RESPONSABILITÉ- FAUTE PERSONNELLE ET FAUTE DE SERVICE - CRITÈRE T.C. 14 janv. 1935, THEPAZ, Rec. 224 (S. 1935.3.17, note Alibert)
Publié le 03/10/2011
Extrait du document
Cons. qu'un convoi de camions militaires, allant à la vitesse de
20 kilomètres à l'heure, sous les ordres d'un gradé, a dépassé, sur la
route, un cycliste, le sieur Thépaz, et que la remorque d'un de ces
camions, à la suite d'un coup de volant donné par son conducteur, le
soldat Mirabel, en vue d'éviter le choc du camion précédent, qui avait
brusquement ralenti son allure, a renversé et blessé le cycliste;
Cons. qu'à raison de cet accident, l'action publique a été mise en
mouvement, en vertu de l'art. 320 du code pénal, à la requête du
ministère public, contre Mirabel, lequel a été condamné par le tribunal
correctionnel, puis la cour d'appel de Chambéry, à 25 F d'amende et
au paiement à Thépaz, partie civile, d'une provision de 7 000 F en
attendant qu'il soit statué sur les dommages-intérêts; que, devant la
cour d'appel, l'Etat, qui n'avait pas été mis en cause par la partie...
«
.réclamées par la victime? ou l'accident, n'engage-t-il, sur le plan
civil, que la seule responsabilité de l'Etat? En d'autres termes,
la faute qu'il a commise est-elle personnelle, ou s'agit-il d'une
faute de service?
Le Tribunal des Conflits opta pour la seconde
solution par l'arrêt Thépaz qui apporte une contribution impor
tante à la jurisprudence relative à la faute de service ainsi qu'à
la détermination de la juridiction compétente pour apprécier la
responsabilité de l'administration lorsqu'elle est mise en cause
devant un tribunal répressif.
1° Avant l'arrêt du Tribunal des Conflits, la faute d'un fonctionnaire, lorsqu'elle était constitutive d'un crime ou d'un
délit, était toujours considérée comme une faute personnelle :
l'exécution du service public excluait, par hypothèse, la possibi
lité d'une infraction pénale.
Toutefois,
le Tribunal des Conflits
avait déjà admis qu'en l'absence de toute instance pénale, de
«simples faits d'excès de vitesse et d'inobservation du droit de
priorité ...
ne constitueraient pas, s'ils étaient établis, une faute
se détachant de l'exercice des fonctions» (T.
C.
16 avr.
1929, Claire, Rec.
389).
Allant plus loin dans cette voie, et marquant nettement
l'abandon des conceptions traditionnelles, l'arrêt
Thépaz consa
cre le principe que, de même qu'il est des fautes personnelles
qui ne constituent pas un délit pénal, de même il est des délits
pénaux qui, indifférents en morale, ne constituent pas la faute
personnelle, telle que l'avait définie Laferrière -celle qui fait
apparaître chez
le fonctionnaire « l'homme avec ses faiblesses,
ses passions, ses imprudences» : il en est ainsi d'un coup de
volant malheureux.
Les applications de l'arrêt Thépaz sont innombrables.
Citons
seulement deux arrêts du Tribunal des Conflits, coulés dans le même moule, et d'après lesquels les fautes commises par des
conducteurs de véhicules administratifs condamnés pour blessu
res involontaires ne constituent pas des fautes
se détachant de
l'exercice de leurs fonctions (T.
C.
30 juin 1949, Vernet et Arnoux, Rec.
605 et 606).
Le même jour, le Tribunal des
Conflits décidait par contre qu'en poursuivant en dehors de ses heures de service un individu qu'il soupçonnait d'avoir voulu
pénétrer de nuit par effraction dans sa maison, et en le blessant
mortellement d'un coup de feu, un gardien de la paix avait
commis une faute personnelle
(T.
C.
30 juin 1949, Dame Vve Chu/liat, Rec.
606).
La Cour de Cassation elle-même a finale
ment admis qu'une infraction pénale puisse constituer une
faute de service (Cass.
crim.
3 avr.
1942, D.
1942.137, note \ aJine; J.
C.
P.
1942.11.1953, note Brouchot).
En transférant
aux tribunaux judiciaires le contentieux des accidents causés
par les véhicules de l'administration, la loi du 31 déc.
1957 a
toutefois privé la jurisprudence Thépaz de son application la
plus fréquente : les coups et blessures et homicides involontai
res..
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