RESPONSABILITÉ - RISQUE C. E. 30 nov. 1923, COUITÉAS, Rec. 789
Publié le 26/09/2022
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«
RESPONSABILITÉ - RISQUE
C.
E.
30 nov.
1923, COUITÉAS, Rec.
789
(S.
1923.3.57, note Hauriou, concl.
Rivet;
•
D.
1923.3.59, concl.
Rivet;
R.
D.
P.
1924.75 et 208, concl.
Rivet, notes Jèze)
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Cons.
qu'il résulte de l'instruction que, par jugement en date du
13 févr.
1908, le tribunal de Sousse a ordonné « le maintien en
possession du sieur Couitéas des parcelles de terres du domaine de
Tabiaael-Houbira dont la possession lui avait été reconnue par l'État»
et lui a conféré « le droit d'en faire expulser tous les occupants >>; que
le requérant a demandé, à plusieurs reprises, aux autorités compétentes
l'exécution de cette décision; mais que le gouvernement français lui a
toujours refusé le concours de la force militaire d'occupation, reconnu
indispensable pour réaliser cette opération de justice, en raison des
troubles graves que susciterait l'expulsion de nombreux indigènes de
terres dont ils s'estiment légitimes occupants depuis un temps immémo
rial;
Cons.
qu'en prenant, pour les m9tifs et dans les circonstances
ci-dessus rappelées, la décision dont se plaint le sieur Couitéas, le
gouvernement n'.a fait qu'user des pouvoirs qui lui sont conférés en vue du
maintien de l'ordre et de la sécurité publique dans ùn pays de
protectorat :
Mais cons.
que le justiciable nanti d'une sentence judiciaire dûment
revêtue de la formule exécutoire est en droit de compter sur fa force
publique pour l'exécution du titre qui lui a été ainsi délivré; que si, comme
il a été dit ci-dessus, le gouvernement a le _devoir d'apprécier les
conditions de cette exécution et de refuser le concours df! la force armée,
tant qu'il estime qu'il y a danger pour l'ordre et la sécurité, le préjudice
qui résulte· de ce refus ne saurait, .s'il excède une certaine durée, être une
charge incombant normalement à l'intéressé, et qu'il appartient au juge
de déterminer la limite à partir de laquelle il doit être supporté par la
collectivité;
Cons.
que la privation de jouissance totale.
et sans limitation de
durée résultant, pour le requérant, de la mesure prise à son égard, lui a
imposé, dans l'intérêt général, un préjudice pour lequel il est fondé à
demander une réparation pécuniaire; que, dès lors, c'est à tort que le
ministre des affaires étrangères lui a dénié tout droit à indemnité: qu'il
y a lieu de le renvoyer devant ledit ministre pour y être procédé, à
défaut d'accord amiable, et en tenant compte de toutes les circonstan
ces de droit et de fait, à la fixation des dommages-intérêts qui lui sont
dus.: ,.• (Annulation; indemnité accordée).
186
LES GRANDS ARRfrrS ADMINISTRATIFS
OBSERVATIONS
I.
- Les faits très complexes qui ont donné lieu à cet arrêt
ont été minutieusement ~xposés par le commissaire du gouvernement Rivet dans ses conclusions.
Retenons seulement que le
sieur Couitéas ne pouvait obtenir du gouvernement l'exécution
d'un jugement ordonnant l'expulsion de tribus autochtones
occupant un domaine de 38 000 hectares dont il avait été
reconnu par l'autorité judiciaire propriétaire en Tunisie.
Le commissaire du gouvernement rappela d'abord que, cinquante ans auparavant, le Conseil d'État n'eût pas manqué de
déclarer qu'un tel acte, inspiré par un mobile politique, constituait un acte de gouvernement.
N'entrait-il pas, par ailleurs,
dans la catégorie des actes relatifs à l'exercice du protectorat, et
donc aux obligations internationales du gouvernement? Il ne le
semblait pas : l'acte attaqué était uniquement le refus de faire
exécuter un jugement rendu par un tribunal fr~nçais au bénéfice d'un ressortissant français.
Le .
CoIJseil, d_'Etat était donc
compétent.
Mais la responsabilité de l'Etat était-elle engagée?
L'exécution du jugement rendu en faveur· du sieur Couitéas
nécessitait l'organisation d'une véritable expédition militaire :
8 000 autochtones occupaient ses domaines.
D'iqipérieuses
nécessités politiques expliquent le refus opposé, dans ces conditions, par le gouvernement.
Mais il n'est pas douteux, d'un
autre côté, qu'un jugement devenu définitif devait recevoir
exécution.
Ainsi le refus du gouvernement porte gravement
atteinte aux droits individuels du sieur Couitéas, mais dans un
intérêt général.
Or, le législateur reconnaît presque toujours au
particulier sacrifié à l'intérêt public le droit à une compensation
pécuniaire : les lois sur les dommages de guerre sont une
manifestation éclatante de cette tendance, qui dérive du principe de l'égalité devant les charges publiques inscrit dans la
Déclaration de 1789.
L'espèce Couitéas donna au juge administratif l'occasion de faire application de la théorie du « risque
social » pour indemniser un justiciable qui n'obtient pas l'exé•Cution d'un jugement, sans que, dans les circonstances exceptionnelles de l'affaire, le refus du concours de la force publique
puisse être consigéré comme un excès de pouvoir.
Le Conseil d'Etat adopta la doctrine que lui proposait son
commissaire, et qui s'exprime en un considérant devenu
.
classique : « ...
le justiciable nanti d'une sentence judiciaire...
est en droit de compter sur la force publique pour l'exécution
du titre qui lui a été ainsi délivré;...
si le gouvernement a le
devoir d'apprécier les conditions de cette exécution et de
refuser le concours de la force armée tant qu'il estime qu'il y a
danger pour l'ordre et la sécurité, le préjudice qui résulte de ce
refus ne saurait, s'il excède une certaine durée, être une charge
, incombant normalement à l'intéressé...
».
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►
NOV.
1923,
COUITÉAS
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Hauriou, qui redoutait le dynamisme de la notion de risque
social, eût voulu cantonner l'arrêt Couitéas dans le cas du refus
d'exécution d'un jugement menaçant l'ordre public en....
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