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RESPONSABILITÉ - RISQUE C. E. 30 nov. 1923, COUITÉAS, Rec. 789 (S. 1923.3.57, note Hauriou, concl. Rivet; D. 1923.3.59, concl. Rivet; R. D. P. 1924.75 et 208, concl. Rivet, notes Jèze)

Publié le 22/09/2011

Extrait du document

Cons. qu'il résulte de l'instruction que, par jugement en date du

13 févr. 1908, le tribunal de Sousse a ordonné «le maintien en

possession du sieur Couitéas des parcelles de terres du domaine de

Tabia-ei-Houbira dont la possession lui avait été reconnue par l'État «

et lui a conféré « le droit d'en faire expulser tous les occupants «; que

le requérant a demandé, à plusieurs reprises, aux autorités compétentes

l'exécution de cette décision; mais que le gouvernement français lui a

toujours refusé le concours de la force militaire d'occupation, reconnu

indispensable pour réaliser cette opération de justice, en raison des

troubles graves que susciterait l'expulsion de nombreux indigènes de

terres dont ils s'estiment légitimes occupants depuis un temps immémorial;

« OBSERVATIONS · 1.

- Les faits très complexes qui ont donné lieu à cet arrêt ont été minutieusement exposés par le commissaire du gouver­ nement Rivet dans ses conclusions .

Retenons seulement que le sieur Couitéas ne pouvait obtenir du gouvernement l'exécution d'un jugement ordonnant l'expulsion de tribus autochtones occupant un domaine de 38 000 hectares dont il avait été reconnu par l'autorité judiciaire propriétaire en Tunisie.

Le commissaire du gouvernement rappela d'abord que, cin­ quante ans auparavant, le Conseil d'État n'eût pas manqué de déclarer qu'un tel acte, inspiré par un mobile politique, consti­ tuait un acte de gouvernement .

N'entrait-il pas, par ailleurs, dans la catégorie des actes relatifs à l'exercice du protectorat, et donc aux obligations internationales du gouvernement? Il ne le semblait pas : l'acte attaqué était uniquement le refus de faire exécuter un jugement rendu par un tribunal fr~nçais au béné­ fice d'un ressortissant français.

Le Conseil d'Etat était donc compétent .

Mais la responsabilité de l'État était-elle engagée? L'exécution du jugement rendu en faveur du sieur Couitéas nécessitait l'organisation d'une véritable expédition militaire : 8 000 autochtones occupaient ses domaines.

D'impérieuses nécessités politiques expliquent le refus opposé, dans ces condi­ tions, par le gouvernement.

Mais il n'est pas douteux, d'un autre côté, qu'un jugement devenu définitif devait recevoir exécution.

Ainsi le refus du gouvernement porte gravement atteinte aux droits individuels du sieur Couitéas, mais dans un intérêt général.

Or, le législateur reconnaît presque toujours au particulier sacrifié à l'intérêt public le droit à une compensation pécuniaire : les lois sur les dommages de guerre sont une manifestation éclatante de cette tendance, qui dérive du prin­ cipe de l'égalité devant les charges publiques inscrit dans la Déclaration de 1789 .

L'espèce Couitéas donna au juge adminis­ tratif l'occasion de faire application de la théorie du « risque social » pour indemniser un justiciable qui n'obtient pas l'exé­ ·cution d'un jugement , sans que, dans les circonstances excep­ tionnelles de l'affaire, le refus du concours de la force publique puisse être considéré comme un excès de pouvoir .

Le Conseil d'État adopta la doctrine que lui proposait son commissaire, et qui s'exprime en un considérant devenu classique : « ...

le justiciable nanti d'une sentence judiciaire ...

est en droit de compter sur la force publique pour l'exécution du titre qui lui a été ainsi délivré; ...

si le gouvernement a le devoir d'apprécier les conditions de cette exécution et de refuser le concours de la force armée tant qu'il estime qu'il y a danger pour l'ordre et la sécurité, le préjudice qui résulte de ce refus ne saurait, s'il excède une certaine durée, être une charge incombant normalement à l'intéressé ...

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