RESPONSABILITÉ RISQUE - POLICE C. E. 24 juin 1949, CONSORTS LECOMTE, Rec. 307 (droit)
Publié le 07/01/2012
Extrait du document
Sur les conclusions dirigées contre la Ville de Paris : Cons. qu'il est établi par l'instruction que le coup de feu, qui a entraîné la mort du sieur Lecomte a été tiré par un gardien de la paix au cours d'une opération de police en vue d'arrêter une voiture automobile signalée comme occupée par des personnes suspectes; que, dans ces circonstances, la Ville de Paris ne saurait être tenue pour responsable de cet accident dont la réparation ne pourrait éventuellement être assurée que par l'État, et que c'est par suite à bon droit que le conseil de préfecture, après avoir implicitement rejeté la demande en tant que dirigée contre la ville, s'est déclaré incompétent pour connaître de ladite demande en tant qu'elle aurait mis en cause la responsabilité de l'État; Sur les conclusions dirigées contre l'État : Cons. que si, en principe, le service de police ne peut être tenu pour responsable que des dommages imputables à une faute lourde commise par ses agents dans l'exercice de leurs fonctions, la responsabilité de la puissance publique se trouve engagée même en l'absence d'une telle faute ....
«
OBSERVA TI ONS
L'arrêt Lecomte rapporté ci-dessus, ainsi que l'arrêt Fran
quette et Daramy rendu le même jour dans une espèce simi
laire, et dont la rédaction comporte les mêmes form~les, marquent une évolution de la jurisprudence du Conseil d'Etat relative à la responsabilité des services de police.
· Le 27 juin 1943, vers 20 heures, une altercation se produisit dans une rue de Bordeaux, entre trois individus et un chauffeur
de taxi; le chauffeur fut blessé d'un coup de couteau.
Un gardien de la paix, poursuivant l'un de ses agresseurs en fuite,
tira, après les sommations, plusieurs balles sur le délinquant.
L'une d'elles blessa mortellement la dame Daramy, à l'instant où elle débouchait d'une rue transversale.
Le 10 févr.
1945, vers 22 heures, les agents chargés d'arrêter à Paris, au coin de l'avenue de Versailles et du boulevard
Exelmans, une voiture qui leur avait été signalée, firent des
signes pour l'inviter à s'arrêter.
Comme, malgré les coups de
sifflet, elle franchissait le barrage,
l'un des agents tira, avec sa
mitraillette, sur la chaussée, vers le bas de la voiture.
Une balle,
ricochant sur les pavés, frappa mortellement le sieur Lecomte,
qui était assis à la porte de son
bar .
Les conditions dans lesquelles les accidents de cette nature
peuvent engager la responsabilité de l'administration étaient
posées
par une abondante jurisprudence .
Le 10 févr.
1905, l'arrêt Tomaso Grecco * consacrait la responsabilité de l'admi
nistration du fait de l'activité des services de police, et subor
donnait cette responsabilité à l'existence d'une faute du service.
Ces principes furent confirmés par la suite (C.
E.
24 déc .
1909, Pluchard , Rec .
1 029; - 7 déc.
1917 , Costa , Rec.
798), mais la
jurisprudence, tenant compte des difficultés particulières du service, y apporta cette restriction que seule une faute grave, ou
lourde, peut engager la responsabilité des services de police
(C .E.
4 mars
1932, Ville de Versailles, Rec.
274; - 18 mars
1932, Guiraud , Rec.
364; -29 janv.
1936, Dame Papineau,
Rec .
137; - 27 déc.
1938, Loyeux , Rec .
985; D.
1939.3.27,
concl.
Josse, note A.
H.
- 22 janv.
1943, Braut, Rec .
19; S.
1944.3.41, note Mathiot; D.
1944.87, note G.
B.; -24 janv.
1947, Dame Vve Gazeilles, Rec.
32).
Le commissaire du gouvernement Barbet observa que les
deux espèces présentaient ,des analogies avec les précédents
dans lesquels
le Conseil d'Etat avait reconnu l'existence d'une faute.
lourde de l'administration .
L'agent qui avait tué la dame
Daramy avait mal tiré et s'était servi d'une arme nouvelle, de
modèle délicat, sans avoir effectué des tirs d'entraînement.
Quant aux agents responsables de la
mort du sieur Lecomte , ils
auraient pu .
utiliser, pour arrêter la voiture suspecte, des barriè
res qu'ils auraient posées en travers de la chaussée..
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