apprécier.
sa légalité;...
(Juridictions administratives déclarées
compétentes).
OBSERVATIONS
En '1959, la Compagnie Air France a introduit dans le
règlement de son personnel des dispositions nouvelles concer
nant les hôtesses de l'air.
Jusque-là elle n'acceptait de recruter
ses hôtesses que parmi les femmes célibataires, veuves ou
divorcées; mais la question se posait de savoir si le mariage en
cours de carrière entraînait la perte de l'emploi; pour clore
toute discussion, la compagnie a précisé, dans le règlement du
20 avr.
1959 relatif aux conditions de travail et de rémunéra
tion du personnel navigant commercial, que « pour les hôtesses
le mariage entraîne cessation de fonctions de la part des
intéressées.
A la seule exception du remboursement des frais de
formation, dont la période d'exigibilité est réduite dans ce cas,
le mariage de l'hôtesse produit les mêmes effets que ceux
prévus en cas de démission».
Une hôtesse qui avait été engagée avant l'intervention du
règlement de 1959 et qui s'est mariée après a été licenciée en
application de ces dispositions nouvelles.
Elle a demandé avec
son mari, au Tribunal de grande instance de la Seine de
condamner la Compagnie à leur payer des indemnités pour
rupture abusive du contrat de travail; le tribunal les a débou
tés; la Cour d'Appel leur a au contraire donné satisfaction en
estimant que la clause de licen,ciement en cas de mariage était
inapplicable aux hôtesses recrutées avant son adoption, et
qu'elle était au surplus « nulle en son principe» comme
« attentatoire à un droit fondamental de la' personnali.té» et
aux « bonnes mœurs», et constitutive d'une « fraude à la loi»
(C.A.
Paris 30 avr.
1963, S.
1963.179, note Toulemon;
D.
1963.428, note Rouast).
La Compagnie Air France a déféré
cet arrêt à la Cour de Cassation qui a vu une difficulté sérieuse
de compétence dans le problème de la nature du règlement
litigieux, et l'a renvoyé en conséquence au Tribunal des
Conflits en application du décr.
du 25 juill.
1960 (Cass.
Civ.
7 juin 1967, Bull.
IV.387).
Le Tribunal des Conflits a jugé, conformément aux conclu
sions du commissaire du gouvernement Kahn, que le règlement
avait un caractère administratif et qu'ainsi les juridictions
administratives étaient seules compétentes pour en apprécier la
légalité.
Le commissaire du gouvernement avait affirmé, en premier
lieu, que ni le caractère de personne morale de droit privé de la
Compagnie Air France, ni la circonstance qu'elle gère un
service public industriel commercial, ne faisaient obstacle à une
telle solution : « la loi ou l'acte de concession peuvent conférer
,des prérogatives de puissance publique à des personnes morales
de droit privé, et l'on ne voit pas au nom de quoi cette faculté
leur serait refusée lorsque le service présente un caractère
'
industriel ou commercial...
Pour l'application des principes, on
accordera plus facilement des prérogatives de puissance publi
que aux personnes chargées de la gestion d'un service adminis
tratif (parce que la gestion d'un tel service est en_elle-même une
prérogative de puissance publique), de même qu'on les accor
dera plus facilement aux personnes morales de droit public
(dont c'est le rôle normal d'exercer de semblables prérogatives);
mais, à l'égard des principes eux-mêmes, dès lors que ces
prérogatives sont compatibles avec la nature industrielle du
service et qu'elles sont également compatibles avec la nature
privée de l'organisme chargé de son exécution, on ne voit pas
comment ces deux compatibilités réunies pourraient former une
incompatibilité...
Rien n'empêche, en principe, qu'on recon-�
naisse....
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- C. E. 29 janv. 1909, COMPAGNIE DES MESSAGERIES MARITIMES et autres, Rec. 120 (D. 1910.3.89, concl. Tardieu)
- CONTRATS ADMINISTRATIFS - POUVOIR DE MODIFICATION UNILATÉRALE - C. E. 10 janv. 1902, COMPAGNIE NOUVELLE DU GAZ DE DEVILLE-LES-ROUEN, Rec. 5 (S. 1902.3.17, concl. Romieu, note Hauriou) - Commentaire d'arrêt
- C. E. 11 déc. 1970, CRÉDIT FONCIER DE FRANCE c. Demoiselle GAUPILLAT et Dame ADER, Rec. 750, concl. Bertrand.
- C.E. 30 mars 1916, COMPAGNIE GÉNÉRALE D'ÉCLAIRA-GE DE BORDEAUX, Rec. 125, concl. Chardenet
- C.E. 6 déc. 1907, COMPAGNIE DES CHEMINS DE FER DE L'EST ET AUTRES, Rec. 913, concl. Tardieu (S. 1908.3.1, note Hauriou, concl. Tardieu; D. 1909.3.57,-concl. Tardieu; R.D.P. 1908.38, note Jèze)