RESPONSABILITÉ DU FAIT DES LOIS C.E. 14 janv. 1938, SOCIÉTÉ ANONYME DES PRODUITS LAITIERS «LA FLEURETTE», Rec. 25 (S. 1938.3.25, concl. Roujou, note Laroque; D. 1938.3.41, concl. Roujou; note Rolland; R.D.P. 1938.87, concl. Rou jou, note Jèze)
Publié le 03/10/2011
Extrait du document
Cons. qu'aux termes de l'art. ter de la loi du 29 juin 1934 relative à
la protection des produits laitiers : « Il est interdit de fabriquer,
d'exposer, de mettre en vente ou de vendre, d'importer, d'exporter ou
de transiter : 1°) sous la dénomination de « crème « suivie ou non d'un
qualificatif ou sous une dénomination de fantaisie quelconque, un
produit présentant l'aspect de la crème, destiné aux mêmes usages, ne
provenant pas exclusivement du lait, l'addition de matières grasses
étrangères étant notamment interdite«;
«
OBSERVA TI ONS
1.
- En 1838, un siècle avant l'arrêt La Fleurette, le Conseil
d'État, dans un arrêt de principe, !'arrêt Duchâtelet, avait
conclu à l'irresponsabilité totale de l'Etat législateur.
Le sieur
Duchâtelet était fabricant de tabac factice.
Une loi du 12 févr.
1835 avait interdit la fabrication, la circulation et la vente du tabac factice -uniquement pour mieux garantir le monopole
fiscal des tabacs et sans alléguer contre les fabricants le
caractère nuisible
pour la santé publique du tabac factice -et
n'avait pas prévu d'indemnité pou! ceux dont cette interdiction
léserait les intérêts.
Le Conseil d'Etat ne s'était pas reconnu le
pouvoir, dans le silence de la loi, d'accorder une telle indem
nité (C.E.
Il janv.
1838, Duchâtelet, Rec.
7).
Il s'était pro
noncé dans le même sens à propos de l'établissement du monopole des allumettes par la loi du 2,août 1872 (5 févr.
1875, Moroge, Rec.
89 : «Cons.
que l'Etat ne saurait être
responsable des conséquences des lois qui, dans un intérêt géné
ral, prohibent l'exercice d'une industrie,
à moins que des disposi
tions spéciales ne soient intervenues dans ce sens»).
Cette jurisprudence se comprenait fort bien à une époque où la responsabilité de l'État administrateur n'était pas encore
entièrement reconnue.
La doctrine l'expliquait en arguant de la
généralité des actes législatifs et de la souveraineté du législa
teur.
« La loi est un acte de souveraineté et le propre de la
souveraineté est de s'imposer à tous sans qu'on puisse réclamer
d'elle aucune compensation.
Le législateur peut seul apprécier,
d'après la nature et la gr~vité du dommage, d'après les nécessi
tés et les ressources de l'Etat, s'il doit accorder cette compensa
tion.
Les juridictions ne peuvent l'allouer à sa place » (Lafer
rière).
Cependant dès le dernier quart du
x1xe siècle, l'irresponsabi
lité de l'État législateur, suivant l'évolution de la responsabilité
de l'administration, ne s'est plus imposée avec la même évi
dence.
Le droit à l'indemnité fut reconnu aux cocontractants de
l'État qui, du fait de dispositions législatives nouvelles, subis
saient des charges nouvelles et imprévues (C.E.
27 juill 1906, Compagnie P.
L.
M., ~ec.
702, concl.
Teissier;- 12 juill.
1929, Chemins de fer de l'Etat, Rec.
721; - 2 mars 1932, Société
Mines de Joudreville, Rec.
246; arrêts reconnaissant à des
sociétés minières concessionnaires de l'État le droit d'être
iudemnisées du préjudice
par elles subi en raison des pouvoirs
données par la loi du 27 juin 1880 aux préfets d'interdire les
travaux souterrains à proximité d'une ligne de çhemins de fer).
En dehors de ce cas particulier, le Conseil d'Etat continuait à
refuser d'accorder une indemnité aux requérants qui se plai
gnaient d'avoir été lésés
par une loi; mais il ne se fondait plus sur des motifs aussi généraux et absolus que par le passé..
»
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