RESPONSABILITÉ - FAUTE PERSONNELLE ET FAUTE DE SERVICE - CRITÈRE T. C. 14 janv. 1935, THEPAZ, Rec. 224
Publié le 26/09/2022
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RESPONSABILITÉ - FAUTE PERSONNELLE
ET FAUTE DE SERVICE - CRITÈRE
T.
C.
14 janv.
1935, THEPAZ, Rec.
224
(S.
1935.3.17, note Alibert)
Cons.
qu'un convoi de camions militaires, allant à la vitesse de
20 kilomètres à l'heure, sous les ordres d'un gradé, a dépassé, sur ïa
route, un cycliste, le sieur Thépaz, et que la remorque d'un de ces
camions, à la suite d'un coup de volant donné par son conducteur, le
soldat Mirabel, en vue d'éviter le choc du camion précédent, qui avait
brusquement ralenti son allure, a renversé et blessé le cycliste;
Cons.
qu'à raison de cet accident, l'action publique a été mise en
mouvement, en vertu de l'art.
320 du code pénal, à la requête du
ministère public, contre Mirabel, lequel a été condamné par le tribunal
correctionnel, puis la cour d'appel de Chambéry, à 25 F d'amende et
au paiement à Thépaz, partie civile, d'une provision de 7 000 F en
attendant qu'il �oit statué sur les dommages-intérêts; que, devant la
cour d'appel, l'Etat, qui n'avait pas été mis en cause par la partie
civile, est intervenu pour déclin.er la compétence de l'autorité judiciaire,
aux fins de faire substituer sa responsabilité civile à celle du soldat;
Cons.
que, dans les conditions où il s'est présenté, le fait imputable à
ce militaire, dans l'accomplissement d'un service commandé, n'est pas
constitutif d'une faute se détachant de l'exercice de ses fonctions; que,
d'autre pa;t, la circonstance que ce fait a été poursuivi devant la
juridiction correctionnelle, en vertu des dispositions du nouveau code de
justice militaire sur la compétence, et puni par application de l'art.
320 du
code pénal ne saurait, en ce qui concerne les réparations pécuniaires, eu
égard aux conditions dans lesquelles il a été commis, justifier la compé
tence de l'autorité ju{iiciaire, saisie d'une poursuite civile exercée
accessoirement à l'action publique;...
(Arrêté du conflit confirmé).
OBSERVATIONS
Le conducteur d'un camion militaire provoque un accident :
il est condamné à une amende par les tribunaux répressifs;
peut-il être également condamné aux réparations pécuniaires
.réclamées par la victime? ou l'accident,n'engage-t-il, sur le plan
civil, que la seule responsabilité de l'Etat? En d'autres termes,
la faute qu'il a commise est-elle personnelle, ou s'agit-il d'une
faute de service? Le Tribunal des Conflits opta pour la seconde
solution par l'arrêt Thépaz qui apporte une contribution impor
tante à la jurisprudence relative à la faute de service ainsi qu'à
la détermination de la juridiction compétente pour apprécier la
responsabilité de l'administration lorsqu'elle est mise en cause
devant un tribunal répressif.
1 ° Avant l'arrêt du Tribunal des Conflits, la faute d'un
fonctionnaire, lorsqu'elle était constitutive d'un crime ou d'un
délit, était toujours considérée comme une faute personnelle :
l'exécution du service public excluait, par hypothèse, la possibi
lité d'une' infraction pénale.
Toutefois, le Tribunal des Conflits
avait déjà admis qu'en l'absence de toute instance pénale, de
« simples faits d'excès de vitesse et d'inobservation du droit de
priorité...
ne constitueraient pas, s'ils étaient établis, une faute
se détachant de l'exerci:ce des fonctions» (T.
C.
-16 avr.
1929,
Claire, Rec.
389).
Allant plus loin dans cette voie, et marquant nettement
l'abandon des conceptions traditionnelles, l'arrêt Thépaz consa
cre le principe que, de même qu'il est des fautes personnelles
qui ne constituent pas un délit pénal, de même il est des délits
pénaux qui, indifférents en morale, ne constituent pas la faute
personnelle, telle que l'avait définie Laferrière - celle qui fait
apparaître chez le fonctionnaire « l'homme avec ses faiblesses,
ses passions, ses imprudence�» : il en est ainsi d'un coup de
volant malheureux.
Les applications de l'arrêt Thépaz sont innombrables.
Citons
seulement deux arrêts du Tribunal des Conflits, coulés dans le
même ·moule, et d'après lesquels les fautes commises par des
conducteurs de véhicules administratifs condamnés pour blessures involontaires ne constituent pas des fautes se détachant de
l'exercice de leurs fonctions (T.
C.
30 juin 1949, Vernet et
Arnoux, Rec.
605 et 606).
Le même jour, le Tribunal des
Conflits décidait par contre qu'en poursuivant en dehors de ses
heures de service un individu qu'il soupçonnait d'avoir voulu
pénétrer....
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