RESPONSABILITÉ - RISQUE C.E. 28 mars 1919, REGNAULT-DESROZIERS, Rec. 329 (S. 1918-1919.3.25, note Hauriou; D. 1920.3.1, note Appleton; R. D. P. 1919-239, concl. Corneille, note Jèze)
Publié le 17/01/2022
Extrait du document
Cons. qu'il résulte de J'instruction que, dès l'année 1915, l'autorité
militaire avait accumulé une grande quantité de grenades dans les
casemates du Fort de la Double-Couronne, situé à proximité des
habitations d'une agglomération importante; qu'elle procédait, en
outre, constamment à la manutention de ces engins dangereux, en vue
d'alimenter rapidement les armées en campagne; que ces opérations
effectuées dans des conditions d'organisation sommaires, sous l'empire
des nécessités militaires, comportaient des risques excédant les limites de
ceux qui résultent normalement du voisinage, et que de tels risques
étaient de nature, en cas d'accident survenu en dehors de tout fait de
'guerre, à engager, indépendamment de toute faute, la responsabilité de
l'État;
«
grenades et de bombes incendiaires qui sautait.
L'autorité
militaire avait en effet entassé dans ce fort des milliers d'explo
sifs destinés au front, sans prendre
les précautions nécessaires
pour éviter que ce dépôt de munitions improvisé ne constituât
un danger pour
le voisinage.
Des recours à fin d'indemnité
ayant été formés à la suite de cet accident, le commissaire du
gouvernement Corneille proposa au Conseil d'État de les
accueillir, en considérant que la responsabilité de l'État était
engagée à raison des
fautes commises par l'autorité militaire
dans l'organisation du service.
Le Conseil d'État ne le suivit
pas : s'il reconnut aux requérants droit à indemnité, c'est en
raison du
risque anormal de voisinage créé par l'accumulation
d'une grande quantité de grenades à proximité d'une agglomé
ration et la manutention constante de ces engins, dans des
conditions d'organisation sommaire.
, Jusqu'alors la théorie des risques anormaux de voisinage
n'avait reçu d'application qu'en matière de responsabilité résul
tant des dommages causés par
les travaux publics : les domma
ges permanents résultant pour les biens de la réalisation d'un
travail public ou de la présence d'un ouvrage public et qui
excèdent les inconvénients normaux du voisinage engagent en
effet la responsabilité administrative, dès lors qu'est établi
le lien de causalité entre le travail public et le préjudice (C.
E.
31 janv .
1890, Nicot, Rec.
112; - 16 mars 1906, de Ségur,
'Rec.
242).
Mais, jusqu'à l'arrêt Regnault-Desroziers, le Conseil d'État,
dans des cas analogues, appliquait la responsabilité pour faute
(C.E.
10 mai 1912, Ambrosini, Rec.
549; S.
1912 .3.161, note
Hauriou : explosion du cuirassé
« Iéna » ); désormais les victi
mes
d'un risque exceptionnel de voisinage allaient recevoir
réparation sans avoir à prouver l'existence d'une faute (C.E .
21 mai 1920, Colas, Rec.
532 : explosion du cuirassé « Liberté»; - 24 déc.
1926, Walther, Rec.
1140 : dommage
causé à un immeuble lors de
la· destruction par le feu, en vue
d'enrayer le développement d'une épidémie, d'un immeuble contaminé;- 16 mars 1945, S.
N.
C.
F., Rec.
54; D.
1946.290, concl.
Lefas, note Waline; J.
C.
P.
1945.11.2903, note Chartier,
et
21 oct.
1966, Ministre des armées c.
S.N .C.F.
Rec.
557;
D.
1967.164, concl.
Baudouin; J.
C .
P.
1967.11.15198, note
Blaevoet;
A.
J.
1967.37, chr.
Lecat et Massot : explosions de
wagons de munitions).
Il.
-
La notion de risque de voisinage a été étendue aux
dommages (crimes, vols, etc.) causés par les pensionnaires de
certains établissements d'éducation surveillée : les jeunes délin
quants y sont soumis, en effet, en vertu des principes modernes
de rééducation, à un régime libéral, qui leur offre des facilités
particulières d'évasion, et qui crée ainsi pour
les voisins un.
»
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